L'armée américaine teste une arme anti-drone. © Reuters

« Nos services de sécurité ne sont pas suffisamment préparés aux attaques de drones »

Kamiel Vermeylen Journaliste Knack.be

La semaine dernière, le président vénézuélien Nicolas Maduro a été victime d’une tentative d’assassinat par drone. « Il ne faut pas être mathématicien pour transformer un drone en arme, déclare Ulrike Esther Franke, spécialiste de drones au European Council on Foreign Relations.

Lors d’un discours de Maduro, un explosif monté sur un drone a été envoyé dans sa direction, et l’engin a explosé à quelques dizaines de mètres du dictateur. Personne n’a été blessé. Maduro accuse l’opposition, alors que cette dernière parle de coup monté pour réduire encore davantage les opposants au silence. Entre-temps, six personnes ont été arrêtées, dont un membre de l’opposition.

« C’est la première fois qu’on engage des drones pour commettre un attentat dans un contexte civil », raconte Ulrike Esther Franke. Franke est lié à l’ European Council on Foreign Relations et a écrit un doctorat à l’Université d’Oxford sur les implications militaires d’aéronefs sans équipage. « À l’avenir, les attentats terroristes aux drones feront partie de la réalité », estime Franke.

Est-il difficile de transformer un drone en arme terroriste potentielle?

Franke : Disons qu’il ne faut pas être mathématicien. Beaucoup dépend du poids que peut porter le drone. Au Venezuela, on a probablement utilisé un drone semi-professionnel capable de porter environ six kilos. Normalement, ce type de drone sert à commander un appareil photo. En soi, ce n’est pas très difficile à construire. Et si en plus, le drone peut être actionné de loin, l’auteur ne doit pas être présent en chair et en os à l’endroit où est commis l’attentat.

Pensez-vous qu’à l’avenir les attentats aux drones deviennent la norme?

La question n’est effectivement pas si cela arrivera, mais quand. Les drones offrent une piste intéressante pour attenter à la vie de personnes haut placées difficiles à atteindre de manière « traditionnelle ». Il en va de même pour les attentats contre une grande foule. Ils modifient le contexte de sécurité. En soi, cette évolution n’a rien d’étrange. Quand on développe une nouvelle technologie, il est évident qu’il y a des acteurs hostiles qui tentent de s’en emparer.

Quelles sont les cibles les plus vulnérables?

Je m’inquiète surtout qu’on puisse utiliser de petits drones pour commettre des attentats contre les vols commerciaux au moment du décollage ou de l’atterrissage, même s’il y a de plus en plus d’aéroports qui prennent les mesures adéquates pour prévenir le danger. Cependant, il ne faut pas exagérer. Il est improbable que les attentats aux drones deviennent soudain monnaie courante. C’est surtout une nouvelle réalité à laquelle nous devons nous conformer.

Les services de sécurité en Europe occidentale sont-ils généralement suffisamment préparés à cette nouvelle forme de menace ?

Je ne pense pas, même s’il y a évidemment des différences entre les pays. Il y a très peu de services de sécurité en possession de la technologie adéquate pour d’une part détecter les drones et d’autre part les neutraliser en cas de nécessité. En outre, la technologie anti-drone n’est pas encore rentable. C’est pourquoi aujourd’hui on investit énormément pour la recherche sur cette technologie. L’entreprise qui propose une telle solution peut s’attendre à un avenir glorieux. Il est important aussi d’éviter une réaction excessive, ce qui arrive trop souvent quand il s’agit de terrorisme.

Se rend-on suffisamment compte que drones représentent un danger potentiel ?

En 2003, le Parti des pirates allemand envoie un drone sous le nez de la chancelière Angela Merkel et du ministre de la Défense Thomas de Maizière. Quand elle aperçoit le drone, Merkel rit et les services de sécurité restent passifs. Aujourd’hui, ce serait totalement impensable. Les services de sécurité vénézuéliens ont déclaré qu’ils avaient pu bloquer le signal entre le drone et le commanditaire, mais cela me semble vraiment peu probable. Je pense que c’est plutôt une tentative amateuriste.

Quel rôle nos responsables politiques peuvent-ils jouer?

La question est complexe. Les responsables politiques se débattent depuis longtemps avec le cadre législatif destiné à limiter l’usage des drones dans certains contextes. Un enregistrement obligatoire pour les drones serait déjà un pas dans la bonne direction. À cela s’ajoute que les zones interdites aux drones sont importantes pour protéger les endroits critiques. Ces mesures ne permettront évidemment pas d’empêcher les attentats, mais les rendront en tout cas plus difficiles.

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