« Mettons tous notre fiche de salaire sur la table »

Si on faisait tous un peu moins de mystères à propos de nos revenus, on pourrait enfin atténuer l’écart salarial. « À présent, une femme ne peut que présumer que l’homme au bureau à côté d’elle gagne plus qu’elle », écrit notre consoeur de Knack Ann Peuteman.

« À travail égal, salaire égal? Qu’est-ce que vous venez encore nous raconter », lance une connaissance quand certaines femmes de la compagnie se montrent trop combatives. « Ici en Occident l’écart salarial est comblé depuis longtemps, non ? Ou allez-vous prétendre qu’au bureau les hommes gagnent plus ? » Silence. Aucune femme n’est sûre de ce que tel ou tel collègue masculin est mieux payé qu’elle. Nous ne pouvions qu’exprimer des suppositions. Ce n’est pas étonnant. Nous gardons toujours pour nous le montant de nos revenus. Du coup, nous ne savons pas si nous gagnons plus ou moins que notre voisin de bureau.

En début d’année, Carrie Gracie, chef Chine pour la chaîne publique britannique BBC, a démissionné. La raison ? En juillet, la BBC a dû publier une liste de collaborateurs qui gagnent plus de 170 000 euros par an. Celle-ci mentionnait aussi le nom de deux collègues qui faisaient exactement le même travail que Gracie. Deux hommes. Elle n’était pas sur la liste. En plus, elle a découvert qu’elle gagnait 50% de moins que les chefs masculins, alors qu’elle travaillait autant d’heures et était tout aussi accro au travail. En guise de réparation – et probablement aussi dans l’espoir d’éviter un scandale – la BBC a offert une augmentation salariale de 33% à Gracie. Ce n’est pas assez, estimait-elle, car alors elle gagnerait encore moins que les hommes. Et donc elle a démissionné. Par principe.

Il ne fait pas de doute qu’il y a beaucoup de Carrie Grace en Flandre aussi. Cependant, elles ne s’en rendent pas compte, car elles n’ont aucune idée de ce que gagnent leurs collègues. Il n’y a que là où l’on travaille avec des barèmes, comme dans les banques et les entreprises publiques, que le salaire est comme il faut et correspond de manière transparente à votre ancienneté et catégorie. Là, il est presque impossible de payer les femmes moins que les hommes. Cependant, tous les autres employeurs, des multinationales aux commerces et aux PME, peuvent déterminer eux-mêmes qui ils paient combien. « Alors, ce n’est pas difficile : chacun sait que les femmes négocient moins durement que les hommes. » C’est à nouveau cette connaissance, qui entre-temps m’énerve passablement. « Alors les femmes n’ont qu’à frapper aussi fort sur la table que leurs collègues masculins pour exiger une augmentation », ajoute-t-il. Oui, ou nous jugeons tous les employés sur leurs mérites et non pas sur la force de leur poing ou la portée de leur voix.

Mettons tous notre fiche de salaire sur la table

Comme aujourd’hui beaucoup de femmes ne peuvent que présumer qu’elles gagnent moins que les hommes qui font le même travail, elles ne font pas de tapage et généralement elles n’exigent pas d’augmentation. Elles n’ont de toute façon pas de preuves. C’est pareil pour les personnes au teint coloré qui supposent que leurs collègues blancs gagnent plus. Même si elles font le même travail. La seule façon de savoir vraiment ce qu’il en est de l’écart salarial entre les hommes et les femmes, mais aussi entre allochtones et autochtones, c’est d’arrêter d’être aussi crispés à propos du montant sur notre fiche de salaire et tous les avantages extra-légaux dont nous bénéficions en plus. Mettons donc tous, hommes et femmes, notre fiche salariale sur la table. Ouvertement.

Et cette connaissance? En fin de la soirée, il cite lui-même un exemple d’inégalité entre hommes et femmes : dans son entreprise, la plupart des hommes ont un solide bolide d’entreprise alors que les femmes roulent en plus petits modèles. « Un peu » logique, dit-il. « Pour les hommes cette auto est une voiture familiale alors que les femmes l’utilisent uniquement pour faire des courses. » Nous n’avions rien à répondre à ça.

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