Le désert de l'Utah, endroit idéal pour s'entraîner. © MARS SOCIETY

Mission Mars pour l’UCL

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Frank De Winne est leur parrain. La Nasa les soutient. La Mars Society leur loue une station, dans le désert de l’Utah. L’équipage est fin prêt, entraîné depuis un an et demi. Huit jeunes scientifiques de l’UCL, décidés à mener dix expériences dans un environnement comparable à celui de Mars, n’attendent plus que du financement. Mais le départ est prévu. En mars prochain.

Les Russes avaient déjà fait pousser quelques salades sur la station Mir. Pas de quoi avoir une indigestion. Pas de quoi nourrir un équipage non plus. Aujourd’hui, parce qu’il faut bien manger, même quand on est astronaute et qu’on chatouille les étoiles, et parce qu’on parle d’envoyer des humains sur Mars à l’horizon 2030, le jardinage spatial est l’un des tous gros défis scientifiques de la conquête de la planète rouge. Le problème majeur ? La surface de plantation. Aujourd’hui, même à bord de l’ISS, la Station spatiale internationale (où on continue à faire pousser des légumes), pour mener à bien des expériences nutritives concluantes, on manque de place. Dans l’espace, c’est un comble.

Parvenir à nourrir des pionniers martiens sera donc un des thèmes privilégiés de la mission scientifique  » UCL to Mars « , dont le départ est prévu le 10 mars prochain. Pendant quinze jours, sept hommes et deux femmes, tous scientifiques, liés à l’UCL, devraient emménager ensemble, dans le désert de l’Utah, dans les 200 mètres carrés de la station désertique (la moitié est occupée par un labo) de la Mars Society, une organisation internationale privée, fondée par le fameux et célèbre ingénieur américain Robert Zubrin, dont le but est l’exploration et la colonisation de Mars. Pour l’intimité, on repassera. Question hygiène : deux douches, par membre d’équipage, pour le séjour, ou un lavage quotidien à la bassine. Les sorties prévues sont d’une durée de trois heures, chacune. Il s’agira donc de gérer le paradoxe du stress du collé-serré collectif et l’angoisse de la solitude compacte, au bout du monde, sans commodités.

Malgré tout, ils sont emballés comme des papillotes scintillantes à Noël, ces jeunes scientifiques. Tous aimeraient y aller, en vrai, sur Mars, un jour. En attendant, ce sera un environnement hostile, tellement brutal et rugueux qu’il n’est pas trop mal, pour simuler les conditions martiennes (avec un peu d’imagination, tout de même) : le désert de l’Utah, aux Etats-Unis.  » C’est pour s’entraîner « , confie, avec optimisme, le commandant de mission Maximilien Richard, un chimiste de 26 ans qui précise que la mission, malgré son nom, ne dépend pas de l’université de Louvain-la-Neuve, mais est le résultat d’un appel à projets opéré par la Mars Society. Sur place, vu qu’on simule, pas question de se trimbaler dehors, dans le désert américain, sans combinaison ou scaphandre : on fait semblant jusqu’au bout, ou on ne fait pas.

 » Avant même de sortir du sas, on se rend très vite compte que la sortie sera difficile. « © UCL

Des légumes à la verticale

Rien de tel que le grand air, pour ouvrir l’appétit : dans l’équipe, Mario Sundic, un jeune botaniste de 21 ans, a prévu de tester une solution, pour nourrir les futurs colons martiens. Elle est à la fois ingénieuse et élégante : ce bio-ingénieur entend mettre à l’épreuve un système de culture hydroponique… dans une tour verticale. Effet déco garanti ! Mais… Mario parviendra-t-il à faire pousser des épinards à la verticale, dans le désert ? Suspense. Il faudra, en effet, qu’il (ainsi que ses collègues) puisse mener à bien son expérience, sur Terre, dans l’Utah. Créneau prévu : du 10 au 25 mars prochain. Si tout va bien. Si ces jeunes-là arrivent à remplir leur tirelire avec les 20 000 euros qu’il leur faut, pour mener à bien cette dixième édition de  » UCL to Mars « .

Malgré ces incertitudes pécuniaires, l’affaire semble tout de même bien engagée, solide comme une caillasse martienne : structurée, pour la première fois, sous forme d’asbl,  » UCL to Mars  » est placée sous l’étoilé patronage de Frank De Winne, le deuxième astronaute belge, après Dirk Frimout. Et l’Administration nationale américaine de l’aéronautique et de l’espace (la Nasa) soutient le projet : signe qu’il ne s’agit pas de délires juvéniles de scientifiques en herbe, mais d’une affaire costaude. En tout, dix expériences doivent être menées. Presque toutes sont liées. Il s’agira, notamment, de réaliser la cartographie du sol, avec des drones, histoire d’optimiser les déplacements à l’extérieur. Une des deux femmes de l’équipage, Sophie Wuyckens, physicienne de son état, étudiera l’intérieur des collines et petites montagnes, grâce à la muographie, cette fascinante technique non invasive qui interroge les muons (des particules élémentaires chargées négativement) et dont on s’est servi, notamment, pour sonder l’intérieur de la pyramide de Khéops.

Effet « pionnier »

 » La première fois qu’on sort de la station, en combinaison, avec le scaphandre, et qu’on se retrouve dans ce paysage grandiose, nu, vierge, vide… c’est exceptionnel « , sourit Mathieu Van Der Donckt, qui a vécu l’aventure en 2017. Avec un geste qui caresse l’horizon, il livre aux autres, à ceux qui lustrent avec impatience leur scaphandre, un sacré comprimé d’expérience.  » Avant même de sortir, quand on est dans le sas, à deux ou trois, que ça dure dix minutes, qu’on a la sueur qui nous coule dans les yeux, mais qu’on ne peut pas y toucher, à cause du scaphandre, on se rend très vite compte que la sortie sera difficile. Et elle l’est, difficile.  »

La difficulté, en même temps, c’est un peu l’alpha et l’oméga du pionnier. La planète Mars, cette petite braise rouge suspendue dans le ciel à quelque 76 millions de kilomètres de la Terre n’est pas une planète spécialement rigolote, question météo. Venteuse, poussiéreuse, privée d’océans, balayée de rayons ultraviolets, dotée d’une atmosphère ténue principalement constituée de CO2, elle offre, à sa surface, des températures oscillant entre 23 ° C et -125 ° C. Un écart brutal. Sans oublier la variation verticale de la température : hypothétiquement, entre les pieds et la tête d’un humain, on pourrait constater une variation de vingt degrés Celsius.

Mais comme l’âpreté n’a, sur ces jeunes, manifestement aucune prise, l’ingénieur en devenir, Bastien Baix, s’enthousiasme en leur nom à tous :  » C’est une expérience complètement folle ! On a hâte ! « 

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