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Opération escargot à la SNCB pour un trop long préavis

Muriel Lefevre

Un conducteur de train a ralenti délibérément son train pour protester contre son trop long préavis. Il vient de remettre sa démission pour aller vers le privé, mais ne sera libre que d’ici un an. Il estime que c’est beaucoup trop long.

Un train qui relie Mons à Liège arrive avec 38 minutes de retard. Un autre qui se pointe avec 13 minutes de retard à sa destination. Voici des informations qui n’ont rien de spectaculaire. A ceci près que ces retards étaient délibérés et le fait d’un seul homme.

« Opération Escargot », c’est comme cela que Cedric Grumiaux décrit son action pour protester contre un trop long préavis. L’homme vient de remettre sa démission pour rejoindre le secteur privé. « Je veux être viré, car j’ai déjà un contrat dans une autre entreprise privée où les conditions de travail sont bien meilleures. Mais la SNCB m’oblige à prester un an de préavis. »

C’est une initiative personnelle nullement soutenue par les syndicats, mais Grumiaux n’est pas le seul à vouloir prendre les voiles. Selon lui ils seraient, dans son dépôt, près de 70 à vouloir se rediriger vers le privé.

Bien qu’il n’existe pas de chiffres officiels, il se murmure auprès des différents syndicats qu’un conducteur de train sur 10 serait en ce moment en préavis. Comme, tous chiffres confondus, il y a 3500 machinistes à la SNCB, cela pourrait représenter 350 personnes. De quoi présenter de nombreux retards et un véritable cauchemar pour la société de transport si tous décidaient d’appliquer l’opération escargot.

Cette fuite des conducteurs s’explique par la venue de nouveaux concurrents sur le marché. Des compagnies privées comme Lineas, Captrain Belgium, DB Cargo NL, DB Schenker ou encore Europorte reluquent sans vergogne vers le personnel de la SNCB depuis plus de 10 ans. Ou plus précisément depuis 2007, année où le secteur du rail belge a été ouvert aux compagnies étrangères et privées. Ces dernières offrent un meilleur salaire et plus d’avantages comme une voiture de société.

Or, c’est justement pour éviter une hémorragie des conducteurs que la SNCB a introduit depuis 2016 ce préavis à prester d’un an. « Nous investissons dans la formation des conducteurs et il est normal que nous en récoltions aussi les fruits » précise Dimitri Temmerman, porte-parole de la SNCB. A la SNCB, un conducteur est formé pendant 12 à 18 mois. Il est rémunéré durant cette période. De l’argent public a été investi dans sa formation, il est donc logique qu’on se protège contre des départs prématurés. C’est aussi une manière de préserver la continuité du service public, ce qui se fait dans d’autres institutions également », a affirmé M. Ney, autre porte-parole de la SNCB.

S’ils quittent l’entreprise, les conducteurs doivent également rembourser, en fonction de leurs années de service, ce qui a été investi dans leur formation d’un an. Une allocation tout de même plafonnée à 10.000 euros.

Dimitri Temmerman ajoute qu’il y avait 400 postes de conducteurs de train à pourvoir l’année dernière et que tous ont été remplis. « C’est bien la preuve que nous ne manquons pas de candidat et nous faisons tout pour rendre ce poste aussi attrayant que possible. »

Pour Cedric Grumiaux son « opération escargot » est, quoi qu’il arrive, déjà un succès puisqu’il va pouvoir rencontrer la direction et discuter de son cas. « Je comprends que je risque une sanction. En théorie, ils peuvent me virer séance tenante. Mais vous comprendrez que cette option ne m’inquiète guère. »

« C’est une action inacceptable. Il y a des instances de dialogue prévues et on ne peut pas prendre ainsi la clientèle en otage », a réagi Thierry Ney, porte-parole de la SNCB.

« Dans n’importe quelle société, ce n’est pas une solution de retenir le personnel contre son gré », explique néanmoins Marianne Lerouge, responsable générale de la CSC Transcom. « De plus, la mesure est discriminatoire vis-à-vis des autres employés de la SNCB et de tous les employés en général car, depuis 2014, la durée maximale d’un préavis est de 13 semaines », a-t-elle ajouté. D’après elle, le passage d’un mois à un an a clairement été décidé en vue d’endiguer la fuite des conducteurs vers le secteur privé.

La SNCB et les syndicats doivent discuter prochainement de la valorisation du statut de conducteur de train. Le syndicat chrétien qui ne soutient pas l’opération escargot, doit notamment finaliser un cahier revendicatif à présenter à la direction. Il plaide pour un ensemble de mesures afin d’endiguer le déficit de conducteurs de trains au sein de la compagnie publique. Les primes, les salaires et les horaires peuvent être améliorés, selon l’organisation. La pénurie d’effectifs empêche les conducteurs présents de prendre leurs jours de congé, constate le responsable ACV Luc Piens.

La députée N-VA Inez De Coninck a appelé à une sanction forte à l’égard du conducteur concerné. D’après elle, le cheminot peut être poursuivi pour un tel comportement. « Le conducteur ralentit intentionnellement le trafic ferroviaire. C’est condamnable en vertu du code pénal. Les particuliers reçoivent, à raison, de solides amendes s’ils freinent la circulation des trains. De plus, la personne abuse ici de moyens publics pour son intérêt personnel et ne montre pas la loyauté qu’on est en droit d’attendre d’un employé. »

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