Le député N-VA, Jan Vercammen . © Belga

Nos députés sont-ils bien à leur place?

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Un élu N-VA, cardiologue de profession, doute ouvertement de l’aptitude de la majorité de ses pairs en commission de la Santé publique à pouvoir débattre de maladies complexes. C’est grave, docteur ?

A l’aide, y a-t-il une blouse blanche en salle de commission parlementaire de la Santé publique ? Député N-VA, Jan Vercammen a eu tôt fait de dresser l’inventaire : deux médecins, un docteur en sciences médicales et une sage-femme, « rares sont ceux qui ont une formation médicale universitaire » parmi les dix-sept commissaires ès-Santé publique. Si Jan Vercammen, cardiologue de formation, se sent parfaitement à sa place, il ne peut répondre pour ses pairs : « la commission n’est peut-être pas le lieu idéal pour discuter de pathologies complexes en toute connaissance de cause », vient-il de déplorer. Quelle mouche a donc piqué ce docteur-député pour poser un diagnostic si peu gratifiant pour ses collègues ? Ce sont les récents débats parlementaires consacrés à la manière d’aborder la maladie de Lyme qui lui ont mis la puce à l’oreille.

Le Vif/L’Express a poussé la porte des autres commissions de la Chambre pour y vérifier si CV et profils professionnels des élus sont mieux adaptés aux défis qu’ils ont à relever et aux matières qu’ils ont à traiter.

  • Finances – Budget. Assez peu d’hommes du chiffre et d’habitués des courbes et diagrammes figurent sur la liste des commissaires. Aucun banquier de métier à signaler. Exceptés un ex-inspecteur de l’ISI (le PS Ahmed Laaouej) et un juriste détenteur d’un brevet fiscal, siègent des romanistes, juristes, ingénieur civil ou commercial ou historien de formation. Ou des porteurs de diplômes en marketing et communication.
  • Infrastructures – Communications – Entreprises publiques. Ni cheminot ou ex-patron du rail, ni postier ou ancien directeur de centre de tri à l’horizon. Pas de pilote de ligne ou d’hôtesse de l’air en vue. Mais bien un agriculteur, une architecte-urbaniste, un historien, une enseignante, deux avocates, ou encore un aubergiste sont recensés parmi les député(e)s invités à débattre de l’avenir des chemins de fer, de l’entreprise postale, des télécoms ou de la navigation aérienne.
  • Intérieur – Affaires générales – Fonction publique. La commission ne regorge pas de députés a priori outillés pour attaquer des matières parfois techniques. Ils ne sont que deux sur dix-sept à pouvoir revendiquer un passé de fonctionnaire ou un parcours à la police. Les autres sont avant tout avocats (six), juristes (trois) ou enseignants (deux).
  • Justice. Une mention spéciale. Pas de véritable fausse note dans le casting de la commission. N’y siègent que des profils de juriste, massivement des avocats (douze sur dix-sept) mais pas de magistrats. Les commissaires sont ainsi entre gens qui a priori savent de quoi ils parlent. On n’oserait pas jurer que Dame justice s’en porte mieux pour autant…
  • Révision de la Constitution – Réformes institutionnelles. On y siège en principe pour redessiner régulièrement le visage du pays. L’expertise est-elle au moins au rendez-vous ? Les constitutionnalistes sont toujours prêts (Le CDH Francis Delpérée, le sp.a Johan Vande Lanotte, le N-VA Hendrik Vuye). Autour de ce « noyau dur » gravitent journaliste, historiens, instit, chefs d’entreprise, inspecteur de l’enseignement ou avocats.
  • Affaires sociales. La sensibilité à la matière ne saute pas forcément aux yeux. Une toubib, une infirmière, un assistant social, deux diplômés en droit/sciences sociales, côtoient pas mal d’avocats (quatre sur dix-sept).
  • Economie – politique scientifique – Classes moyennes – agriculture. Ne cherchez pas un savant ou un chercheur dans les rangs. En revanche, une agricultrice est au bon endroit, tout comme l’un ou l’autre représentant du monde de l’entreprise, deux comptables et même un brasseur. Juristes, avocats, régents se partagent le reste du travail.
  • Défense : la commission n’aligne aucun ex-militaire de métier, n’affiche pas de profil de stratège rompu à l’art de la guerre. Pêle-mêle, y siègent un toubib, un journaliste, un historien, une enseignante, un philosophe. Le gros de la troupe est formé de diplômés en sciences politiques (cinq sur dix-sept), ce qui ne peut pas vraiment faire de tort à la compréhension des enjeux de la défense.
  • Relations extérieures. Aucun diplomate à signaler. Pas de CV de globe-trotter professionnel. Tout au plus un spécialiste de médecine tropicale, ex-responsable de MSF (le CDH Georges Dallemagne), ainsi qu’un trio de diplômés en droit européen ou relations internationales. Et puis une traductrice : ça peut toujours servir…

Le mot de la fin à Jean Faniel, directeur général du CRISP : « Faut-il être nécessairement banquier pour appréhender les matières financières ? C’est une vision des choses. Ce n’est pas celle que privilégient les partis : ils cherchent avant tout à insuffler un sens politique à travers le travail parlementaire. La dimension politique importe davantage à leurs yeux que la capacité technique des membres d’une commission. »

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