© Frédéric Pauwels

Pieter Aspe  » Les prêtres se protègent l’un l’autre par le biais de la confession. « 

Auteur prolifique de polars (2,2 millions d’exemplaires vendus), qui sont traduits progressivement en français chez Albin-Michel, Pieter Aspe est le reflet de son personnage fétiche: le commissaire Van In. Vivant aujourd’hui à Blankenberge, ce natif de Bruges a été dépassé par l’affaire Vangheluwe, du nom de l’ancien évêque accusé de pédophilie. Fin connaisseur des mystères de la Venise du Nord, Aspe a trouvé dans les derniers événements une réalité qui dépasse de loin la fiction.

PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE-CECILE ROYEN


Le Vif/L’Express : Parfois, la réalité dépasse la fiction. Avez-vous jamais imaginé, dans l’un de vos romans explorant la face noire de la société brugeoise, un évêque abuseur de son propre neveu ?

Pieter Aspe : J’avoue que j’ai déjà eu l’idée de faire quelque chose avec l’évêque de Bruges, mais tourné vers les femmes, non les enfants. Ici, tout le monde le connaît, je le connais un peu, mais personne n’avait pensé à ça.

Vous avez été scolarisé dans l’enseignement catholique. Dans les années 1960, parlait-on de ces choses-là ?

Tout le monde savait quels prêtres faisaient quelque chose, mais quoi, personne n’osait en parler, on ne savait rien. Cela concernait les internes. Nous, on riait de ça. De temps en temps, l’un ou l’autre de ces prêtres disparaissait sans explications. Une chose est certaine : ils savaient choisir leurs victimes car si l’on disait « non », ils n’insistaient pas. Mais, dans une école, il y a l’embarras du choix. A l’époque, tout le monde se taisait, parce que les parents ne croyaient pas leurs enfants. Et voilà que cela s’est passé avec l’évêque de Bruges. Bingo !

Pouvez-vous comprendre le silence qui a entouré si longtemps cette affaire ?

La rumeur dit que l’évêque de Bruges a payé la famille pendant longtemps, jusqu’à la prescription, il y a deux ans (NDLR : une information confirmée par d’autres sources à nos confrères du magazine Knack). Ce n’est pas pour les justifier, mais on peut comprendre qu’une famille très catholique ait préféré garder le silence pour l’argent, par honte ou intimidée par la position sociale de l’oncle. Pour l’une de ces raisons, ou plusieurs à la fois.

Une telle affaire aurait-elle pu être mise sous le boisseau dans une autre région que la Flandre occidentale, où le poids social de l’Eglise est plus important qu’ailleurs, où la cellule familiale est omnipotente ?

Une telle affaire aurait été impossible à Anvers, en tout cas ! Comme en Irlande, cette chape de silence n’a pu se refermer que parce qu’il s’agissait d’un milieu très homogène. Dans les années 1960 et 1970, en Flandre occidentale, dès qu’il s’agissait de la famille, même les choses les plus simples étaient cachées.

Lorsque le nouvel évêque de Bruges, Mgr Jozef De Kesel, a été installé à la cathédrale du Saint-Sauveur, une standing ovation a salué l’ancien primat de Belgique, Mgr Danneels. Il a pourtant eu une attitude ambiguë par rapport à l’aveu que lui a fait, au début du mois d’avril, son ami Vangheluwe puisqu’il n’en a parlé à personne.
Les prêtres se protègent l’un l’autre par le biais de la confession. Peut-être a-t-il espéré qu’après trente ans, la famille allait en rester là, par peur du scandale qui éclabousserait tous ses membres ? Que la médiatisation ferait pire que bien, que tout pouvait encore s’arranger ? Je comprends l’embarras des évêques quand il s’agit d’anciens dossiers d’abus sexuels. Qu’ils révèlent des histoires anciennes qu’ils n’avaient pas communiquées à la justice ou qu’ils les gardent pour eux, dans les deux cas, ils sont coupables.

Avant d’écrire, vous avez été le concierge de la basilique du Saint-Sang et de son petit musée. Quelles ont été vos relations avec l’évêque Vangheluwe ?

Il venait au moins deux ou trois fois par an à la basilique du Saint-Sang. Il a lu mes deux premiers livres. Il m’a dit qu’il les avait aimés. Il était poli. Catholique, je pense.

Si vous l’aviez en face de vous, que lui diriez-vous ?

Pourquoi les enfants ?

Vous vous êtes présenté sur une liste démocrate-chrétienne aux élections communales de Bruges, en 1976. Etes-vous croyant ?

Je ne suis pas catholique, non. Mais je ne suis pas contre non plus. A l’époque, j’étais au chômage. Un copain de collège m’a demandé de faire l’appoint sur une liste démocrate-chrétienne qui s’opposait au bourgmestre Michel Van Maele (CVP), qui avait la réputation d’être corrompu. J’étais le dixième et dernier candidat de la liste. Je n’ai pas été élu. C’était une expérience.

Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans Le Vif/L’Express de ce vendredi 6 août 2010.

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