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Pour en finir avec Léon Degrelle

Les sites Internet sur Degrelle et la Légion Wallonie sont truffés d’erreurs et d’inepties. Constat qui a incité l’historien Eddy De Bruyne à s’attaquer à nouveau aux légendes qui entourent l’engagement sur le front de l’Est.

L’engagement de quelque 8 000 volontaires Belges francophones sur le front de l’Est est loin d’être ce que, aujourd’hui encore, d’aucuns qualifient d’ « épopée ». Comment Léon Degrelle, simple soldat de la Légion Wallonie en 1941, en est-il devenu le SS-Obersturmbannführer ? Comment a-t-il réussi à écarter tous ceux qui, au sein de la formation militaire, lui faisaient de l’ombre ? Comment a-t-il contré les intrigues allemandes destinées à prendre le contrôle de la Légion ? Comment est-il devenu Kommandeur de la Division Wallonie en 1944, alors que les autres divisions composées d’étrangers étaient toutes commandées par des Allemands ? Et comment a-t-il laissé tomber ses hommes pour fuir vers l’Espagne, en mai 1945 ? Autant de questions auxquelles répond l’historien Eddy De Bruyne dans Léon Degrelle et la Légion Wallonie. La fin d’une légende (éd. Luc Pire). Cet ouvrage, qui sort ces jours-ci, est une nouvelle édition revue, corrigée et augmentée de Les Wallons meurent à l’Est, livre paru il y a vingt ans.

« Depuis lors, remarque l’auteur, Degrelle est décédé. De même, la génération des légionnaires, à quelques individus près, s’est éteinte et, avec elle, la mémoire orale des témoins privilégiés. Restent les écrits, les enregistrements audiovisuels et les archives. Alors qu’en Flandre la collaboration militaire avec l’occupant est toujours l’objet de publications, la collaboration militaire francophone semble ignorée, voire boudée par les historiens. » C’est l’une des raisons qui ont incité De Bruyne à compléter, vingt ans après, sa propre étude. L’autre raison est la propagation, via Internet, de nombreuses thèses et données erronées. « Il suffit d’introduire les mots « Degrelle » et « Légion Wallonie » pour aussitôt être dirigé vers une multitude de liens aux contenus douteux, assure l’historien. La plupart ne sont que des collages d’éléments épars réalisés sans discernement, à partir d’autres sites. Il n’est pas étonnant d’y voir reproduites les mêmes inepties. D’autres inexactitudes attendent les visiteurs des forums dits de la Seconde Guerre mondiale, auxquels chacun peut contribuer. Et que dire des sites français, espagnols et autres dédiés à la mémoire de Degrelle, sinon qu’on y manipule la vérité historique, comme l’a si souvent fait leur idole aux cours de ses décennies d’exil.

De Bruyne a consacré plus d’un quart de siècle à l’étude de la collaboration militaire belge francophone et au rexisme de guerre. Il a rencontré Degrelle à Madrid en 1983 et a interviewé une vingtaine d’officiers et une cinquantaine de soldats, vétérans du front de l’Est. « C’est un milieu très fermé, alors que, dans le nord du pays, ceux qui ont porté l’uniforme allemand sont fiers d’avoir lutté pour un idéal nationaliste flamand. Néanmoins, j’ai pu rencontrer les anciens combattants wallons par l’entremise d’un de leurs officiers, André Régibeau. J’ai aussi entretenu une longue correspondance avec Jules Mathieu, rexiste de la première heure et bras droit militaire de Degrelle, à qui j’ai envoyé mon manuscrit, qu’il a estimé conforme aux faits. »

L’ « épopée » tant vantée – par Degrelle et ses admirateurs – de Tcherkassy, combats au cours desquels la brigade a été décimée, a longtemps laissé dans l’ombre une réalité moins flatteuse : la guerre de clans qui opposait, au sein de la Légion Wallonie, les rexistes et les nationaux-socialistes du mouvement dissident Agra, fondé à Liège en mars 1941. Pour ces derniers, l’Etat belge est une erreur historique, le Wallon fait partie de la race nordique et Bruxelles appartient dans sa totalité à la communauté flamande. « Degrelle, lui, se réclame, à cette époque, de l’idée belgiciste, indique De Bruyne. Même son discours du 17 janvier 1943 sur la germanité des Wallons ne parviendra pas à atténuer les tensions vives qui opposent les deux groupes. En fait, le chef de Rex n’était pas un national-socialiste, mais un hitlérien, qui doit d’ailleurs à Hitler les honneurs que le Volksführer des Wallons se vit conférer à la fin de 1944. »

Olivier Rogeau

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