Vanackere © Reuters

Nominations politiques: quels sont les petits postes qui rapportent le plus?

Parfois, les partis politiques tentent d’aider leurs politiciens à trouver un bon emploi. Quels sont les emplois-cadeaux les plus enviables et combien rapportent-ils?

Ces dernières semaines, le self-service politique a tourné à plein régime, tant au sein du gouvernement fédéral que flamand. L’Open VLD et la N-VA se sont ouvertement disputés au sujet du nouveau gouverneur de Flandre-Orientale. Quelques jours plus tôt, il y avait une polémique autour de la décision « sous la table » du CD&V de nommer l’ancien ministre Steven Vanackere directeur à la Banque nationale. Les prochains jours, il y en aura d’autres. Les « jobs, jobs, jobs », ont fait place aux « petits postes, petits postes, petits postes ».

En Belgique, la tradition des nominations politiques est tenace. Les partis veulent placer leurs pions et leurs espions partout. Ils doivent défendre les intérêts du parti, orienter la politique dans une direction particulière et transmettre des informations cruciales. En outre, les partis sont constamment à la recherche d’emplois pour politiciens malheureux et capricieux. Ils ne sont plus élus, ils sont passés à côté d’une fonction, ils sont las de leur boulot, ils doivent être récompensés pour le travail accompli, etc.

Aujourd’hui, un parlementaire gagne environ 3 750 euros nets par mois, auxquels s’ajoutent une indemnité forfaitaire de 2 2131 euros, une indemnité de déplacement, etc. Un ministre perçoit environ 10 500 euros nets par mois, plus une indemnité forfaitaire de 2000 euros, une voiture avec chauffeur, etc. Un président de parti gagne généralement autant qu’un ministre. Si une carrière politique s’enlise, comment faire si vous ne pouvez pas vous rabattre sur votre propre cabinet d’avocat ou sur un emploi dans une université ?

Bien sûr, tous les postes de direction ne sont pas pourvus politiquement, tout comme toutes les personnes nommées politiquement ne sont pas incompétentes. Et toutes les recherches d’un emploi de haut niveau ne sont pas motivées par des motivations pécuniaires – il ne fait aucun doute que de nombreux politiciens sont imprégnés d’un sens des responsabilités et d’un engagement social. Mais lorsqu’un tel  » nouveau défi  » se présente, il faut toujours manoeuvrer et parfois même se battre avec acharnement. Il s’ensuit généralement un marchandage entre les partis au pouvoir pour répartir les emplois disponibles. Les intérêts des institutions ou des entreprises concernées ne sont jamais primordiaux. La compétence du candidat est subordonnée. La couleur politique est décisive : c’est l’essence même d’une nomination politique.

1. Le Sénat

Salaire: minimum 55 000 euros brut par an

Depuis des décennies, le Sénat s’occupe des politiciens déçus. Parce qu’en plus des sénateurs élus au suffrage direct et de ceux nommés par les communautés, il y a aussi des sénateurs cooptés. Les partis politiques peuvent les choisir. En théorie, c’est ainsi qu’ils guident des gens compétents vers le Sénat, en pratique, ils repêchent des politiciens qui ont obtenu peu de votes ou qui n’ont pas été élus. Etienne Schouppe (CD&V), Caroline Gennez (SP.A), Huub Broers (N-VA), Guido De Padt (Open VLD) ou Bart Laeremans (Vlaams Belang) sont des exemples récents. Jusqu’en 2014, un sénateur avait un revenu annuel brut de 103 794 euros, avec une indemnité forfaitaire de 1748 euros par mois.

Nominations politiques: quels sont les petits postes qui rapportent le plus?
© Belga

Le Sénat a été réformé en 2014. Les sénateurs élus au suffrage direct ont été abolis. Aujourd’hui, le Sénat se compose principalement de politiciens nommés par les communautés, qui ne reçoivent aucune rémunération supplémentaire pour cela. Les sénateurs cooptés ont été maintenus, mais leur nombre a été diminué. Leur salaire a été réduit : ils perçoivent toujours la moitié d’une indemnité parlementaire normale, qui s’élève à 43 895,07 euros bruts par an, plus une indemnité forfaitaire de 28% sur l’indemnité de base. Un sénateur coopté reçoit ainsi 55 000 euros bruts par an. Pour les chefs de groupe, tels que Vanackere et Anciaux, cela représente environ 80 000 euros. Les sénateurs ont également gratuitement accès aux transports publics.

