Le roi Baudouin à Anvers le 2 février 1953. Dans la nuit du 31 janvier au 1er février 1953, le littoral belge est dévasté par un très violent raz-de-marée. © Belga

Philippe à Quiberon et Baudouin à Antibes

Le Vif

Le roi Philippe peut-il être en thalasso pendant que la Belgique affronte le terrorisme ? L’absence du Souverain en période de crise n’est pas une première. En 1953 déjà, c’est dans le sud de la France que Baudouin se reposait pendant que le pays était frappé par un drame.

L’événement est exceptionnel. Dans la nuit du 31 janvier au 1er février 1953, le littoral belge est dévasté par un très violent raz-de-marée. Une quinzaine de personnes perdent la vie. La situation est bien pire en Angleterre et aux Pays-Bas : au total, la catastrophe fait plus de 1500 victimes sur les rives de la Mer du Nord, noyant le bétail, inondant les terres, détruisant les immeubles…

Au même moment, le roi Baudouin se trouve à Antibes, sur la Côte d’Azur. « En convalescence », apprend-on. Mais le jeune chef de l’Etat est conscient de ses responsabilités : le 2 février, il se rend au chevet de la Flandre occidentale, serre quelques pinces et pose devant les objectifs. Quelques jours plus tard, il effectue une nouvelle visite aux victimes. Baudouin sait qu’en période de crise, il doit se trouver aux côtés des fragilisés, apporter un peu de baume au coeur et manifester un soutien moral. Parfait.

Problème : les journalistes apprennent rapidement qu’entre chacune de ses visites, Baudouin regagne le soleil du Sud. Ce qui fait mauvais genre : alors que le pays traverse une période difficile, son roi privilégie ses soucis de santé – qui restent encore à prouver, selon les mauvaises langues. Médiatiquement, l’affaire passe très mal.

La presse se lâche. Baudouin est attaqué. Mais moins que les collaborateurs du Palais. Et moins encore que Lilian Baels. On reproche à la « belle-mère » son attitude tapageuse, ses manières indiscrètes et surtout sa volonté de tout régenter à Laeken. L’affaire déborde les frontières. Dans certains périodiques étrangers, on n’hésite pas à parler d’une reprise de la Question royale. Pour le pays, la publicité est mauvaise ; pour le Souverain, les critiques sont difficiles à encaisser. En réalité, le Palais est carrément furieux. Le 15 février, le Premier ministre Jean Van Houtte est convoqué à Nice. Baudouin lui lit une note extrêmement sèche dans laquelle il réclame des mesures fortes contre la presse. Le Premier ministre est sous pression. Au Parlement, il couvre la Couronne et se contente de raconter que l’état de santé de Baudouin est relativement grave… Personne n’est dupe. L’opposition attaque la majorité. Le roi, pour sa part, est relativement épargné.

La tempête finira par s’apaiser. Mieux : conscient de ses limites en la matière, le Palais ouvre un service de Presse peu de temps après les événements. Quant à Baudouin, c’est au fil des crises qu’il découvrira les contours de sa fonction. Et finira par véritablement apprendre son métier de roi.

Vincent Delcorps

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