Nathaniel Mary Quinn, The grinning Chef, 2018. C de l'artiste. Courtesy de l'artiste et Almine Rech Gallery. © Hugard & Vanoverschelde Photohraphy

Millefeuille ou hoche-pot ?

Guy Gilsoul Journaliste

Arcimboldo sans les fruits, Bacon sans la chair, Picasso sans les angles ou Prévert sans le rêve ? Dans ce portrait d’un « chef souriant » que l’américain Nathaniel Mary Quinn (°1977) peint sur papier en juxtaposant avec le plaisir du gourmet et la violence du chasseur, la gouache, le pastel et le fusain, il y a bien cette dualité (cubisme, surréalisme) qui alimente une grande part de l’art new-yorkais.

Comme si, parait nous dire l’artiste, ces deux approches construites sur le mode de la fragmentation et de la juxtaposition, définissaient notre seul manière d’exprimer l’énigme de l’autre et de soi-même. Car il y a bien, au départ de cette peinture, à la fois, une urgence introspective et un besoin d’empathie qui, au fil des ans s’est même élargi aux matériaux eux-mêmes. S’y confrontent dans l’imaginaire, le réel (le personnage côtoie Quinn dans sa vie à Brooklyn) et la mémoire du vécu personnel. Soit, à la manière d’un millefeuille les multiples couches d’une vie qui débute pour le jeune Nathaniel dans les quartiers sud de Chicago entre, d’une part la violence urbaine des gangs, quatre frères plus âges et drogués, une mère handicapée par des AVC, un père qui surnage en multipliant les métiers et des murs sur lesquels dès 5 ans, il dessine. Grâce à une bourse, il découvre une scolarité cossue qui aurait pu être apaisée entre pelouses rases et uniformes s’il n’y avait eu la mort de « Mary », sa mère qui, réveille en lui la violence et le sentiment d’extrême solitude. Le coup de grâce lui est donné quand, à 15 ans revenant pour les vacances « à la maison », il trouve l’appartement vide: « On » l’a abandonné. Instinctivement, à la manière d’un animal traqué, Il sait désormais que la seule issue pour sa survie sera l’école et, en final, l’obtention de diplômes. Il s’accroche à cette idée, gagne les Beaux-Arts de New-York… La suite : des portraits fabriqués à partir de morceaux, presqu’à la manière d’un cadavre exquis, à l’aveugle, incluant un groin à la place du nez, des yeux de gorille, des fleurs, des noeuds, le tout emporté par des gestes qui paraissent ne jamais prévoir les suivants. Voire même prendre plaisir à les provoquer afin d’être au plus près de la vie qui va et tournoie en un mélange qui tient aussi du hochepot.

Bruxelles, Galerie Almine Rech. 20 rue de l’Abbaye. Du mardi au samedi de 11 à 19 heures. www.alminerech.com

Nathaniel Mary Quinn, The grinning Chef, 2018. C de l’artiste. Courtesy de l’artiste et Almine Rech Gallery. Photo Hugard & Vanoverschelde Photohraphy.

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