2. Les provinces

Salaire: minimum 121.154 euros bruts par an

Il y a aussi de beaux emplois dans la province. Chacun gagne plus de 90 000 euros brut par an, mais le gouverneur provincial l’emporte évidemment. Le salaire annuel d’un gouverneur est de 121 154 euros brut. On lui offre également un logement : s’il ne l’accepte pas, il reçoit une allocation fixe et exonérée d’impôt de 2073 euros par mois. Les frais de représentation s’élèvent à 3718 euros par mois. Généralement, le gouverneur dispose aussi d’une voiture avec chauffeur.

3. Les intercommunales

Il y a aussi une jungle d’intercommunales autour des provinces et des communes. Ces places de parking ont toujours été intéressantes pour politiciens dépassés. Loin des projecteurs, on pouvait facilement s’y faire de l’argent. Ces dernières années, plusieurs scandales ont éclaté. Ainsi, il s’est avéré qu’à l’intercommunale wallonne Publifin des hommes politiques percevaient des jetons de présence pour des réunions auxquelles ils n’assistaient pas. À l’intercommunale flamande Publipart, les politiciens percevaient des honoraires élevés à peine compensés par leurs prestations.

Dans notre pays, il y a environ 19 000 mandats rémunérés. Ceux des hommes politiques sont publiés au Moniteur et peuvent être consultés en ligne. La liste publiée en août montre que le CD&V est le parti ayant le plus de mandats rémunérés. Le journal économique De Tijd les a pris en considération et a conclu que l’année dernière, les mandataires du CD&V avaient ensemble 4190 postes rémunérés, suivis par le PS (3155), le MR (2703), la N-VA (1929), l’Open VLD (1896), le CDH (1820), le SP.A (1618), Ecolo (537), Groen (375), Défi (153) et Vlaams Belang (31). Le reste est réparti entre les partis locaux.

4. Parlementaire européen

Salaire : minimum 6710 euros nets par mois

Kris Peeters
Kris Peeters© BELGAIMAGE

La position de député au Parlement européen est une belle destination pour les hommes politiques qui cessent leurs activités au niveau national ou régional – ou qui sont discrédités. D’anciens ministres comme Annemie Neyts (Open VLD), Guy Verhofstadt (Open VLD), Jean-Luc Dehaene (CD&V) et Louis Michel (MR) ont été ou sont députés européens, de même que Kathleen Van Brempt (sp.a), Frank Vanhecke (Vlaams Belang, indépendant depuis fin 2011) et Gerolf Annemans (Vlaams Belang). On murmure déjà que Kris Peeters, leader du CD&V à Anvers lors des dernières élections, se présentera comme candidat au Parlement européen en 2019, avant de quitter la scène politique nationale sans trop perdre la face.

Les membres du Parlement européen sont payés 6710 euros nets par mois. Ils sont également remboursés de leurs frais de voyage (maximum 4264 euros par an). Avec leur indemnité mensuelle fixe de 4 416 euros, ils paient, entre autres, le loyer de leur bureau en dehors du Parlement européen.

De plus, de nombreux députés européens arrondissent leur fins de mois. Une étude de Transparency International EU montre que Guy Verhofstadt, le chef du groupe libéral au Parlement européen, est l’un des trois membres du Parlement à déclarer le plus d’activités secondaires. Entre 2014 et 2018, il a gagné, en plus de sa rémunération parlementaire arrondie de 13.000 euros, entre 920.614 et 1.425.000 euros. Il en a reçu quelques-unes pour des conférences, mais il est également administrateur de la holding Sofina de Solvay, où l’année dernière il a empoché 135.684 euros.

