Monsieur Mayeur, ne désespérez pas Molenbeek !

Habitant pendant de longues années, depuis 1996, à Koekelberg puis à l’est de Dilbeek, nous avons traversé souvent, à pied ou en voiture, Molenbeek et les communes voisines.

Si, contrairement à la vulgate, on n’avait pas peur de se faire égorger à tous les coins de rue – il y fait bon vivre en comparaison des cités françaises -, la montée de la radicalisation islamiste, s’observait d’année en année. Faut-il le dire ? Certains regards emplis d’une certaine animosité aussi : l’embryon d’un racisme « anti-blanc » qui fait partie maintenant du vocabulaire autorisé des sociologues.

Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles, ne s’est trompé que d’un kilomètre : à 1.200 mètres de la Grand-Place, « c’est l’Arabie saoudite ». Il y existe quelques « quartiers sharias » : des gens y vivent au 7e siècle, époque du prophète, plus l’électricité et les commodités du 21e comme les paraboles en front de rue. Il n’est pas bon y être une jeune fille les cheveux au vent, attablée sur la terrasse d’un café et encore moins adepte de gazon maudit. La radicalité y est palpable parmi certains jeunes.

Or ces 25 dernières années, face au phénomène, on a pratiqué la politique de l’autruche.

Du temps de Jean-Paul Sartre et de Jean Genet, lorsqu’on revenait d’un voyage en Union soviétique, il convenait de ne pas « désespérer Billancourt » (du nom de la cité ouvrière proche de Paris). Le grand philosophe de La Nausée l’avouait : c’est vrai, le stalinisme soviétique n’est pas démocratique mais si nous le dénonçons, nous allons désespérer la classe ouvrière et donner des armes au grand capital.

Face au salafisme, nous ne nous sommes pas comportés différemment : certes, la radicalisation monte dans la composante musulmane, mais en raison des discriminations dont nos compatriotes musulmans sont victimes, il est inutile d’en rajouter, nous disions-nous. Après les idiots utiles du stalinisme, place aux idiots utiles du salafisme.

Pendant longtemps, tout questionnement de l’immigration fut dès lors assimilé à du racisme au nom d’une sorte de reductio ad Hitlerum. Place à ce que Philippe Muray dans Exorcismes spirituels III, appelle La Cage aux phobes. Tout le monde est phobe. Et bien sûr, « islamophobe », terme instrumentalisé notamment par l’ayatollah Khomeyni pour délégitimer toute critique de l’Islamisme prosélyte. Quiconque réfléchissait aux risques de radicalisation rentrait dans la cage de Muray. Et le couvercle s’est lugubrement refermé sur la casserole des questions qui fâchent.

A ce déni accompagné parfois d’une bonne dose de terrorisme intellectuel, tout le monde a participé : experts, universitaires, politiques, associations antiracistes, mais aussi journalistes et éditorialistes.

Pourtant, ils sont nombreux les intellectuels et les féministes algériens – Kamel Daoud, Boualem Sansal, Wassyla Tamzali -, ou ce jeune auteur palestinien réfugié en France Waleed Al-Husseini…- à nous prévenir sans cesse contre le danger du sectarisme islamiste, et contre « le renoncement de la pensée européenne devant la montée en puissance des groupes communautaires ».

Malgré les attentats – indirectement liés à ces phénomènes de replis – de mars 2016, le Bataclan, Londres, Saint-Pétersbourg, certains continuent de se cacher la tête dans le sable. Pour preuve : alors qu’Yvan Mayeur, bourgmestre de Bruxelles (excusez du peu), dénonçait récemment (dans De Morgen) le salafisme dans les mosquées cette fois de Bruxelles-Ville, on le somme de se taire. En quelque sorte: Monsieur Mayeur, mettant le doigt sur une situation réelle, vous risquez de désespérer le petit peuple souffrant de Molenbeek et des communes bruxelloises qui font face au même phénomène.

Il est peut-être temps au contraire de se souvenir des valeurs de libre-examen et de laïcité qui personnifiaient la sociologie de la capitale. Ces valeurs ne sont pas l’apanage de l’ancienne bourgeoisie bruxelloise accessoirement franc-maçonne. Elles sont universelles.

Découvrez le nouveau roman de Nicolas de Pape, le secret d’Eva Braun aux éditions Edilivre. L’histoire de la IIe Guerre mondiale à travers le regard de la maîtresse d’Hitler.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire