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Offshore leaks : comme un parfum de déjà vu pour les cas belges

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Les exhumations du collectif de journalistes ICIJ sur les paradis fiscaux ont un parfum de déjà vu. Il y a quatre ans, le fisc belge recevait une disquette avec 54 noms de contribuables belges ayant une fondation au Liechstenstein : on y retrouve les mêmes profils que ceux repris dans la liste des Belges révélée hier par Le Soir. Le clan Mehta, diamantaire indien connu à Anvers, s’y trouvait déjà aussi…

C’est confondant. La liste des Belges impliqués dans ce qu’on appelle désormais l' »offshoreleaks » ressemble à s’y méprendre à celle révélée par Le Vif/L’Express en avril 2009. Cette année-là, c’est un CD-Rom de la banque Liechtenstein Global Trust (LGT), contrôlée par la famille princière du mini-Etat, qui faisait la une de l’actualité. Ce CD-Rom contenait des informations subtilisées par un ancien employé de la LGT : 1 400 noms de riches clients de la banque, accourus dans les montagnes de la principauté. Une mine d’or pour les administrations fiscales ! L’affaire avait fait le tour du monde.

Des informations du fisc allemand

La Belgique n’avait pas échappé au déballage. L’Inspection spéciale des impôts (ISI) avait reçu de précieuses informations du fisc allemand qui avait acheté le CD-Rom, soit une liste de 54 noms de contribuables belges ayant un compte à la LGT. Cette liste reprenait le nom des fondations ouvertes par ces clients et le solde de leur compte pour l’année 2002. Ces soldes oscillaient entre 367 000 euros et 12 millions de dollars. Une trentaine de dossiers concernaient des contribuables flamands, les autres se répartissaient sur la Wallonie et Bruxelles. Comme pour l’offshoreleaks, les communes d’où provenaient ces clients de la LGT n’avaient rien d’étonnant : Laethem-Saint-Martin, Uccle, Schilde, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel, Wezembee-Oppem…

On y retrouvait aussi des diamantaires anversois (environ 10 % de la liste), parmi lesquels deux membres du clan Mehta, l’une des familles indiennes les plus connues dans le monde du diamant. Aujourd’hui, Manoj Rasiskal Mehta se trouve dans les documents belges offshoreleaks… Pour le reste, le CD-Rom Liechstenstein contenait des médecins, des pharmaciens, un banquier, des chefs d’entreprise (dont un industriel faisant partie du top 10 des plus grosses fortunes belges), un gynécologue ancien chef de service dans un grand hôpital de Bruxelles… Sur les documents figurait également le nom d’intermédiaires, en Suisse et au Luxembourg, ainsi que les noms des héritiers bénéficiaires des fondations, ce qui laissait peu de doute sur les raisons de placer de l’argent au Liechtenstein : échapper aux droits de succession, dissimuler ses revenus, etc.

Des dossiers dispatchés dans les différents services extérieurs

A l’époque, des enquêtes administratives et judiciaires avaient été lancées. Elles ont avancé très prudemment. Il est vrai que la tâche n’était pas simple pour le fisc. Plus étonnant : les dossiers avaient été dispatchés dans les différents services extérieurs de l’ISI, alors qu’une gestion centralisée paraissait plus adéquate, car elle aurait permis, par exemple, d’organiser une opération coup de poing surprise auprès des intéressés.

Idem au niveau de la justice : le parquet financier, qui avait reçu copie des informations allemandes, a réparti les dossiers dans les arrondissements correspondant aux lieux de résidence des contribuables concernés, chaque procureur du roi décidant de l’opportunité des poursuites… Ainsi, six dossiers étaient parvenus à Nivelles où ils avaient été immédiatement classés sans suite (pour des raisons de moyens d’enquête), avant d’être ressuscités in extremis suite à une dénonciation de l’ISI.

Au niveau de l’administration, Karel Anthonissen, directeur régional de l’ISI Gand, avait dénoncé, dans Le Vif/L’Express, les accords à des taux dérisoires que certains suspects de la liste Liechtenstein avaient conclus avec le « point contact régularisation » du Service de décisions anticipées. Hier, des enquêtes ont été lancées tous azimuts, après les révélations offshore leaks. Espérons qu’elles s’avèrent plus efficaces…

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