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Philippe et Mathilde, « briseurs de grève »

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Que faut-il donc pour empêcher une grève du rail en Belgique ? C’est simple : un mariage princier. En décembre 1999, des tribunaux interdisent aux conducteurs de la SNCB de gâcher les épousailles de Philippe et Mathilde en maintenant leurs locos à quai.

Interdire une grève dans un service public sans autre forme de procès est une chose qui en principe ne se fait pas et qui n’est pas à faire. Ou alors très exceptionnellement, pour une raison éminemment valable. Pour atteinte à la sécurité nationale ou grave menace sur la santé publique, par exemple. A moins que ce ne soit pour cause d’heureux événement au sein de la famille royale.

Pas question de gâcher le bonheur de Philippe et Mathilde et de leurs nombreux invités, ce 4 décembre 1999. La SNCB s’était d’ailleurs engagée à être à la hauteur du mariage de l’héritier du trône en acheminant la toute grosse foule dans la capitale.

Les patrons du rail en attrapent des sueurs froides en apprenant que les conducteurs de train menacent de répondre à un appel à la grève du syndicat SIC. Il y va du transport gratuit de plusieurs centaines de milliers de personnes (400.000 tickets distribués) attendues à Bruxelles. L’enjeu est trop grave que pour ne pas sortir l’arme lourde : demander purement et simplement à la justice d’interdire l’action pour usage abusif du droit de grève.

Sollicités en extrême urgence par la SNCB pour empêcher que ne se commette l’irréparable, les présidents des tribunaux de première instance du Royaume, dans tous les arrondissements judiciaires où se niche une gare, réagissent au quart de tour. Et obtempèrent de bonne grâce dans leur toute grande majorité, en jugeant que le fruit recherché de l’action des grévistes serait sans commune mesure avec les dégâts infligés à la royale cérémonie et n’était pas conforme à « l’intérêt général »

Seuls deux juges wallons font de la résistance. Par refus de voir la justice instrumentalisée ou de faire une exception pour les noces d’un prince et d’une logopède. Christian Panier, alors président du tribunal de Namur, fut un de ces deux réfractaires à la requête unilatérale de la SNCB :  » les arrondissements néerlandophones, que l’on supposait plus réceptifs et dociles à une telle demande, ont été les premiers approchés, histoire de m’impressionner et de me pousser à suivre le mouvement sous le régime de l’extrême-urgence. Jouer au flic, très peu pour moi : la requête était tellement grossière qu’elle était tapée à la machine à écrire et qu’il ne restait plus qu’à remplir les cases ad hoc. A mes yeux, acheminer une population en liesse sur le lieu d’un mariage, fût-il princier, ne relevait pas d’une absolue nécessité. Il n’y avait pas, me semble-t-il, péril en la demeure. »

Happy end : Philippe et Mathilde ont pu se dire oui sans un nuage à l’horizon, devant une foule nettement moins dense qu’attendu. Mais pour le coup, promis juré, ce n’était pas la faute à la grève.

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