5. Commissaire européen

Salaire: minimum: 20 000 euros bruts par mois

La fonction de commissaire européen est prestigieuse: elle est financièrement attrayante et donne beaucoup de pouvoir. Un commissaire est toujours nommé par le gouvernement d’un État membre. Au cours des 35 dernières années, Willy De Clercq (Open VLD), Karel Van Miert (SP.A), Philippe Busquin (PS), Louis Michel (MR), Karel De Gucht (Open VLD) et maintenant Marianne Thyssen (CD&V) – tous anciens présidents de parti – ont été choisis successivement pour notre pays.

La nomination de Marianne Thyssen coïncide en 2014 avec la formation du gouvernement Michel et illustre son fonctionnement. Karel De Gucht aurait aimé se succéder à lui-même, Gwendolyn Rutten aussi était intéressée, mais selon les observateurs Didier Reynders (MR) avait le plus de chances. Un commissaire européen est aussi important dans notre pays qu’un vice-premier ministre. L’Open VLD ne considérait pas la fonction européenne comme une priorité, et depuis que Charles Michel (MR) a choisi le poste de Premier ministre, le poste européen revenait à un membre du CD&V. Le président de la Commission Jean-Claude Juncker préférait une femme à la Commission européenne en raison de l’équilibre des genres. Et c’est devenu Thyssen, de sorte que le CD&V a immédiatement renoncé au poste de Premier ministre pour Kris Peeters. Membre du Parlement européen depuis 1991,et sa promotion était considérée comme une récompense: présidente du CD&V de 2008 à 2010, elle avait guidé son parti pendant une période mouvementée, lorsque les banques ont dû être sauvées et que les gouvernements Leterme I, -Van Rompuy et -Leterme II se sont rapidement succédé.

Marianne Thyssen, commissaire européenne à l'Emploi et aux Affaires sociales.
Marianne Thyssen, commissaire européenne à l’Emploi et aux Affaires sociales.© BELGA/Dirk Waem

Un commissaire européen gagne plus de 20 000 euros brut par mois auxquels s’ajoutent une série d’indemnités, par exemple de frais de voyage.

6. La Banque nationale

Salaire: minimum 340 000 euros brut par an

Il y a un autre circuit que les politiciens peuvent emprunter : les nombreuses institutions dont dispose la Belgique. La Banque nationale, par exemple, bien qu’un seul véritable homme politique y ait été nommé dans un passé récent : Norbert De Batselier (sp.a). La plupart des administrateurs ou des gouverneurs de la Banque nationale ont travaillé dans un cabinet ministériel. C’était déjà le cas pour Fons Verplaetse (CD&V), Luc Coene (Open VLD) et Peter Praet (MR) et c’est maintenant le cas pour Jan Smets (CD&V), Jean Hilgers (CDH), Vincent Magnée (PS), Tim Hermans (Open VLD) et le futur gouverneur Pierre Wunsch (MR).

En présentant Steven Vanackere, le CD&V revient avec un vrai politicien. Son nom a circulé pour le poste de gouverneur de la Flandre-Occidentale, de dirigeant de la caisse d’assurance maladie chrétienne, de l’association catholique d’éducation et de Beweging.net, l’ancien ACW. En tant qu’administrateur de la Banque nationale, il gagnera 340 000 euros bruts par an, percevra une indemnité de frais et sera conduit dans une voiture avec chauffeur.

7. La Cour constitutionnelle

Salaire: minimum 8600 euros bruts par mois

Une autre possibilité est une nomination à vie à la Cour constitutionnelle qui, entre autres, veille au respect des droits fondamentaux. L’ancien ministre Erik Derycke (sp.a), la députée CD&V Trees Merckx et l’ancienne ministre Fientje Moerman (Open VLD) y sont juges. Ils perçoivent 8600 euros bruts par mois.

8. Diverses fonctions internationales

Salaire: variable

Début 2018, quelques semaines après la nomination de sa collègue Annemie Turtelboom, également ancienne ministre, Moerman a été nommée à la Cour des comptes européenne à Luxembourg, qui contrôle les budgets de l’UE. Les mandats y sont d’une durée de six ans renouvelable. Turtelboom y a suivi les traces de l’ancien ministre Karel Pinxten (d’abord CD&V, puis Open VLD) après que l’agence européenne OLAF a ouvert une enquête sur lui pour fraude. Turtelboom peut compter sur un salaire mensuel de base de 21 472 euros brut.

