Thierry Fiorilli

Pacte sur les migrations: le hara-kiri d’une alliance contre-nature

Thierry Fiorilli Journaliste

En fait, c’était écrit. le gouvernement Michel est le fruit d’une alliance contre nature, depuis l’été 2014 ; il devait bien, fatalement, à un moment ou l’autre, l’admettre lui-même. Et, du coup, ces jours-ci, soit divorcer purement et simplement, soit convenir d’un système de cohabitation honorable pour ne plus trop s’écharper jusqu’aux élections du 26 mai prochain. La journée d’hier et l’annonce par le Premier ministre qu’il remettait le sort de son exécutif, en fait, au Parlement démontrent que c’est la première option qui a été décidée.

Avant les dernières législatives, Charles Michel, patron du MR, avait juré qu’il ne convolerait jamais avec la N-VA. Après, il a retourné sa veste, clamant qu’il s’était « trompé » sur son nouveau partenaire nationaliste, sa nature, ses objectifs, s’arcboutant surtout à la garantie qu’ils n’allaient, ensemble, que s’occuper de socio-économique. Pas de communautaire.

C’était donc écrit aussi : la séparation ne pouvait résulter que d’un comportement naturel, spontané, viscéral de l’un des époux. Et irritant naturellement, spontanément et viscéralement l’autre jusqu’à la séparation, si pas encore dans les faits du moins dans la tête. Quoi qu’il advienne, le ménage MR – N-VA est mort. Parce qu’un engagement solennel, un contrat de mariage, c’est une chose, mais un ADN, un héritage familial, des convictions, c’en est une tout autre. Et qui pèse toujours beaucoup plus lourd que toutes les promesses prénuptiales imaginables. Et donc, après tant de concessions (de l’un comme de l’autre), de rappels à l’ordre (toujours du même), de justifications de plus en plus embarrassées (de l’un) des attitudes et agissements (de l’autre) de plus en plus injustifiables, le couple a explosé sur un dossier pas si éloigné du communautaire. Le pacte sur les migrations. Qui fait s’affronter deux visions de société fondamentalement différentes, selon qu’on soit multilatéraliste ou isolationniste, universaliste ou identitaire, pour des politiques communes ou pour un chacun-chez-soi (et nous d’abord). On sait et on voit où se range tout parti nationaliste, par essence et par logique. Le parti de Bart De Wever ne veut donc pas du pacte (lançant hier, puis la retirant, une campagne d’affiches s’y opposant relevant clairement de l’extrême droite) alors que Charles Michel s’y est engagé au nom de son gouvernement.

C’est dès lors bien la nature même de la N-VA, de ses principaux dirigeants en tout cas, aux accents si récurrents de ce qu’on appelle pudiquement « la droite radicale », qui met fin à la romance en trompe-l’oeil qui l’a liée au MR durant quatre ans. Une romance dont la longévité doit beaucoup aux circonstances, aussi (attentats islamistes, thèmes sécuritaires qui s’imposent, crise migratoire surestimée). Une romance à laquelle les communales d’octobre dernier ont tendu un miroir, dans lequel les conjoints se sont vus comme ils étaient pour la première fois depuis leur emménagement : pas si glamour que ça, mine pâlotte, moins d’amis qu’avant, pas de si grandes perspectives, des tensions au sein de la cellule familiale… Et certains rivaux en bien meilleure forme, sur leur droite, sur leur gauche, vers le centre… Quand un couple qui ne s’aime en réalité pas tant que ça, qui est dans une union de raison ou d’opportunisme et approche de l’heure du premier vrai bilan, quand ce couple comprend qu’il n’a en fait plus grand-chose à gagner et fait subitement chambre à part, celui qui depuis le début ne fait que ce qui lui plaît va jouer davantage encore cavalier seul et privilégier uniquement ses propres intérêts ; et l’autre, qui tente depuis le début de faire bonne figure, en public comme en privé, mais qui mord si souvent sur sa chique en se persuadant que c’est pour la bonne cause, l’autre décide soudain que les simagrées, c’est terminé.

Si en général, les histoires d’amour finissent mal, c’est toujours le cas pour les non histoires d’amour. Mariage forcé, mariage raté.

C’est donc au Parlement, en public, qu’il reviendra de rédiger le faire-part de séparation. Sans que ceci ne garantisse ni à l’un ni à l’autre des ex-époux un quelconque gain aux prochains scrutins. Mais ceci démontre, une fois de plus, que si, en général, les histoires d’amour finissent mal, c’est toujours le cas pour les non histoires d’amour. Mariage forcé, mariage raté.

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