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Oeufs contaminés : ce qu’il faut savoir

Cela fait maintenant plusieurs jours que les oeufs contaminés par un pesticide défrayent la chronique. Le point sur la situation et les derniers rebondissements du week-end.

L’étrange silence de l’Afsca et la question de la capacité de surveillance du secteur alimentaire

L’Afsca s’est faite relativement discrète sur le sujet. L’Afsca aurait en effet été au courant de la contamination depuis le mois de juin, une information gardée secrète en raison d’une instruction judiciaire en cours.

Début juin, la présence de l’insecticide fipronil, interdit dans la chaîne alimentaire, avait en effet été détecté dans un échantillon d’oeufs par l’Afsca, a en outre confirmé le ministre de l’Agriculture. La concentration du produit était néanmoins en dessous des seuils européens, a-t-il rapporté. Des tests ont alors été demandés à un laboratoire néerlandais car la Belgique n’avait pas l’expertise suffisante pour le faire. Cela pourrait également expliquer l’arrivée tardive des informations en Belgique, selon le ministre. « J’ai demandé à ce que les tests relatifs au fipronil puissent être réalisés en Belgique », a-t-il annoncé. Denis Ducarme doit rencontrer les responsables de l’Afsca, sur laquelle il a la tutelle, lundi matin

Pour l’ancien commissaire spécial chargé de la crise de la dioxine, Freddy Willockx « On fait les mêmes erreurs que par le passé ». Freddy Willockx avait été nommé commissaire gouvernemental dans la foulée de la crise de la dioxine, en 1999, lorsqu’une substance toxique avait été décelée dans la chaîne alimentaire. Le risque pour la santé publique avait été mis au jour assez tard.

L’Afsca avait alors vu le jour afin d’éviter des crises alimentaires semblables et de lancer une communication ouverte avec l’Europe. Or, pour lui, « nous sommes retombés dans les habitudes d’avant la crise de la dioxine ». « En tant que commissaire du gouvernement, j’étais aux premières loges de la mauvaise communication autour du problème. Cela nuit à la confiance de nos partenaires européens et de la population. La santé publique doit toujours être une priorité. »

Si l’Afsca était vraiment au courant en juin, le gouvernement est en faute, juge l’expert.

Aucun danger pour la santé

Les analyses réalisées jusqu’ici sur des oeufs produits en Belgique montrent que ceux-ci ne constituent aucun danger pour la santé de la population, soulignent les ministres. Selon les deux ministres, ces taux étaient toujours dix fois inférieurs aux normes européennes. Cela signifie qu’une personne de 70 kg peut manger une quinzaine d’oeufs 60 grammes avant même d’éprouver – à cause du fipronil – de potentiels problèmes de santé, selon les calculs du toxicologue Tytgat. Pour un enfant de 23 kg, cette dose serait encore de cinq oeufs.

C’est un éleveur qui a découvert le pot aux roses

Le coprésident d’Ecolo s’interroge lui sur la manière de dépasser les analyses effectuées ces derniers jours. « Il est possible qu’une contamination beaucoup plus forte ait eu lieu », suggère-t-il. Ces derniers mois, de nombreuses mesures de confinement ont été imposées à différents élevages de volaille en Belgique en raison de la présence de la grippe aviaire dans ceux-ci. Les éleveurs ont dès lors eu fort à faire pour éradiquer le pou rouge, fait remarquer M. Dupriez. Or c’est justement dans un produit utilisé pour lutter contre ce parasite que s’est retrouvé l’insecticide fipronil, une molécule prohibée dans le traitement des animaux destinés à la chaîne alimentaire. « Qu’en est-il donc des oeufs d’il y a deux-trois mois? Dans quelle mesure l’Afsca peut-elle analyser ceux qui sont stockés depuis des semaines? « , se demande-t-il.

Pour lui la situation actuelle pose la question de la capacité de surveillance du secteur alimentaire. Il rappelle d’ailleurs que c’est à l’initiative d’un éleveur que le pot aux roses a pu être découvert. M. Dupriez appelle dès lors à un renforcement des contrôles sur les produits destinés à l’élevage industriel.

Samedi, le toxicologue Jan Tytgat avait demandé à l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire à rendre publics les résultats d’analyses.

Dans la foulée, Denis Ducarme, tout juste appointé ministre de l’Agriculture à la place de Willy Borsus, a demandé dimanche un rapport circonstancié pour faire toute la lumière sur cette affaire. « Un rapport circonstancié sur les actions produites par l’Agence depuis les premières informations à sa disposition pour ce qui concerne la problématique du fipronil », a-t-il indiqué dimanche après-midi dans un communiqué. Le ministre s’engage à faire « la transparence la plus complète ».

Une éventuelle réunion au parlement se tiendra lorsque le rapport aura été remis, a-t-il dit. Dimanche, le président de la commission Economie et Agriculture, Jean-Marc Delizée, avait évoqué la date de mardi.

Le ministre a également demandé à son administration de continuer à prendre tous les contacts utiles avec les administrations allemandes et néerlandaises. Lui-même aura des contacts avec ses homologues allemand et néerlandais, indique-t-il. Les ministres de la Santé Maggie De Block et de la Protection des consommateurs Kris Peeters suivent également le dossier de près.

