Renaud Duquesne

Ne faut-il pas soutenir les supporters du Standard?

Renaud Duquesne Avocat à Marche-en-Famenne

Il y a une dizaine de jours, nous défilions dans les rues pour défendre la liberté d’expression. Je suis Charlie, nous sommes tous Charlie. Nous voulions montrer par là que chacun d’entre nous est libre de dire ce qu’il veut et que l’on ne peut être tué pour cela.

Mais le droit à la liberté d’expression a des limites et n’est pas un droit absolu. Il peut être sanctionné par la justice si il transgresse des lois pénales. Charlie Hebdo a par le passé rarement fait dans le bon goût et a été à maintes reprises poursuivi devant les tribunaux. Je n’appréciais pas souvent le contenu de ce journal que je lisais très rarement, mais comme disait un grand penseur « Je vomis ce que vous dites, mais je mourrais pour que vous puissiez le dire ».

J’invite le plus grand nombre à consulter la littérature de Charlie Hebdo sur les dernières années et voir ce qui est ou n’est pas acceptable selon eux, mais sans jamais oublier que nombre d’entre nous ont défilé ou soutenu ces caricaturistes pour honorer leur mémoire. On peut même relever qu’on a péché par excès pour défendre ce qu’ils faisaient. On a cru que la liberté d’expression devait être défendue par la profusion et la diffusion de nombreuses caricatures qui ne reposent pas sur des faits factuels et qui étaient faites pro forma pour asseoir et défendre cette liberté d’expression. Peut-être que, à l’occasion, nous avons alors choqué, blessé, voire attristé beaucoup de monde.

L’humour et la caricature au-delà de ce que je viens de dire est souvent une question d’opportunité et de bon sens. On peut comprendre que pour certains dessiner le prophète avec une barbe dans laquelle est dessinée une bombe choque. C’est souvent d’ailleurs le but d’une caricature. Mais elle doit avoir un sens et rechercher une solution ou dénoncer une situation. Tel a été le cas pour Charlie Hebdo qui voulait démontrer qu’un petit nombre se servait de la religion pour semer un message de mort et de terreur. En a-t-il été de même pour les supporters du Standard ce dimanche lors du Classico de football entre le Standard et Anderlecht? En effet une banderole a été déployée dans le stade.

On y voyait un homme masqué tenant d’une part un grand couteau et d’autre part la tête de Steven Defour, joueur d’Anderlecht. Il était inscrit « Red or Dead ». En français « rouge ou mort ». Un grand nombre condamne et stigmatise une partie des supporters du Standard pour avoir déployé une telle banderole. Essayons de comprendre ce qui s’est passé au regard de l’attitude qui était la nôtre il y a de cela une dizaine de jours. Il est bon de rappeler que Steven Defour, ancien joueur du Standard, avait juré ses grands dieux, la main sur le coeur, que le seul club pour lequel il pourrait jouer en Belgique était le Standard. On peut essayer de comprendre ces supporters des tribunes populaires, lesquels sont souvent confrontés à la précarité, à l’exercice d’un travail difficile et à une vie contraignante en cette période de crise, aux yeux desquels la parole d’un homme vaut quelque chose. Eux qui donnent une grande partie de leur vie et de leur argent pour supporter leur club dont ils sont si fiers. Ils se sont sentis trahis, comme beaucoup d’autres supporters, par cet homme qui les a abusés et qui a fait commerce de sa personne et de ses sentiments pour gagner au mieux sa vie en oubliant celles et ceux qui ont fait de lui ce qu’il est. On doit toujours peser ses mots, mais surtout en assumer les conséquences par la suite. Voilà donc nos caricaturistes du jour.

Ne devrions-nous pas, si l’on suit la logique qui était celle d’il y a une dizaine de jours, soutenir ces supporters, même si le dessin était selon moi de mauvais goût, fort peu à propos, voire même blessant. Peut-être que des poursuites vont être engagées par les instances compétentes. Ce n’est pas notre rôle de nous substituer à eux. Force doit rester à la loi. A défaut, c’est l’arbitraire.

C’est exactement la même logique que nous avons défendue il y a une dizaine de jours en vantant la liberté d’expression de Charlie Hebdo qui a été amené à s’expliquer à de nombreuses reprises devant la justice. Les supporters du Standard ont voulu dénoncer ce qu’ils estiment être là la trahison d’un des leurs et le règne tout puissant de l’argent roi dans le football. Ils l’ont fait avec force et on peut dire que leur message a porté. Ils ont choqué; ils l’ont fait me semble-t-il dans le but de faire une démonstration. On ne peut pas tout dire, on ne peut pas jouer avec les sentiments, on ne peut pas croire que l’argent donne tous les droits, et surtout, on ne peut pas faire comme si de rien n’était et revenir sur un terrain qui était le sien comme si de rien n’était en prétendant que tout cela est normal et que c’est la dure loi du foot.

Mais il est vrai que la question reste ouverte sur le caractère répréhensible ou pas de ce dessin. Il faudra s’en référer à la législation existante et donner la parole aux défenseurs de ces supporters. Force est de constater qu’on entend pour l’instant qu’un son de cloche et que parole à la défense n’a pas encore été donnée . Y a-t-il une morale à tout cela. Je ne le sais. Mais ce que je sais ce qu’il ne faut jamais désespérer de l’Homme et que l’éducation et les valeurs sont préférables à la stigmatisation et à l’imposition.

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