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Mort de Xavier Mabille, « Monsieur élections »

Il a incarné le CRISP et les analyses politiques des soirées électorales belges pendant trente ans. Auteur de l’Histoire politique de la Belgique et d’une Nouvelle histoire politique de la Belgique, il est mort, des suites d’un cancer, ce 24 décembre. Xavier Mabille avait 79 ans.

Xavier Mabille est né à Anderlecht le 3 juillet 1933, « cinquante ans jour pour jour après Kafka », comme il aimait à le rappeler. Il était originaire d’une famille modeste ; selon ses propres termes, son père était « petit fonctionnaire au télégraphe ».

Ayant dû abandonner ses études secondaires pour subvenir à ses besoins, Xavier Mabille était un pur autodidacte : il ne fera jamais d’études supérieures et entrera pour la première fois à l’Université pour y donner cours, notamment à l’UCL, aux Facultés Universitaires Saint-Louis et à l’ULB ; il était professeur honoraire de l’Université libre de Bruxelles.

Xavier Mabille entre au CRISP (Centre de recherches et d’informations socio-plitiques) en 1960, au moment de l’indépendance du Congo, après avoir été remarqué par le fondateur, Jules Gérard-Libois, dans les réunions du groupe « Esprit » où le projet de créer le CRISP a germé puis s’est concrétisé en 1958. Il y sera successivement rédacteur en chef du Courrier hebdomadaire, directeur des publications, directeur général, président-directeur général, enfin président depuis sa retraite en 1999. Il quittera la présidence du CRISP en mai 2012, quand des raisons de santé l’empêcheront d’exercer son mandat.

Avant ses deux livres-phares, il marquera l’histoire et l’image du CRISP comme rédacteur en chef (et souvent rédacteur tout court, y compris sous couvert de l’anonymat) du Courrier hebdomadaire, puis en succédant à Jules-Gérard Libois pour assurer les commentaires électoraux à la RTBF-télé. Il connaîtra quelques moments inoubliables dans cette fonction, que ce soit une alerte à la bombe qui avait fait perdre leurs nerfs à quelques éminences, l’obligation de rejeter des résultats électoraux présentés sur antenne et dont il avait instantanément perçu qu’ils étaient aberrants, ou encore l’audace, aux yeux ébahis de journalistes de la RTBF, de contester en direct les affirmations de présidents de parti — dont Jean Gol et Guy Spitaels — sur leurs résultats électoraux, ce qui a contribué à sa crédibilité morale dans le monde politique.

De son oeuvre émergent, aux éditions du CRISP, de son Histoire politique de la Belgique. Facteurs et acteurs de changement, parue initialement en 1986 sous la forme d’un volume de 396 pages pour 200 ans d’histoire et dont la quatrième édition revue et complétée, en 2000, avait atteint les 500 pages. Une des originalités de ce livre est la large place faite à la préhistoire immédiate de l’Etat belge, soit la période 1780-1830, souvent simplifiée à l’extrême alors qu’elle est ici déployée dans toute sa complexité révélatrice des évolutions à venir. Une Nouvelle histoire politique de la Belgique paraîtra au CRISP en 2011. Plus synthétique (450 pages), elle actualise l’état des connaissances sur le XIXe siècle et propose un texte profondément remanié sur le XXe siècle, dont les épisodes marquants sont davantage élucidés en eux-mêmes, tout en étant situés dans le puissant mouvement de transformation institutionnelle de la Belgique.

Xavier Mabille a également publié au CRISP, fin 2003, un livre sur La Belgique depuis la Seconde guerre mondiale qui brosse de manière extrêmement synthétique 50 ans d’histoire divisés en quatre périodes abordées chacune sous quatre facettes : histoire politique et institutionnelle, histoire économique et sociale, histoire de la culture et de la société, position de la Belgique sur la scène internationale. Même s’il ne s’agit pas d’un manuel d’histoire à proprement parler, ce livre a vocation à servir d’outil de référence en restituant avec précision un maximum de faits tout en laissant le lecteur libre de ses interprétations.

Xavier Mabille était membre, parmi d’autres sociétés savantes, de la Libre Académie de Belgique. Il a été fait chevalier de l’Ordre de la Couronne, officier de l’Ordre national du mérite (France) et commandeur de l’Ordre de Léopold.

Sur son lit d’hôpital, le caractère excessif des commentaires sur la « grande victoire » de la N-VA aux élections communales du 14 octobre ne lui avait pas échappé. Victime d’un nouveau cancer, il est mort ce 24 décembre.

La rédaction du Vif/L’Express

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