Nicolas Vadot, caricaturiste à L'Echo et au Vif/L'Express. © DEBBY TERMONIA

Nicolas Vadot : « Pourquoi je quitte Facebook »

Nicolas Vadot
Nicolas Vadot Dessinateur

Après un dialogue avec un « troll » proche des gilets jaunes, le caricaturiste du Vif/L’Express désespère de la sociabilité du réseau social.

J’ai récemment – et longuement – échangé sur Facebook avec un troll proche des gilets jaunes, qui me reprochait d’avoir dit à la télé que ce mouvement représentait la défaite de l’intelligence. Défaite qui peut également se produire… chez des gens intelligents. Le troll en question me tombe dessus en me traitant de petit-bourgeois parvenu. Je lui fais poliment remarquer qu’il ne me connaît pas en personne, puis je commence à dialoguer avec lui, car je ne pratique pas le fameux  » mépris de classe  » souvent reproché aux élites. Il découvre, un peu ébahi, que mon propos sur la société en général est empreint avant tout de… doute et avoue avoir soudain  » du mal à me cerner « . Bref, il doute, lui aussi. Je tente de lui démontrer, arguments à l’appui, que l’on peut faire preuve d’un peu de nuance, le mettant face aux énormes contradictions de ce mouvement, qui veut notamment un Etat qui le protège… mais sans payer d’impôts. Le gars semble réfléchir et opère un début de courbe rentrante. Le débat a porté ses fruits : contrairement à lui, je n’ai pas préjugé de ce qu’était sa vie ; je l’ai respecté en réfléchissant à son raisonnement et en tentant de le convaincre que non, le monde n’est pas (entièrement) aux mains de puissants qui veulent manger le  » peuple « . Je lui rappelle que lui et moi vivons dans l’un des pays les plus redistributeurs qui soit. Visiblement à court d’arguments rationnels, le gars me ressort alors les slogans complotistes et finit comme il avait commencé : en m’insultant. Fin de la discussion.

Je remercie ce monsieur – sans ironie – car il a achevé de me faire prendre conscience de la machine à produire de la médiocrité qu’est Facebook. Il faut revenir à l’origine du réseau, comme cela est très bien montré dans The Social Network, le film de David Fincher : Zuckerberg se prend un râteau avec sa copine, qui lui dit qu’elle le quitte parce que c’est un sale type, incapable d’empathie. Pour se venger, Zuckerberg crée avec un copain de son université une plateforme permettant de comparer les filles (et donc de dénigrer celle qui vient de le larguer). Bref, Facebook est né de la frustration d’un sociopathe.

Nicolas Vadot :
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Sept raisons pouvaient – ou pas – me pousser à rester sur Facebook.

1. Faire la promo de mes livres. Mais pourquoi les gens iraient-ils les acheter, alors qu’il peuvent tout avoir gratuitement sur Facebook ?

2. Publier ce qu’on me refuse dans mes journaux. Or, on ne me refuse presque rien, car la liberté d’expression en Belgique n’est pas un leurre.

3. Avoir une fenêtre ouverte sur le Web. Je l’ai avec les sites de L’Echo et du Vif/L’Express, mon site personnel et mon compte Instagram, lui-même propriété de… Facebook. Life is all about contradiction, certes, mais au moins, sur Instagram, il n’y a que des visuels.

4. Raconter ma vie privée : poster un selfie devant le Taj Mahal, afin de montrer à la terre entière que j’ai une vie super cool ; faire part avec tristesse du décès de ma tante Hortense la nuit passée (elle avait 123 ans, plus que Jeanne Calment – mais avait-elle triché sur son âge ?) et de la mort de Plouf, mon poisson rouge ; ce qui, dans les deux cas, me vaudra 850  » like  » et 437  » R.I.P. « , Plouf l’emportant probablement sur ma tante Hortense à l’applaudimètre macabre. Pas vraiment mon style.

5. Flatter artificiellement mon ego en chassant les  » like  » et me glorifier de mes 12 300 fans, puis me lamenter en comparant ce total pitoyable par rapport à ceux de Kim Kardashian, Beyoncé Knowles et Pierre Kroll (pour rester, au hasard, dans la lettre K). Pas très glorieux.

6. Filer du pognon à Mark Zuckerberg, afin de l’aider à couler la presse écrite, sans payer d’impôts, qui plus est.

7. Prendre le pouls de la bêtise humaine.

Seul le point 7 est encore plus ou moins valable.

Je continuerai à dialoguer avec les lecteurs, à aller dans les écoles, à débattre face à des gens en chair et en os, ça oui. Mais pour ce qui est du  » Social Network « … bye-bye Facebook.

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