« Pas forcément une mauvaise chose qu’il y ait moins d’emplois chez Brussels Airlines »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

L’économiste Etienne de Callataÿ se veut rassurant au sujet des conséquences de la récession record causée par la crise et explique en quoi cela peut être une opportunité pour changer le monde.

Etienne de Callataÿ est économiste à Orcadia Asset Management, il tire pour nous les leçons à attendre d’une récession sans précédent en Europe.

L’Union européenne va connaître la pire récession de son histoire. Faut-il en craindre l’impact pour tous, dans les prochains mois?

Tout d’abord, il faut accepter une forme d’incertitude – le sociologue et philosophe Edgar Morin a pas mal écrit là-dessus. On a en outre tendance à se rattacher à un événement connu par le passé – comme la récession consécutive au krach financier de 1929 – ce qui n’est pas idéal car chaque événement est spécifique. Pour le reste, nous sommes évidemment dans le domaine de l’extrapolation, mais il faut bien sûr chercher un scénario, on ne peut pas rester les bras croisés. L’un dans l’autre, je pense que le monde devra changer. Je suis d’ailleurs de ceux qui craignent que le coronavirus ne le fera finalement pas assez changer. Pour le moment, tout le monde trouve le télétravail sympa, mais attendez que les réunions ou les cocktails se multiplient…

Le naturel reviendra vite au galop?

Bien sûr il faut s’y attendre. D’où la nécessité d’avoir des actions politiques pour ancrer le changement.

Mais concrètement, cette récession est-elle une catastrophe économique, dont on payera le prix?

Le scénario économique est assez simple. Nous étions à 100 avant la crise et l’on rajoutait 1,5 chaque année. Nous aurions donc été à 101,5 en fin d’année. Au lieu de cela, nous sommes passés de 100 à 92. L’année prochaine, il y aura un rattrapage de croissance, nous devrions passer de 92 à 96 pour recommencer à augmenter de 1,5 en moyenne chaque année suivante. Le rattrapage sera donc lent, c’est évident. La dette publique sera par ailleurs importante : on passera de 100% à 115% environ. André Decoster, grand spécialiste de la KUL, vient de publier un article expliquant qu’il s’agit d’un choc majeur et temporaire, moins grave qu’une évolution structurelle comme le poids de pensions par exemple. Cela ne devrait pas changer grand-chose, surtout en raison des taux d’intérêt très bas, on finira par s’en accommoder.

L’Etat intervient massivement dans les entreprises, le chômage temporaire, les hôpitaux… A-t-on raison de craindre que nous le payerons en impôts?

Ce ne sera pas forcément le cas. Je pense qu’il y aura une certaine démarche complaisante par rapport à ce surcroît de dette publique au niveau européen et que la Banque centrale européenne maintiendra les taux bas.

Certains se disent alors que si l’on peut investir massivement contre le coronavirus, on pourrait aussi le faire contre le changement climatique…

Il n’y a pas de réponse claire à cette affirmation. A priori, ce sont deux choses différentes. Le coronavirus, c’est un coup de massue brutal qui limite notre aléa moral, comme on le dit en économie, c’est-à-dire que l’on ne peut pas dire que l’on est responsable de ce qui se passe. Dans le cas de la transition environnementale, on peut se dire qu’il existe des alternatives : on n’est pas forcément obligé d’investir dans de nouvelles lignes de chemins de fer, on peut réorienter nos comportements via le télétravail ou une vie sociale plus locale, par exemple.

Doit-on craindre, par contre, des faillites et des pertes d’emploi ?

Il y aura une forte explosion du nombre de faillites, c’est inévitable. Il faudra veiller à un accompagnement social fort. Mais au-delà de cela, il ne faut pas forcément en avoir peur, ce n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Il faudrait souhaiter, par exemple, qu’il y ait moins d’emplois chez Brussels Airlines ou à Brussels Airport, que l’activité y soit moindre parce que ce serait meilleur pour le climat. Mes propos ne se veulent pas violents, je dis ça en sachant que ce serait difficile pour ceux qui y travaillent. Mais cela signifierait que l’économie s’adapte et cette crise peut être un accélérateur. Il ne faut pas voir que le mauvais côté des choses : beaucoup de jeunes sont intéressés par le maraîchage ou le secteur agricole, par exemple. Un des grands problèmes du capitalisme, c’est le court-termisme, cette crise va peut-être induire une vision à plus long terme.

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