Paul Van Tigchelt © Belga

Paul Van Tigchelt à propos de la baisse du niveau de menace: « Ce n’est pas un festival de bonnes nouvelles »

Michel Vandersmissen
Michel Vandersmissen Journaliste pour Knack

Lundi, l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace (OCAM) a baissé le niveau de menace en Belgique de 3 à 2. « Vous ne nous entendrez pas dire que l’EI ne représente plus aucune menace. Ce serait particulièrement stupide », déclare Paul Van Tigchelt, le patron de l’OCAM à nos confrères de Knack.

Depuis les attentats de Paris du 14 novembre 2015, le niveau de menace en Belgique n’a plus baissé en dessous de 3 (‘sérieux’). Jusqu’à ce que lundi l’OCAM – après 800 jours – baisse le niveau à 2 (‘moyen’). Van Tigchelt: « C’est la première fois depuis mon arrivée que je peux annoncer une nouvelle un peu positive. »

Notre pays est-il plus sûr ? Quelle est au fond la différence pratique entre les niveaux 3 et 2 ?

Paul Van Tigchelt: La menace baisse de « possible et vraisemblable » à « peu vraisemblable ». Donc oui : la Belgique est plus sûre. Mais nous ne sommes toujours pas au niveau 1. Il reste environ 140 djihadistes belges en Syrie et en Irak. La propagande de l’EI a diminué, mais n’a pas disparu. Il y a encore des enquêtes en cours, des dissidents ou des ramifications autour d’anciennes machinations. Il y a encore des personnes radicalisées dans notre pays. Le terreau qui alimente le djihadiste n’a pas disparu non plus : le clivage nous-eux, le discours salafiste-djihadiste, la théorie du complot, la victimisation… En outre, nos prisons hébergent des gens radicalisés qui seront libérés un jour. Et il y a évidemment le contexte géopolitique global, qui n’invite pas à la réjouissance, certainement pas au Moyen-Orient. Pour l’instant, on est dans l’expectative. On attend de voir ce qui se passera là-bas, quelle forme prendra l’extrémisme musulman djihadiste. Tout cela nous oblige à la prudence et à la vigilance.

Et pourtant, vous baissez le niveau de menace ?

Le califat en Syrie et en Irak est à terre – ce qui ne signifie pas que le danger soit totalement écarté. Nous constatons également qu’il devient moins tentant pour les gens d’ici de commettre des attentats au nom de l’EI. La force d’attraction de l’EI a en grande partie disparu. La propagande officielle de l’EI s’est également effondrée. Le dernier magazine de l’EI, Rumiyah, date de septembre 2017. On diffuse encore de la propagande, mais elle contient peu de nouveautés. Il s’agit d’éléments existants qu’on recycle, par exemple des vidéos pourvues de nouveaux sous-titres. On appelle ça de la propagande de fan boys et de fan girls. Eh oui, il y en a en Belgique aussi.

La fin de l’EI est-elle en vue?

Attention, ce n’est pas un festival de bonnes nouvelles. Nous n’allons pas proclamer que l’EI et ses sympathisants ne représentent plus aucune menace, tout comme le salafi-jihadisme tout court. Ce serait particulièrement stupide, car pour certains, trop de triomphalisme peut les inciter à faire une tentative.

Pourtant, il est clair que la menace a diminué. Le dernier attentat commis par l’EI sur le territoire européen date du 1er octobre 2017, quand un homme a tué deux jeunes femmes à Marseille. Auparavant, on comptait plusieurs incidents terroristes par mois en Europe. À présent, c’est retombé. En outre, l’OCAM reçoit moins d’informations déterminantes des services de renseignement et de la police.

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