Nominations politiques: quels sont les petits postes qui rapportent le plus?
© Belga

Au niveau européen, il y a aussi la Banque européenne d’investissement (BEI) au Luxembourg, qui accorde des prêts « à des projets qui contribuent aux objectifs de l’UE ». Pour la Belgique, Marc Descheemaecker, ancien CEO de la SNCB et aujourd’hui président de De Lijn, y est administrateur depuis 2015. Il a été candidat N-VA au Parlement européen en 2014, mais n’a pas été élu. La Belgique doit transmettre un nom à la vice-présidence de la BEI depuis près d’un an, mais le gouvernement Michel n’arrive pas à trancher. Descheemaecker lui-même est mentionné. « Mais vous savez », dit-il, « que pour un poste aussi important, un nom est parfois mentionné pour cacher un autre nom ». Il a ainsi cité subtilement deux ministres de la N-VA intéressés: Philippe Muyters et Johan Van Overtveldt. Au début, le nom de Didier Reynders a également circulé, mais il ne veut aller à la BEI que s’il peut y devenir président. Le premier ministre Michel préférerait nommer un francophone. Le vice-président de la BEI perçoit un salaire annuel brut de 276 000 euros.

Dans le domaine international, il y a également l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) à Paris. En 2011, l’ancien Premier ministre Yves Leterme (CD&V) y est devenu Secrétaire général adjoint. Il pouvait compter sur 11 286,90 euros par mois, exempts d’impôts, plus des extras, tels que 14 % de son salaire comme indemnité d’expatrié. En 2014, il devient président d’IDEA, l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale dont le siège est à Stockholm. Il gagne environ 14.500 euros par mois, sur lesquels il n’a pas à payer d’impôt en accord avec son employeur. Néanmoins, les autorités fiscales belges veulent qu’il paie des impôts dans notre pays. Le conseil d’administration d’IDEA aurait récemment décidé de ne pas prolonger la présidence de Leterme.

À l’échelle internationale, il existe de nombreuses institutions où un poste est libéré de temps à autre. Certains, comme IDEA, sont à peine connus, d’autres ont un nom célèbre, comme l’OTAN. Là-bas, l’ancien ministre Willy Claes (SP.A) était déjà secrétaire général, mais l’affaire Agusta l’a forcé à démissionner. Il y a quelques années, l’ancien ministre Pieter De Crem (CD&V) avait brigué la même position – en vain. Pour un poste international d’une telle importance, il y a évidemment toujours des candidats d’autres pays, et le puzzle des nominations internationales doit alors fonctionner à votre avantage.

Willy Claes
Willy Claes © ID

9. Diverses fonctions nationales

Salaire: variable

Plus près de chez nous, il y a aussi des possibilités. Par exemple à la Société Fédérale de Participations et d’Investissement, où un haut poste se libérera bientôt. Ou à la ParticipatieMaatschappij Vlaanderen. Ou à la GIMV, où Marc Descheemaecker est administrateur. Ou chez Flanders Investment & Trade. Ou à la VRT, dont l’ancien Premier ministre flamand Luc Van den Brande (CD&V) est le président et l’ancienne sénatrice Freya Piryns (Groen) et l’ancien député flamand Jan Roegiers (SP.A) les directeurs. Ou auprès des compagnies portuaires d’Anvers, Zeebrugge, Gand et Ostende. Les partis peuvent également parachuter leur personnel dans des entreprises où le gouvernement a des parts ou voix au chapitre, telles que Proximus, Bpost, la SNCB, Infrabel, De Lijn, la Loterie Nationale, Belgocontrol et ainsi de suite.

***

Nous terminons par une citation de Wim Moesen. Sommes-nous une société de grappilleurs qui veulent maintenir le clientélisme ? Ou sommes-nous une société dirigée par des hommes et des femmes d’État qui servent l’intérêt général ? La réponse est clairement la première », répète sans cesse le professeur des finances publiques de Louvain. Les nominations politiques donnent aux citoyens l’impression que tout est possible et conduisent à un brouillage des normes. Ce qui ne va pas? Rien ne va.

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