Carl Devos

Michel Ier, une équipe dont on se demande qui est le patron

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

Le gouvernement Michel célèbre son premier anniversaire mais sans avoir beaucoup de raisons de faire la fête.

Si la coalition fédérale ne travaille pas trop mal, on s’était attendu à ce qu’elle engrange davantage de résultats. C’est le PS qui a ouvert la voie à l’exécutif Michel – en forçant sa majorité wallonne, il a donné un sauf-conduit à l’architecte De Wever. Mais cet équipage a fait de son administration sans socialistes sa marque de fabrique, suscitant des espoirs irréalistes auxquels il est loin de répondre, malgré une politique solide à de nombreux égards. C’est que, même si elle en touche parfois les limites, la suédoise reste dans le périmètre de la politique consensuelle classique. Elle est aussi moins menacée par une opposition forte que par des contradictions internes. Le fait que Charles Michel ne parvienne pas à les contrôler est compréhensible mais c’est en même temps sa plus grande source de gêne.

Le Premier ministre savoure avec un plaisir quasi présidentiel son séjour au Seize et il connaît ses limites. Il évolue comme un diplomate de haut niveau entre les présidents de partis et les vice-premiers, les vrais patrons de ce gouvernement. Michel est prudent et il sait quand il doit se taire. Jamais il n’est apparu comme le chef visionnaire qui emmène son équipe vers un objectif clair. Il s’est davantage révélé en esquivant des risques qu’en faisant preuve de courage et de leadership, ce qui ne profite pas à l’image du 16, rue de la Loi.

Le Premier ministre francophone n’est pas le patron de cette équipe dominée par des Flamands et tout indique qu’il ne le sera jamais. Mais il réussit, en médiateur politique méthodique, à trouver un accord général le plus large possible entre ces Flamands qui se querellent. Même s’il lui arrive d’en négliger l’exécution, parfois pour permettre des interprétations différentes. Avec pondération et prudence, il travaille dans l’ombre, dont il ne veut ou ne peut pas sortir. Mais il parvient à raccrocher son MR tantôt au CD&V, tantôt à la N-VA et, souvent, à l’Open VLD. Au gouvernement et en Belgique francophone, le MR n’est pas menacé sur la droite. Cela n’apporte donc aucun prestige, ni au Premier ministre ni à son parti, mais cela lui confère de l’efficacité. Et, sans concurrence francophone, Michel déborde de confiance en lui. D’autant qu’Elio Di Rupo, en chef de file mal choisi de l’opposition francophone, refuse d’y céder sa place.

Mais, malgré les chamailleries, le gouvernement a abattu pas mal de travail, et le mérite en revient à Michel. Même s’il le voulait, il ne pourrait pas changer le fait que le fruit de ce travail satisfasse plutôt le centre-droit, y compris en Belgique francophone. Plus la N-VA et l’Open VLD isolent les corrections sociales de Kris Peeters, plus ils montrent à l’opinion publique francophone que le gouvernement dirigé par le MR doit « tailler dans le gras ». Et tout indique que la situation économique et budgétaire ne permettra aucun assouplissement au cours des mois et des années à venir.

Il y a un an, l’opposition de gauche à ce gouvernement de centre-droit était également considérée comme une opposition francophone à un gouvernement dominé par les Flamands. Elle a rapidement craint de faire ainsi l’affaire de la N-VA. Mais le jour viendra certainement où l’aversion pour l’équipe Michel l’emportera devant les inquiétudes suscitées par les nationalistes flamands. Surtout si, en Belgique francophone, les voix se font plus nombreuses pour dénoncer le trop peu d’oxygène que promet la sixième réforme de l’Etat à Bruxelles et à la Wallonie.

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