Carte blanche

Migrants : le gouvernement fédéral brise la digue des droits fondamentaux

Lors de l’élection récente de la Belgique comme membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, d’aucuns se réjouissaient du fait que  » la Belgique allait accéder à la table où les décisions se prennent… « 

C’est une très bonne chose certes, pour autant que la Belgique respecte elle-même les décisions et autres recommandations prises à son égard.

Comme disait Aristote, « De bonnes lois ne constituent pas à elles seules un bon gouvernement ; il importe surtout que ces bonnes lois soient observées. »

Durant ces 30 dernières années, la Belgique a toujours accordé une importance particulière à une politique universelle des droits de l’homme. Elle a toujours défendu leur mise en application que ce soit au niveau international (ONU), au niveau européen (via le Conseil de l’Europe notamment) ou encore au niveau bilatéral.

Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, rappelait que « le Conseil de l’Europe doit être le phare de l’Europe, une structure d’alerte précoce, en somme ».

Ces derniers mois, à intervalles réguliers, par des prises de positions outrageusement populistes certains membres du gouvernement fédéral ont cependant remis en en question les droits les plus fondamentaux des citoyens. Le point de non-retour a eu lieu lorsqu’ils ont émis l’idée de contourner l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme interdisant la torture.

Cette dernière saillie remet clairement en cause le principe fondamental de la séparation des pouvoirs, car dicter à la Cour européenne des droits de l’homme la manière dont elle devrait interpréter la Convention européenne des droits de l’homme, revient en réalité à rompre les équilibres et à laisser le champ libre au retour du totalitaire.

Lorsque l’on renie aux juges leur indépendance, c’est le déclin de la démocratie, l’effondrement de l’état de droit.

Avec la complaisance indécente et impardonnable du Premier ministre, ces personnes issues de la NVA, alimentant l’inquiétude actuelle dans un regain de clameurs nationalistes et identitaires, affirment ne plus vouloir respecter les décisions du Conseil de l’Europe alors que ces trente dernières années auront surtout témoigné de la volonté des citoyens européens de surmonter les clivages et d’affirmer leur unité. Car ces ennemis des droits de l’homme sont réduits à ce qu’ils sont : essentiellement une minorité, même si elle est parfois plus bruyante que la majorité.

Pour nous, défenseurs des droits humains fondamentaux, les fondements de l’édification d’une Europe libre, pacifique et solidaire n’ont pas varié.

En tant que pays fondateur du Conseil de l’Europe, la Belgique se doit de respecter les décisions qui y sont prises et d’ainsi rappeler toute l’importance du Conseil de l’Europe et des institutions supranationales qui en dépendent. Malheureusement, l’application en Belgique de certaines recommandations du Conseil de l’Europe voire d’arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme laisse parfois à désirer.

Si certains ont émis l’idée, parallèlement à l’examen périodique universel devant l’ONU, d’un même type d’examen des droits humains au niveau européen, je propose une solution plus pragmatique au niveau belge. Je souhaite mettre sur pied un système de monitoring répertoriant l’ensemble des recommandations et autres décisions de toutes les instances du Conseil de l’Europe prises à l’égard de la Belgique. L’objectif étant d’examiner les actions prises, ou non, en réponse par le gouvernement fédéral, et le cas échéant, pour ce qui relève de leurs compétences, par les autres gouvernements de notre pays.

Je suis convaincu qu’il revient à notre pays de se montrer exemplaire lorsqu’il s’agit de donner des gages concrets au respect de la Convention européenne des droits de l’homme qui constitue le fondement du projet européen.

Ce n’est qu’en étant pleinement conscient des remarques qui nous sont formulées et en prenant les actes concrets pour y remédier que la Belgique pourra garder toute la cohérence dans son combat pour les droits humains de même que dans sa diplomatie qu’elle soit bilatérale, européenne ou internationale.

Je terminerai en rappelant que nous commémorons cette année le centième anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale ; à l’issue de celle-ci, la Société des Nations, ancêtre de l’ONU, a été portée sur les fonts baptismaux. Soyons dignes de ces souvenirs lorsque nous accédons au Conseil de sécurité de l’ONU. Il est urgent de mettre fin à ces déclarations et pratiques gouvernementales qui flétrissent nos traditions humanistes, qui souillent nos valeurs essentielles et qui corrompent l’atmosphère démocratique par des brumes sombres, lourdes et nauséabondes.

Christophe Lacroix, chef du groupe PS à l’Assemblée. Parlementaire du Conseil de l’Europe.

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