Philippe Lamberts

Pourquoi nous avons besoin de NewB

Philippe Lamberts Co-Président du Groupe des Verts/ALE au Parlement européen

Réunir 30 millions d’euros en un mois : c’est l’énorme défi auquel la coopérative NewB fait face depuis le 26 octobre dernier. À défaut, elle ne pourra obtenir l’agrément de la Banque centrale européenne (BCE), nécessaire pour devenir une banque. Mais est-ce vraiment judicieux de soutenir l’arrivée d’un nouvel acteur bancaire dans un secteur aussi saturé ?

« Il est plus facile de détruire que de construire » : l’auteur de cette maxime aurait pu être Maurice Lippens, architecte de la plus grande faillite bancaire de l’histoire de Belgique. S’il a suffi d’un week-end pour que la banque Fortis explose en plein vol, il a fallu plus de sept années aux promoteurs de NewB pour élaborer une gouvernance et un portefeuille de produits en vue d’obtenir une licence bancaire.

Durant cette période de gestation, la coopérative – portée par quelque 150 organisations de la société civile – n’a pas seulement dû batailler ferme pour rencontrer les exigences posées par les régulateurs ; elle a également fait face à d’importantes réticences politiques. Interrogé à propos de NewB en 2014, Luc Coene, alors gouverneur de la Banque nationale de Belgique (BNB), déclarait qu’il y avait déjà trop de banques en Belgique.

Le problème se situe pourtant ailleurs : c’est surtout le manque de diversité qui mine aujourd’hui notre secteur bancaire. Et c’est précisément pour cette raison qu’il convient de soutenir l’initiative NewB. Celle-ci ambitionne en effet de répondre à une triple nécessité.

La première est de favoriser une relocalisation financière. Aujourd’hui, une large part du secteur bancaire belge est dominée par de grands groupes étrangers (BNP Paribas, ING, Crédit Mutuel, Deutsche Bank, etc.). Il en découle de multiples effets pervers, dont l’éloignement des centres de décision et des services à l’économie belge, mais aussi les risques de transferts massifs de fonds depuis les filiales belges vers leur société-mère en période de crise financière. Les filiales BNPP Fortis et ING Belgique sont particulièrement vulnérables à ce sujet : rien qu’en 2018, elles ont versé à leur maison-mère respectivement 1,8 milliards et 546 millions d’euros de dividendes.

À l’inverse de la tendance actuelle, la coopérative NewB entend, elle, concentrer 100% de ses activités de crédits sur l’économie locale.

La deuxième nécessité est de financer la transition écologique. Les plus grandes banques actives en Belgique sont en effet loin d’en faire leur priorité. Celles-ci investissement encore massivement dans le secteur des énergies fossiles au détriment des énergies renouvelables. Durant la période 2014-16, BNP Paribas, ING, KBC et Belfius ont, par exemple, investi ensemble plus de 40 milliards d’euros dans 100 entreprises importantes du secteur des combustibles fossiles[1].

De tels investissements vont non seulement à l’encontre de tous les engagements internationaux en matière climatique, mais ils engendrent également des risques d’instabilité financière importants. La prochaine crise financière pourrait en effet être la crise de la bulle du carbone. Une étude commandée par les Verts européens estime en effet qu’entre 40 et 60 % de la valeur des entreprises actives dans les énergies fossiles pourrait être perdue lorsque les investisseurs se rendront compte que leurs réserves ne pourront plus être exploitées et valorisées[2].

Prenant la mesure de l’urgence climatique, la coopérative NewB s’est engagée à orienter 100% de ses financements vers la transition climatique, en proposant trois types de crédits : pour la mobilité douce, la performance énergétique des bâtiments et la petite production d’énergies renouvelables.

L’engagement éthique est la troisième exigence à laquelle la future banque NewB entend se conformer. En prenant la forme d’une coopérative, celle-ci se démarque tout d’abord clairement des banques capitalistes orientées vers la seule maximisation du rendement financier à court terme. Des institutions telles que BNP Paribas, Deutsche Bank ou ING continuent de profiter de leur statut de banque « trop grande pour faire faillite », non seulement, pour spéculer, mais également pour se livrer à des activités délictueuses. Ces dernières années, elles ont toutes les trois été condamnées à verser des centaines de millions d’euros d’amendes pour diverses affaires de corruption et de blanchiment d’argent. Dans le même temps, leurs dirigeants continuent de s’octroyer des rémunérations indécentes tout en supprimant massivement des emplois.

Dans ce contexte, l’arrivée sur le marché d’une banque coopérative dont l’ambition affichée est de retourner aux fondamentaux du métier bancaire – à savoir, mettre l’épargne au service de la société – ne peut être que salutaire.

L’avenir n’a jamais été aussi incertain et inquiétant. Les bouleversements provoqués par les crises sociales et climatiques nous le rappellent quotidiennement. Mais la multiplication des initiatives citoyennes visant à changer de paradigme partout dans le monde sont une source de réjouissance. L’initiative NewB en fait partie. Ne ratons pas l’occasion d’en assurer le succès.

[1] VANAERSCHOT, Frank, Avril 2017, « Des banques zéro fossile pour lutter contre la bulle du carbone », Coalition Climat et Fairfin

[2] European Greens, June 2015, « The Carbon bubble: The financial risk of fossil fuels and need for divestment« 

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