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#MeToo: « Pour les promotions canapé, il faut être deux »

Les femmes ont-elles, parfois, une part de responsabilité dans le comportement indigne de certains hommes ? Ne doivent-elles pas être plus conscientes de l’effet qu’elles peuvent avoir sur les hommes ? C’est probablement le seul tabou qui a résisté aux mois de polémique #MeToo. « Il n’y a pas de mal à arborer un joli décolleté, mais ne vous attendez pas à ce qu’on regarde vos chaussures. »

« Qu’en est-il des femmes qui utilisent leurs mini-jupes et décolletés pour obtenir quelque chose d’un homme ? N’est-ce pas un comportement inapproprié ? » C’est là une réserve souvent émise dans la polémique #metoo sur les réseaux sociaux – même si elle est généralement exprimée de manière plus détournée. Ça et là, on mentionne l’existence de ce qu’on appelle les allumeuses : des femmes qui taquinent et provoquent les hommes, mais prennent leurs distances au moment crucial. Ces histoires n’ont pas remporté beaucoup de suffrages. Celui qui osait suggérer que certaines femmes sont peut-être un peu responsables du comportement inapproprié des hommes se voyait accablé de commentateurs dévastateurs.

Pourtant, à présent que nous sommes probablement à un tournant, le moment semble parfait pour également briser ce dernier tabou. « Nous devons effectivement oser mener ce débat », estime Bieke Purnelle, directrice de RoSa, le centre d’expertise sur le genre, le féminisme et l’égalité des chances. « Les filles apprennent très tôt comment miser sur beauté et leur sexualité. Souvent, ce message se cache dans des choses très subtiles, innocentes à première vue. Dans les magasins de jouets par exemple, on trouve des rayons pleins de maquillage pour enfants et aujourd’hui on trouve des soutiens-gorges et des strings pour fillettes de huit ans. Dès leur plus jeune âge, on indique aux enfants qu’une fille doit être belle et attirante. Si les filles reçoivent en permanence le signal que ça paie d’être sexy, il ne faut pas s’étonner que plus tard certaines utilisent leur sexualité comme arme. »

Durant l’adolescence, cette idée s’intensifie encore. Dès que leurs formes s’arrondissent, les filles prennent conscience de l’effet qu’elles ont sur leurs condisciples masculins, mais autant sur leurs enseignants ou amis de leurs parents. Cela donne évidemment un sentiment de puissants à ces adolescentes », déclare Sandra Peeters de Seven Miles, une entreprise qui assiste les PME pour leur politique de ressources humaines. Elles en prennent de plus en plus conscience sous le regard avide d’entraîneurs, de professeurs et de passants. « D’une part, tous ces regards rendent les jeunes filles très vulnérables, car elles les réduisent à un corps ambulant », déclare Purnelle. « Mais d’autres parts, elles apprennent que leur apparence peut-être une arme. C’est très schizophrène. »

Effet boule de neige

Évidemment, il n’y a pas que les femmes qui jouent de leur sex-appeal pour obtenir quelque chose. « Beaucoup de gens, hommes et femmes, utilisent leurs charmes pour convaincre d’autres personnes. C’est même une technique de négociation courante », explique le sexologue Wim Slabbinck. Reste à voir évidemment ce que l’on espère obtenir. « La plupart ne le font pas pour obtenir des avantages matériaux ou autre », explique Els De Pauw, journaliste et experte en mode mieux connue sous son nom de plume Amélie O. « Les femmes veulent d’abord de l’attention, car un humain en a autant besoin que d’air, d’eau et d’alimentation. La conscience de pouvoir exciter un homme booste la confiance en soi. C’est un effet boule de neige : si on vous fait plein de compliments, on se sent bien et on attire davantage les autres, ce qui fait qu’on reçoit encore plus d’attention. C’est positif, non ? »

