Philippe Moureaux © BELGA

Philippe Moureaux, ancien ministre et bourgmestre PS de Molenbeek, est décédé

Philippe Moureaux, ancien bourgmestre historique de Molenbeek-Saint-Jean, où sa fille Catherine est récemment devenue bourgmestre à son tour, est décédé samedi à l’âge de 79 ans, selon un avis nécrologique communiqué par cette dernière.

L’homme, né à Etterbeek, a été vice-Premier ministre au fil de sa carrière politique, mais aussi ministre-Président de la Communauté française et ministre-Président de la Région bruxelloise.

Figure importante du PS bruxellois jusqu’il y a quelques années, Philippe Moureaux a été pendant près de 20 ans vice-président du parti socialiste. La famille, dont son épouse Latifa Benaicha, ses enfants, les époux et enfants de ces derniers, indique que ceux qui souhaitent se recueillir auprès de son cercueil sont bienvenus ce mardi de 9h00 à 16h00 à la maison communale de Molenbeek pour rendre hommage à ce maïeur emblématique de la commune. La cérémonie des funérailles se fera dans l’intimité familiale. Le septuagénaire avait annoncé en mars 2017 être atteint d’un cancer.

Sa dernière apparition publique remonte à l’automne dernier, quelques jours avant les élections communales qui ont porté sa fille Catherine vers le mayorat. Philippe Moureaux, docteur de la faculté de philosophie et lettres (histoire) de l’ULB (Université Libre de Bruxelles), a « donné » son nom à ladite « Loi Moureaux », contre le racisme et la xénophobie, un texte adopté en 1981 et qui a été une pierre angulaire de la répression des actes inspirés par le racisme ou la xénophobie en Belgique.

Un parcours entre coups de gueule et négociations discrètes

Ministre à différents niveaux de pouvoir, âpre négociateur institutionnel, auteur de lois progressistes comme de phrases assassines, figure emblématique de la gauche francophone, patron du PS bruxellois, bourgmestre de Molenbeek… Philippe Moureaux a marqué de son empreinte un quart de siècle de la vie politique belge sans jamais laisser personne indifférent.

Né le 12 avril 1939 à Etterbeek, fils du ministre libéral Charles Moureaux, Philippe Moureaux est docteur en histoire de l’ULB, spécialisé dans l’histoire économique et institutionnelle des Pays-Bas autrichiens.

Le jeune universitaire commence sa carrière politique comme conseiller au cabinet du vice-Premier ministre André Cools, son père spirituel auquel il restera indéfectiblement lié. Il fera ensuite partie des cabinets d’Edmond Leburton, premier ministre en 1973-74, de Léon Hurez et de Guy Spitaels.

Il dirigera aussi l’Institut Emile Vandervelde, centre d’études du PS. Philippe Moureaux entre une première fois au sein d’un gouvernement dans l’équipe Martens III, en 1980, en tant que ministre de l’Intérieur et des Réformes institutionnelles, un maroquin qu’il troquera contre celui de la Justice dans les gouvernements Martens IV et Eyskens, jusque fin 1981.

C’est en cet été 1981 qu’est adoptée la « loi Moureaux », qui réprime pénalement certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie.

Fin 1981, l’homme est élu député de l’arrondissement de Bruxelles. Il devient aussi ministre-président de l’exécutif de la Communauté française, chargé du budget, des sports, des relations internationales, du tourisme et de la jeunesse. Il occupe ce poste jusqu’en 1985, et pendant trois mois de février à mai 1988.

En 1982, le PS l’envoie dans la commune bruxelloise de Molenbeek-Saint-Jean dont il devient conseiller communal en 1983. Dans le dernier gouvernement Martens (1988-1992), il est vice-Premier ministre et ministre des Réformes institutionnelles.

Il est aussi chargé de la restructuration du ministère de l’Education nationale et du ministère de la Région bruxelloise. Il négociera avec Jean-Luc Dehaene (CVP) les grands accords qui ont marqué l’avènement définitif de la Belgique fédérale et arrachera la création de la Région bruxelloise.

En mars 1992, il devient ministre des Affaires sociales. Il présente fin octobre une première fois sa démission car il estime ne pas être suffisamment soutenu dans la réforme de l’assurance maladie. A la demande de M. Dehaene, devenu premier ministre, il revient sur sa décision mais quitte définitivement le cabinet en mai 1993 après la réforme de l’assurance maladie, pour diriger sa commune de Molenbeek.

Après les élections communales d’octobre 1994, « Flupke Moustache », un surnom qui lui a été donné pour son trait physique caractéristique, est à nouveau nommé bourgmestre de Molenbeek.

Début 1994, on reparle de lui comme du témoin anonyme de la juge d’instruction liégeoise Véronique Ancia qui enquête sur le dossier Agusta, ouvert dans les suites de l’enquête sur l’assassinat d’André Cools.

Une plainte de Guy Mathot pour calomnie et diffamation, dans le cadre de l’affaire Agusta, ne débouche pas sur la levée de son immunité parlementaire. Mi-1994, le parlement refuse de lever son immunité parlementaire alors que le parquet général le soupçonnait d’avoir passé une série de contrats douteux avec le centre d’études INUSOP. La Chambre estime les indices présentés comme insuffisamment étayés.

Le 30 mai 1995, Philippe Moureaux est nommé ministre d’Etat. Quelques jours plus tard, il fait son retour dans la politique nationale en étant élu président de la fédération bruxelloise du PS à la tête de laquelle il restera jusqu’en février 2011, sans que son autorité politique et morale n’ait jamais été remise en cause.

Ce statut en a aussi fait un vice-président du parti durant toutes ces années. Le 13 juin 1999, le député devient sénateur, un poste qu’il conservera jusqu’en 2014. Il est l’un des artisans de la loi qui octroie le droit de vote aux étrangers hors Union européenne en 2004, au terme d’un parcours difficile.

Représentant du PS dans les multiples organes de concertation communautaire (« Octopus », « dialogue communautaire », « Corée », « groupe des sages », etc), négociateur PS des volets bruxellois de l’accord institutionnel pour la 6e réforme de l’Etat (2011), Philippe Moureaux a contribué à redessiner le paysage de la Belgique. Lucide voire sceptique sur l’avenir du pays, il a aussi présidé le groupe de travail sur la réforme du Sénat, qui a réduit fortement les pouvoirs de cette assemblée.

Le grand public retiendra ses flingages en règle de certains de ses adversaires politiques lors des débats télévisés et ses polémiques à répétition avec l’un des hommes forts du MR, Didier Reynders. A l’issue des communales de 2012, une coalition MR-Ecolo-cdH débarque Philippe Moureaux de Molenbeek, qu’il dirigeait d’une main de fer depuis près de 20 ans. Agé de 73 ans, il décide de quitter la vie politique.

Il ne disparaît pas pour autant de l’actualité. Sa gestion communale fait l’objet de vives critiques à droite après les attentats de Paris et de Bruxelles, commis par des jeunes gens qui ont grandi à Molenbeek. Il se défend dans un livre intitulé « La vérité sur Molenbeek ».

En mars 2017, Philippe Moureaux annonce qu’il est atteint d’un cancer. Il a fait une dernière apparition publique quelques jours avant les élections sur la place communale afin de soutenir la candidature de sa fille, Catherine. Celle-ci a pris la relève à Molenbeek, devenant bourgmestre de la commune à l’issue des élections communales d’octobre 2018.

Contenu partenaire