Richard Miller. © Belga

Miller :  » Il y a une dimension sociale importante dans le projet du gouvernement Michel »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Administrateur du centre d’études du MR, député wallon pendant dix ans et aujourd’hui élu à la Chambre, Richard Miller martèle qu’il « y a une dimension sociale importante dans le projet du gouvernement Michel mais avec une autre vision que celle de l’assistanat à la sauce PS ». Et il appelle les syndicats à « donner une chance à la concertation ». Pas à rester avec « pour objectif la chute du gouvernement alors que l’enjeu, c’est un véritable combat pour l’emploi ».

Levif.be : Comment vivez-vous cette majorité fédérale, fort critiquée les premières semaines du côté francophone ?

Richard Miller : Le processus se développe en avançant. On a démarré la négociation en étant étonné du rejet doctrinal de Paul Magnette et de ses amis. Mais au bout du compte, nous nous retrouvons parfaitement dans l’accord de gouvernement fédéral. De façon inédite, nous nous retrouvons dans une configuration politique qui permet de mettre vraiment en oeuvre le projet libéral : assurer la sécurité sociale par le développement de l’économie et la création de richesses. Je ne vais pas être méchant avec nos partenaires des gouvernement précédents mais tout à coup, nous nous retrouvons désencombrés des socialistes. Très sincèrement, en tant que patron du services d’études du parti, je trouve ça passionnant. C’est d’ailleurs un défi dans lequel tous les libéraux se retrouvent, qu’ils soient militants, sympathisants ou mandataires. Nous ressentons chaque jour davantage que nous avons la possibilité de démontrer que nous avions raison de porter le projet dans lequel nous croyons depuis des décennies. Il y a une dimension sociale importante dans notre projet, mais c’est effectivement une autre vision que celle de l’assistanat à la sauce PS.

C’est un fameux pari. Du côté francophone, beaucoup de gens sont désarçonnés…

La formule est inédite, c’est vrai. Mais elle nous révèle chaque jour davantage que nous pouvons mettre en oeuvre ces recettes libérales.

Ils sont nombreux à fustiger la présence de la N-VA avec son agenda séparatiste à des fonctions clés. N’est-ce pas un souci pour vous ?

La politique est une activité sociale et humaine qui a un objectif fondamental, celui de garantir le bien-être et la paix à l’intérieur d’une société. L’instrument pour y arriver, c’est ce qu’on appelle un accord. On le fait avec des responsables qui incarnent d’autres types de projet pour gouverner ensemble. Un accord, cela ne veut pas dire que l’on doit s’embrasser et se donner de grandes claques dans le dos. Cet accord que nous avons conclu avec la N-VA, l’Open VLD et le CD&V est un cadre démocratique – ce n’est pas un mot que j’utilise en l’air, ces formations ont reçu un grand appui de la population et ont une majorité parlementaire… C’est un texte fondateur pour ce que nous allons faire, on ne sort pas de là. Tout ce qui en sort posera problème.

Le CD&V revient déjà la charge avec la taxation sur les plus-values. N’y aura-t-il pas des moments difficiles ?

C’est une constante de la vie politique belge. A l’intérieur d’une coalition, il y a toujours des intérêts qui s’expriment, des objectifs qui ne sont pas entièrement partagés par tous. C’est le rôle du Premier ministre, Charles Michel, de faire les arbitrages. Moi, je constate qu’il maintient ce rôle. Dans ce cas-ci, il y a eu des expressions, c’est vrai, tout le monde est rentré dans le rang, dans le cadre de l’accord qui a été négocié. Je peux vous dire que ce gouvernement restera en place ! Cela se conforte en avançant. Les groupes parlementaires de la coalition apprennent à se connaître, à serrer les coudes, à s’entraider dans les débats. La machine est lancée. Ce qui est sûr, c’est qu’il doit y avoir des résultats. L’axe majeur de toute cette politique, c’est la relance de l’emploi et de l’activité économique.

Le climat social ne va pas forcément aider : la concertation est au point mort, les syndicats manifestent et les employeurs ne donnent pas des signaux clairs. Jusqu’au 15 décembre, c’est une évidence, mais ça pourrait se prolonger, surtout côté francophone… N’êtes-vous pas mal pris ?

