Theo Francken. © BELGA

Migrants: la collaboration entre Theo Francken et le Soudan fait polémique

La Belgique a conclu un accord avec le Soudan à propos de l’identification des migrants du Parc Maximilien. Une polémique de plus pour le Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Theo Francken.

La collaboration entre la Belgique et le Soudan est au coeur d’une polémique depuis quelques jours. C’est le quotidien flamand De Morgen qui a révélé l’information. Une délégation de représentants du Soudan a été accueillie dimanche en Belgique. L’objectif de sa visite : identifier ses compatriotes en séjour illégal dans notre pays, notamment parmi les migrants du Parc Maximilien à Bruxelles. Cette équipe a été reçue par M. Francken avant son départ à New York pour l’Assemblée générale des Nations unies. L’initiative suscite depuis lors une polémique nourrie.

Francken estime que le procédé d’identification est nécessaire et pas exceptionnel. « On le fait comme beaucoup d’autres pays européens, avec beaucoup de pays africains. Le faire avec le Soudan n’a rien d’exceptionnel, cela se fait presque chaque semaine », a-t-il déclaré au micro de la RTBF depuis New York.

Entretien avec l’ambassadeur du Soudan

Selon un spécialiste du Moyen-Orient, Koert Debeuf, cité par le Morgen, certains membres de la délégation pourraient faire partie des services secrets soudanais – dirigés il y a une dizaine d’années par l’actuel ambassadeur du Soudan à Bruxelles, Mustrif Siddiq-, ce que réfute l’Office des étrangers qui affirme qu’il s’agissait uniquement de fonctionnaires du ministère de l’Intérieur et de membres de l’ambassade. « L’ambassadeur a dit qu’il allait envoyer une mission d’identification, ce sont trois fonctionnaires des Affaires intérieures du Soudan. Selon le screening fait par les services de renseignements belges, ce ne sont pas des agents secrets », a précisé Francken.

Le 7 septembre, le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Theo Francken, avait annoncé à l’issue d’un entretien avec l’ambassadeur soudanais à Bruxelles que Khartoum était prêt à délivrer des laissez-passer pour permettre le rapatriement de ses ressortissants qui séjournent illégalement en Belgique. Le Soudan allait pour ce faire envoyer une équipe à Bruxelles permettant l’identification de ces ressortissants. Aucun des 158 Soudanais arrêtés lors des actions au Parc Maximilien et à la gare de Bruxelles-Nord n’a encore été rapatrié, selon l’Office des étrangers. Il est apparu que la plupart des migrants arrêtés étaient des Soudanais en transit vers le Royaume-Uni.

« Le Soudan est une dictature »

Le président de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), Alexis Deswaef, s’est dit scandalisé par l’accord passé entre la Belgique et le Soudan. Il rappelle que le président du Soudan fait l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par la Cour pénale internationale (CPI). Le Soudan est en outre régulièrement cité pour les violations des droits de l’homme qui y sont commises. En 2009 et 2010, la CPI a délivré un mandat d’arrêt contre le président Omar el-Béchir pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. « En tant que président de la Ligue des droits de l’homme et avocat spécialisé en droit international, je juge ahurissant que M. Francken s’abaisse à collaborer avec une délégation officielle soudanaise relevant des services secrets. Le Soudan est une dictature, son président est poursuivi par la Cour pénale internationale, les violations des droits de l’homme y sont nombreuses. Le taux de reconnaissance important de demandes de protection venant de ressortissants soudanais le prouve », a-t-il souligné.

Le président de la LDH demande si le gouvernement soutient l’initiative du secrétaire d’Etat. « Un simple secrétaire d’Etat comme M. Francken est en train de torpiller la crédibilité de la Belgique sur la scène internationale alors que MM. Michel et Reynders sont à New York pour défendre la candidature belge au conseil de sécurité des Nations Unies. Le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères avalisent-ils cette collaboration avec le Soudan? », a-t-il demandé.

Allô, Charles Michel ?

Alexis Deswaef n’est pas le seul à demander une réaction de la part du gouvernement. Le groupe PS de la Chambre a notamment réclamé un débat en séance plénière sur les déclarations et initiatives du secrétaire d’Etat à l’Asile. A côté de ses nombreux dérapages, viennent s’ajouter ces informations relatives au cas soudanais qui « font froid dans le dos » à la députée Julie Fernandez-Fernandez. « On ferait appel à l’aide à un pays que fuient des milliers de réfugiés pour identifier ces mêmes réfugiés et les renvoyer chez eux ? Recadrer ne suffit plus, il faut que le Premier ministre vienne s’expliquer à la Chambre, dès son retour de New York, sur ‘le cas Francken’. Et il faudra également savoir si cette initiative est personnelle ou a été concertée avec la diplomatie belge », a-t-elle ajouté.

Le chef de groupe Ecolo à la Chambre, Jean-Marc Nollet souhaite également que le Premier ministre Charles Michel vienne s’expliquer « le plus vite possible sur ce que nous considérons comme une affaire très grave », a-t-il affirmé lors de l’émission Matin Première, dont il était l’invité.

Le Premier ministre Charles Michel n’a, pour l’instant, pas souhaité faire de commentaire sur le sujet.

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