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N-VA 10 ans, toutes ses dents, et toujours la même rage

Au moment où ils viennent de fêter le dixième anniversaire de leur parti, les indépendantistes de la N-VA oscillent entre triomphalisme et paranoïa. Exclus des négociations en cours au niveau fédéral, mais toujours membres du gouvernement flamand, ils sont inquiets… et ils inquiètent.

Dix ans qui valent un siècle. En 2001, la Belgique était gouvernée par un Verhof-stadt flamboyant et le nationalisme flamand vivait ses dernières heures, du moins le croyait-on. Il en fallait alors, du cran, pour porter sur les fonts baptismaux un nouveau parti indépendantiste et conservateur. Seule une poignée de flamingants farouches y ont cru : Geert Bourgeois, Frieda Brepoels, Eric Defoort… Avec la foi des fanatiques et l’inconscience des pionniers, ils ont fondé la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA).

A l’époque, Bart De Wever n’imaginait sans doute pas qu’il serait, dix ans plus tard, l’homme le plus populaire de Flandre. Son rôle dans la création de la N-VA a d’ailleurs été assez limité. Le leader en devenir a néanmoins apporté sa pierre à l’édifice. Le quotidien De Morgen rapportait récemment cette anecdote : en 2001, quand les chefs de file du parti débattaient pour savoir si le « N » de N-VA devrait signifier nieuw ou nieuwe, le jeune De Wever a fait pencher la balance en faveur de la première option. C’est donc sous son influence que la N-VA est devenue l’Alliance néoflamande, et non la Nouvelle alliance flamande. L’homme, déjà, aimait la nuance.

Depuis lors, de l’eau a coulé sous les ponts, et des flots d’argent flamand se sont déversés sur les rivages wallons. A Bokrijk, où la N-VA organisait le week-end dernier sa fête des familles, Bart De Wever, en k-way jaune sur scène, n’a pas manqué de le rappeler. « Si la note Di Rupo est appliquée, Bruxelles et la Wallonie recevront plus de 1 milliard d’euros, tandis que la Flandre paiera les pots cassés. Mais tant que la N-VA sera au gouvernement flamand, pas question pour nous de régler la facture ! »

Que d’amertume. Et pourtant, le président a tout pour être heureux : sa N-VA, qui n’avait recueilli que 4 % des voix lors de son premier rendez-vous avec l’électeur flamand, en 2003, s’est entre-temps imposée comme le premier parti du pays. En juin 2010, la formation nationaliste a raflé plus de 27 % des suffrages. Elle constitue, de ce fait, la force la plus importante au Parlement fédéral, où elle compte 27 députés (le PS dispose de 26 sièges).

En dépit de cette suprématie, la N-VA est depuis la mi-juillet exclue des négociations pour la formation d’un nouveau gouvernement. Plus exactement : elle s’est auto-exclue. Du coup, elle enrage, elle trépigne. La conclusion d’un accord institutionnel par les huit partis restés autour de la table (PS, SP.A, CD&V, CDH, MR, Open VLD, Ecolo et Groen !) constituerait pour elle un coup dur. Or, si l’issue reste incertaine, jamais les discussions sur la réforme de l’Etat n’ont semblé si près d’aboutir. « La N-VA voudrait bien que ça échoue, mais on ne va pas leur offrir ce plaisir-là », lâchait, mardi passé, une source proche des négociateurs.

C’est le paradoxe : fragilisée par sa mise hors jeu, la N-VA inspire toujours une peur bleue aux autres partis flamands. Il y a de quoi. Après presque 500 jours de tractations, le capital sympathie de Bart De Wever demeure intact. A en croire les derniers sondages, plus d’un Flamand sur quatre envisagerait de voter pour les nationalistes en cas de retour aux urnes. Du Westhoek à la Campine, de la Hesbaye au pays de Waes, partout, de nouvelles sections de la N-VA surgissent de terre. Une dynamique encore renforcée par quelques transferts médiatiques. Dernièrement, c’est le député flamand Karim Van Overmeire qui a franchi le pas.

L’homme n’est pas un sous-fifre : parlementaire depuis 1991, auteur de plusieurs ouvrages sur le nationalisme, longtemps proche de Filip Dewinter et de Gerolf Annemans, il était jusqu’il y a peu l’un des tenants de l’aile dure du Vlaams Belang. D’autres pourraient bientôt lui emboîter le pas. D’après des rumeurs insistantes, l’échevin anversois Ludo Van Campenhout, parti de l’Open VLD voici un an et sans port d’attache depuis lors, pourrait bientôt rejoindre la N-VA.

Pour filer une frousse d’enfer à ses adversaires, Bart De Wever dispose d’une arme plus redoutable encore que ces débauchages à tire-larigot : le gouvernement flamand, où la N-VA est aux manettes aux côtés des chrétiens-démocrates du CD&V et des socialistes du SP.A. Une vraie bombe atomique. L’accord conclu au fédéral est jugé non conforme aux exigences nationalistes ? Boum ! Bart De Wever et Geert Bourgeois font sauter l’appareil du ministre-président Kris Peeters. Un cauchemar pour le président du CD&V, Wouter Beke, pris à la gorge.

FRANÇOIS BRABANT

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