Non. Tout d’abord, parce que l’on y croit vraiment. Je n’ai pas dit que ce serait facile, mais les circonstances politiques sont réunies pour que l’on puisse démontrer la crédibilité de nos solutions pour la population. Il faut aussi calculer cela dans la durée. D’autres décisions viendront renforcer les outils que l’on met en place pour l’instant. En clair : la réforme fiscale. Au MR, ça fait quand même quelques années que l’on en rêve. Les Wallons, par décision suprême de la nomenklatura de Charleroi, ont pris d’autres options. Mais on voit déjà apparaître les premières taxes et ce gouvernement est critiqué par la FGTB wallonne. Moi-même, je suis un syndicaliste libéral et je suis convaincu que la solution se trouve dans la rencontre entre un projet économique libéral et les organisations représentatives des travailleurs. Ce n’est pas un chemin facile à emprunter, j’en suis conscient, mais c’est par là qu’il faut aller pour mettre le socialisme sur le côté.

C’est mal parti !

Oui, c’est mal parti, y compris du côté de la CGSLB (le syndicat libéral) dont je regrette le choix d’avoir rejoint le front commun. Je pense qu’il y a malheureusement eu une instrumentalisation du combat syndical. La présence de Di Rupo, d’Onkelinx à la manifestation… Mathot avait mis une petite chemise, Daerden un gros pull pour montrer qu’ils avaient manifesté. Ce sont des signes clairs. Comme la compagne de communication qui nous présentait comme des voleurs, avec des accents un peu fascisants. Mais qu’est-ce qu’ils craignent, en fait ? Qu’est-ce qui fait que Marc Goblet (le secrétaire-général de la FGTB) n’en dort plus et se demande quelle opération il pourrait bien mener pour casser le gouvernement après avoir cassé nos vitres ? Je suis convaincu que ce qu’ils craignent, ce n’est pas que l’on prenne des mesures : ça, c’est ce qu’ils disent aux ouvrier. Ce qu’ils craignent, c’est que ces recettes marchent.

C’est ce que j’appelle le principe de Stendhal. Dans un de ses romans, La Chartreuse de Parme, deux personnages partent et celui qui reste s’inquiète parce que si ceux-ci s’entendent, il craint de disparaître. Imaginons que les ouvriers y retrouvent leurs comptes : qu’est-ce qu’il fera, Marc Goblet ? Se présenter au bureau de chômage ? Il n’a donné aucune chance à la concertation, le mouvement social s’est d’emblée donné pour objectif la chute du gouvernement alors que l’enjeu, c’est un véritable combat pour l’emploi.

Il n’y a aucun raison de croire que l’objectif des ministres fédéraux serait de casser l’emploi, les travailleurs et leurs avantages sociaux. Ça n’a aucun sens de penser ça ! Nous avons simplement une autre façon d’arriver à ces résultats, et c’est ça qui fait peur à la FGTB et au PS !

Certains experts disent que l’optique de rigueur prise par cette majorité est à contretemps par rapport à ce que prônent des organisations internationales ou des experts de l’économie. Il faudrait au contraire un plan de relance…

Guy Verhofstadt, dans un extraordinaire débat télévisé en France, le rappelait : ce plan d’investissements, il doit se faire au niveau européen. Je suis désolé, mais il y a eu une faiblesse de la Commission Barroso, j’espère que la nouvelle Commission prendra des mesures pour la relance et la réindustrialisation. Ça doit accompagner ce qui se fait au fédéral et ce qui devrait se faire dans les Régions.

En ce qui concerne les économistes, j’ai quand même un esprit un peu scientifique, je reconnais l’importance des analyses. Mais si je ne me trompe pas, tous les génies de l’économie n’ont jamais vu venir la crise économique et financière de 2008. Après, quand les populations ont payé pour les banques afin de conserver les outils nécessaires et éviter une crise systémique, on les voit réapparaître pour donner des leçons.

