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Paul Magnette et les mauvais camarades

L’ouverture de la majorité évite à Paul Magnette de se trouver prisonnier de l’indocilité des siens. Et si le PS était, à Charleroi, le seul lieu de contre-pouvoir ?

« Magnette est bien plus emmerdé à l’Union socialiste communale qu’au collège, ou personne n’ouvre la bouche, sauf Eric Massin lorsqu’il y assiste. » La confidence vient d’un socialiste haut placé, et elle n’étonne pas. Depuis son entrée en politique en 2007 en effet, Paul Magnette, qui a vite abandonné la présidence de l’USC, s’est bien davantage appuyé sur l’électeur que sur le militant, voire sur l’adversaire plutôt que sur le camarade. La cuisine interne ennuie ce gastronome, qui n’honore les soupers, thés dansants, bals, brocantes et veillées des seize sections locales, des pensionnés, des jeunes et des femmes prévoyantes que d’un furtif passage. Au mieux.

« En général il ne vient pas. Il entre, ne dit bonjour qu’à ceux qu’il connaît, boit vite un verre avec eux et puis s’éclipse sans saluer personne d’autre. Le contraire de ce qu’on a toujours connu », déplore un militant. Il faut dire qu’il n’a aucun besoin de cet appareil qui lui résiste souvent. C’est pourquoi il le contourne autant que possible et délègue à ses fidèles Zecchini et Pham.

L’été dernier, il est passé par le groupe socialiste au conseil communal, plus docile, plutôt que par l’exécutif de l’USC pour faire remplacer Anthony Dufrane, parti au parlement wallon, par Julie Patte. Plusieurs socialistes contestaient ce choix : Bernard Van Dyck et Mahmut Dogru avaient en 2012 récolté davantage de voix de préférence que l’impétrante, et avançaient de pesants soutiens. Depuis, Jacques Van Gompel et Jean-Claude Van Cauwenberghe se sont impatronisés invités permanents aux réunions du groupe. Mais il était trop tard.

Ils avaient pourtant déjà dû avaler la décision mayorale de composer avec MR et CDH la majorité municipale, alors que le PS pouvait gouverner seul. Magnette ne s’était alors pas seulement prévalu de ses 24 000 voix de préférence pour faire avaler la pilule. Il avait fracturé le front adverse, en installant Philippe Van Cauwenberghe (poulain de l’éponyme) à un échevinat qu’il refusait à Bernard Van Dyck (soutenu par Eric Massin, donc par Van Gompel).

L’ouverture de la majorité lui évite de se trouver prisonnier de l’indocilité des siens. D’autant plus confortable qu’il a également imposé son casting à ses partenaires orange et bleus. Au MR, Ornella Cencig et Cyprien Devilers ne l’indisposaient guère, même si ce dernier subit de plus en plus fréquemment l’ire mayorale. Au CDH, il a fait de l’absence de l’échevin sortant Antoine Tanzilli une condition du pacte d’alliance (celui-ci est désormais chef de cabinet adjoint de Maxime Prévot). Son refus de collaborer avec des verts dont il se dit proche tient tout autant de l’inclination personnelle : il ne voulait pas de la tête de liste écologiste Luc Parmentier dans son collège. Les Ecolos, eux, n’ont pas plié. Ils sont dans l’opposition.

Moins toutefois que certains socialistes du cru. A la Fédération d’arrondissement, son président Eric Massin (député fédéral, président du CPAS) et le Farciennois Hugues Bayet (député européen et bourgmestre) sont les seuls à pouvoir contester l’autorité de Magnette. Ils ne s’aiment guère, et depuis longtemps. Heureux Paul, malgré ses mauvais camarades.

Nicolas De Decker

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