C’est autre chose si une femme se sert délibérément de sa sexualité pour arracher des privilèges, éviter une amende ou moins payer le plombier. « À mes yeux, c’est une forme de comportement inapproprié », estime De Pauw. « Je pense – ou du moins j’espère – que la plupart des hommes sont assez intelligents pour ne pas tomber dans ce piège. »

Souvent, ce genre de tactiques sont adoptées au travail. Il y a des employées qui emballent leur patron pour rentrer plus tôt chez elles, pour traiter des dossiers intéressants, obtenir un bureau plus spacieux ou décrocher un emploi ou une promotion. « En pratique, on voit encore souvent le cliché du manager qui a une liaison avec sa secrétaire », déclare Sandra Peeters. « Même si c’est plus fréquent dans certains secteurs que d’autres. Dans les médias et le monde culturel, où les femmes ont l’habitude d’utiliser leur apparence dans leur oeuvre artistique, on voit ce phénomène plus souvent. C’est moins courant dans les banques, même si là aussi il y a des femmes qui essaient de jouer de leur sexualité. » Purnelle ne se dit guère étonnée. « Si une femme se retrouve dans une entreprise où on lui offre toutes les opportunités, elle n’aura pas vite tendance à coucher avec le boss pour monter », dit-elle. « Mais dans les secteurs où le travail est incertain et les salaires bas je peux m’imaginer que l’on est tenté d’utiliser son corps comme une arme. Si les femmes avaient les mêmes opportunités que les hommes, cela arriverait beaucoup moins souvent. »

En soi, il n’est pas question de comportement inapproprié si une employée fait l’amour avec son chef. Certainement pas s’ils ont tous les deux envie. « Je peux difficilement m’imaginer qu’on manoeuvre dans ce sens en n’ayant pas du tout envie », déclare De Pauw. « N’oubliez pas que le pouvoir érotise : beaucoup de femmes tombent vraiment amoureuses de leur chef. Si en plus elles peuvent obtenir des privilèges, c’est sans doute toujours ça de pris ».

Et le chef qui se laisse séduire n’est pas non plus une victime – contrairement à ce qu’on prétend parfois sur les réseaux sociaux. « Un homme peut toujours dire non », déclare Slabbinck. S’il y a un rapport de pouvoir, comme entre un supérieur et un subordonné, la réserve semble de mise. « Pour une promotion canapé, il faut être deux. En d’autres termes : le chef doit être ouvert à ça – et qui sait – même envoyer des signaux dans ce sens », déclare Purnelle.

De leur faute?

L’actrice Angela Lansbury avait-elle raison en prétendant que certaines femmes déclenchaient un comportement inapproprié en voulant être les plus belles possible ? « C’est aller un peu plus vite en besogne », estime De Pauw. « Les femmes devraient être un peu plus conscientes des signaux qu’elles émettent. Il n’y a pas de mal à arborer un joli décolleté ou une jupe courte, mais ne vous attendez pas à ce que les gens regardent vos chaussures. On peut évidemment s’accrocher à la conviction qu’on a le droit de s’habiller comme on veut sans que personne ne s’en mêle. Mais nous ne vivons pas sur une île. La manière dont on s’habille et on bouge fait partie de la communication envers son entourage. Quand est-ce qu’on porte une jupe très courte ? Quand on se sent bien dans sa peau et son corps, évidemment. On se sent attrayante et on donne l’impression d’avoir envie de vivre ce qu’il y a à vivre. Cela ne signifie évidemment pas qu’on ne peut pas porter de jupe courte, mais qu’il faut faire plus attention. »

Cela ne veut évidemment pas dire qu’une robe sexy donne le droit à un homme de faire des remarques obscènes ou d’envoyer des textos osés, et encore moins d’avoir la main baladeuse. « Si une femme s’habille délibérément sexy parce qu’elle a une nature flamboyante ou qu’elle veut obtenir quelque chose, elle court le risque que quelqu’un commette une erreur d’interprétation », déclare Slabbinck. « Mais cela ne signifie certainement pas que c’est de sa faute si on agit contre sa volonté. »

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