J’ai la faiblesse d’avoir une immense confiance dans les systèmes démocratiques. Moi, ce que j’aime bien dans une assemblée parlementaire, c’est que vous avez des élus de toutes les couches sociales. Tous n’ont pas fait Harvard en économie, moi non plus, mais ils connaissent la réalité de leur Région, du terrain avec l’envie que ça aille mieux pour les gens. J’aime les spécialistes, j’adore livre des livres et j’ai lu celui Thomas Piketty aussi, comme Paul Magnette, mais contrairement à lui, je n’en fais pas une icône, je ne le mets pas chez moi avec une bougie rouge à côté. C’est intéressant, il y a beaucoup de choses à en tirer, mais ce n’est pas Piketty qui va dire au parlement comment voter.

La clé de sécurité que représente la démocratie est fondamentale. C’est par là que des mesures ont pu être prises pour endiguer la crise financière que les spécialistes n’avaient pas vu venir.

La perception de votre accord du côté francophone, c’est que c’est un dogme néolibéral, comme l’affirmait le politologue Jean Faniel…

Nous sommes convaincus de notre ligne mais nous savons bien, et le Premier ministre en est le premier conscient, qu’il faudra des résultats rapides sur le terrain. Nous ferons tout pour et la majorité ne bougera pas. On pourrait croire que j’en remets une petite couche parce que je suis payé pour, mais pas du tout : j’ai été dans l’opposition en Wallonie pendant dix ans, nous avons toujours été considérés comme des penses-petits alors que nous dénoncions ce qui ne marchait pas et aujourd’hui, dans les Régions, nous sommes face à un mur.

Le casting du MR au gouvernement a été marqué par quelques approximations au début, votre vice-Premier ministre, Didier Reynders, semble un peu en retrait, après les couleuvres qu’il a dû avaler. N’est-ce pas une faiblesse ?

Ces dernières années, le MR a été le seul parti démocratique à organiser une réelle élection interne, avec un choc entre deux tendances. Le résultat a été partagé, avec une victoire pour Charles Michel. Pour un parti, c’est salutaire parce que tout le monde a pu s’exprimer, il y a eu des débats internes. Depuis lors, les mandataires du MR ont réappris à travailler ensemble. On ne peut pas dire que ça n’a pas marché puisque nous avons remporté les élections communales et provinciales de 2012, puis les européennes, fédérales et régionales de 2014. Notre président, Charles Michel, a franchi chacune des étapes. Je n’ai pas le sentiment qu’il n’a pas été aidé par Didier Reynders qui a mené une campagne totale sur Bruxelles. Durant toutes les négociations, tout s’est fait ensemble. Après le choix régional du PS, nous nous sommes tous regroupés, avec une volonté unanime.

Charles Michel a un rôle de meneur du gouvernement. Didier Reynders représente la famille libérale au gouvernement. J’ai le sentiment qu’il n’est pas éteint, qu’il n’est pas en retrait et que le travail commun va être mené. Tout ce qui s’est passé ces dernières semaines va nous mener à une cohésion comme nous n’en avons plus connue depuis vingt-cinq ans.

Mais c’est un homme blessé, qui rêvait de devenir Premier ministre, commissaire européen… On le sent désireux de se recentrer sur les affaires étrangères.

Non, je vous ai répondu. On a peut-être le sentiment que Jean-Claude Juncker s’est peut-être un peu trop occupé de ce qui ne le regardait pas dans le choix des commissaires européens, ça, c’est exact. Il a dit qu’il voulait une Europe très sociale, que ce ne pouvait donc pas être Didier Reynders, c’était une interférence extérieure. Didier est évidemment un rouage essentiel de cette machine que nous développons.

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, le dossier. Avec :

– Le clan Reynders veut renouer avec le PS

– Jean-Luc Crucke : « L’enjeu n’est pas mince : la plupart des compétences en matière de mobilité, d’environnement, d’emploi… se trouvent désormais à l’échelon wallon »

– Reynders s’est doté d’outils lui permettant de poursuivre son implantation à Bruxelles

– Cinquante jours après la mise en place du gouvernement fédéral, le MR est un parti en lévitation : « Nous n’avons plus été unis à ce point depuis vingt ans ! »

– Olivier Chastel : « Ce gouvernement fédéral a un projet qui va sauver la Belgique grâce à des réformes qui vont permettre la pérennité de la sécurité sociale »

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