Charles Michel © Belga

Michel suit-il l’exemple de Trump en baissant les impôts ?

Le gouvernement Michel et le président Trump déploient-ils la même astuce ? Tous deux baissent les impôts et creusent un trou dans le budget. Pour certains, l’objectif final c’est un état minimal. Est-ce vraiment le cas?

Serait-ce là un hobby du gouvernement Michel: creuser des trous dans le trésor? Le tax shift – le glissement d’impôts sur le travail vers la consommation, la pollution et la fortune – ne pouvait rien coûter, mais il y a un déficit d’environ 5 milliards d’euros. L’impôt sur les sociétés a été baissé et ce dernier aussi devait être « budgétairement neutre », mais cette semaine la Banque Nationale publie des calculs sur leur impact budgétaire et on craint que cette réforme coûte beaucoup d’argent.

Michel suit-il l’exemple de Trump en baissant les impôts?

On assiste à un phénomène similaire de l’autre côté de l’Océan. La semaine dernière, le président Trump a remporté une première grande victoire en approuvant une baisse d’impôts à grande échelle pour les entreprises et les familles. Les années à venir, elles devraient recevoir un cadeau fiscal de 1500 milliards de dollars, mais ce seront surtout les riches qui en profiteront. Les dix prochaines années, cette baisse d’impôts creusera un trou de 1000 milliards de dollars dans le trésor américain.

Chez nous et en Amérique, les dirigeants justifient les baisses d’impôts de la même manière. En Belgique, les charges sur le travail et les impôts de société étaient très élevés et nous rendaient moins compétitifs. Le tax shift et la baisse de l’impôt sur les sociétés doivent permettre au gouvernement Michel de créer plus de jobs et une croissance économique plus élevée. Cela signifie plus de revenus fiscaux et moins de dépenses d’état pour les chômeurs par exemple. À son tour, Trump est certain que sa baisse d’impôts entraînera plus de croissance, et que les entreprises retourneront aux États-Unis. Tant en Belgique qu’en Amérique, les leaders politiques sont convaincus que les baisses d’impôts s’amortiront avec le temps. Tout le monde n’en est pas certain.

Autre parallèle entre la Belgique et les États-Unis : le taux d’endettement. Dans notre pays, celui-ci s’élève à 103% du produit intérieur brut, aux États-Unis il est de 108% d’après le Fonds monétaire international. Ces trous creusés par les baisses d’impôts dans les budgets pèsent sur cette dette. Et personne n’aime voir augmenter ces dettes, car elles atteignent la confiance. Et si les intérêts augmentent, de plus en plus d’argent du contribuable disparaît dans le règlement de cette dette. Il deviendra inévitable d’instaurer des mesures radicales pour faire baisser la dette.

Aux États-Unis, on spécule beaucoup sur le fait que le Congrès dominé par les républicains fera des économies sur les programmes sociaux. Certains parlent d’une stratégie consciente : baissez les impôts de sorte que vous soyez obligé d’épargner. Cette stratégie a été inventée dans les années 70 par les conservateurs et est appelée ‘starve the beast’, affamez la bête (l’état). C’est ainsi que doit se réaliser le rêve de nombreux républicains : un état minimal.

D’après les syndicats et l’opposition de gauche, la coalition de centre droit de notre pays suit la même stratégie consistant à « affamer la bête » : elle instaure une baisse d’impôts qui coûtera de l’argent à l’état, de sorte qu’il faudra bien économiser sur les dépenses publiques. Réellement ? Les finances publiques se sont en tout cas améliorées sous le gouvernement Michel. Pas autant que ce que le gouvernement avait promis, et elles pourraient l’avoir été plus, mais depuis le début de la période de gouvernement le déficit structurel (qui est isolé d’une bonne conjoncture) a été réduit de 2,9 à 1,5%. Le taux d’endettement a baissé de près de 107% à 103%. On prédit que cette tendance se poursuivra au cours des prochaines années. Ce n’est pas vraiment « affamer la bête », non ?

À cela s’ajoute que la Belgique possède la pression fiscale la plus élevée de tous les pays de l’OCDE. Aussi n’est-il pas étrange qu’un gouvernement belge baisse les impôts. En même temps, nos dépenses publiques primaires (donc sans paiement d’intérêts) s’élèvent à 50% du PIB, un pourcentage parmi les plus élevés d’Europe. Si nous regardons d’autres pays, nous pouvons tailler dans les dépenses publiques et nous devons en tout cas les utiliser plus efficacement. Ce n’est pas toujours facile et entraîne une opposition, mais « no pain, no gain » n’est pas du tout la même chose que « starve the beast ».

Dire que le gouvernement Michel mènerait une stratégie « affamez la bête » pour ensuite déshabiller l’état semble exagéré, mais il faudrait que la bête soit plus en forme.

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