Tollé politique

« Nous sommes face à une situation qui suscite de nombreuses questions », constate encore M. Dupriez. « Cette information est d’une extrême gravité et pose de nombreuses questions quant à la surveillance du secteur alimentaire et de la protection du consommateur. Une telle absence d’information pendant deux mois sur une crise sanitaire même potentielle est tout à fait inacceptable. Dans ces matières, le principe de précaution et la transparence doivent s’appliquer immédiatement », déclare Jean-Marc Nollet, chef de groupe Ecolo à la Chambre. « Nous devons pouvoir faire toute la lumière au plus vite sur le déroulement des événements. Raison pour laquelle nous allons demander la réunion du Parlement dans les plus brefs délais pour entendre le ministre Ducarme », conclut-il.

Pour le PS, l’instruction judiciaire en cours ne peut pas non plus empêcher de prendre des mesures de prévention et de santé publique, comme le clame le parti dans une réaction dimanche après-midi. « Pourquoi les mesures de retrait des oeufs contaminés n’ont-elles pas été adoptées dès le mois de juin? », s’interroge son président Elio Di Rupo. Il demande la convocation de la commission Economie, Agriculture et Protection du consommateur du parlement fédéral afin d’entendre l’actuel ministre fédéral de l’Agriculture Denis Ducarme (MR), ainsi que son prédécesseur Willy Borsus (MR), et l’Afsca. De son côté, le député fédéral cdH Michel de Lamotte souhaite, quant à lui, une réunion d’urgence de la commission Environnement et Santé publique de la Chambre, dont il est membre, afin d’entendre le ministre de l’Agriculture et l’Afsca, dont M. Ducarme a la tutelle.

Cette audition peut avoir lieu cette semaine-même, selon le parlementaire centriste, qui entend avoir de la clarté et de la transparence dans ce dossier. « Il faut qu’il s’explique sur la situation, les conséquences sanitaires possibles et les mesures qui ont été prises pour résoudre le problème », estime-t-il, rappelant la dimension internationale de la crise.

Le ministre wallon de l’Environnement Carlo Di Antonio (CdH) a abondé dans le même sens dimanche, demandant à l’Afsca de faire toute la clarté sur l’affaire. « Une procédure judiciaire doit-elle entraver la mise en oeuvre d’un principe de précaution sanitaire et donc le retrait de la vente de produits suspects? L’énergie déployée avec excès envers les artisans doit aujourd’hui être utilement orientée vers les filières industrielles qui peuvent être à la base de catastrophes sanitaires d’ampleur », a-t-il souligné dans un communiqué.

Le courroux des Allemands

Le ministre allemand de l’Agriculture Christian Schmidt souhaite s’entretenir téléphoniquement lundi avec son homologue belge Denis Ducarme (MR). Il se dit « déçu » d’apprendre que l’Agence fédérale belge pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca) semblait déjà au courant depuis le mois de juin de la contamination d’oeufs par l’insecticide fipronil, a-t-il confié à plusieurs médias allemands, dont le site d’informations T-online. Pour Christian Schmidt, il parait clair qu’une intention malveillante est à la base de cette crise, qui a notamment conduit de très nombreux supermarchés allemands et néerlandais à retirer des millions d’oeufs de leurs rayons. « Quelqu’un a clairement procédé avec une énergie criminelle pour frelater (des oeufs) avec un produit interdit », avait-il ainsi déclaré dans un entretien avec le quotidien Bild publié vendredi dans la nuit. « J’attends des autorités compétentes qu’elles élucident (ce dossier) rapidement et minutieusement. En particulier la Belgique et les Pays-Bas en ont ici l’obligation », avait-il ajouté.

Plus d’un million de poules abattues aux Pays-Bas, un élevage belge éliminé

Entre 300 et 350.000 poules ont été abattues aux Pays-Bas, selon l’entreprise Van Eck Bedrijfshygiëne. Une trentaine de poulaillers doivent encore être traités, ce qui élèverait le nombre d’animaux abattus à environ un million. Selon l’institut statistique néerlandais, le pays comptait en 2016 46 millions de poules pondeuses. Abattre les animaux est généralement un choix économique pour les éleveurs, qui continuent à avoir des coûts pour le soin des bêtes, alors que les rentrées d’argent sont suspendues.

Selon Danny Coulier, président de l’association flamande des éleveurs de volaille et de lapins, une telle décision ne peut se prendre sans l’approbation de l’Agence pour la sécurité de la chaine alimentaire, l’Afsca en Belgique.

Selon M. Coulier, un élevage serait concerné en Wallonie, sans pouvoir confirmer que l’abattage a eu lieu ou non. La VRT indique dimanche qu’une entreprise belge a été évacuée.

L’Afsca aurait identifié en Belgique 57 exploitants, correspondant à 86 poulaillers dans le cadre de la contamination au fipronil, a indiqué dimanche le ministre fédéral de l’Agriculture, Denis Ducarme. Il a demandé un rapport sur les actions entreprises par l’agence depuis les premières traces de fipronil détectées dans des oeufs.

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