Melchior Wathelet (cdH). © Belga

Melchior Wathelet ou l’itinéraire d’un enfant gâté

A 37 ans, l’ex-ministre de l’Intérieur tire sa révérence politique, après une carrière éclair de douze ans, et devient CEO de Xperthis Group S.A et de Xperthis S.A. Le dossier du survol de Bruxelles et le lâchage dont il a fait l’objet resteront des taches sur un cv jusque-là impeccable. Retour sur le parcours presque sans faute d’un brillant élu.

Melchior Wathelet vient d’annoncer qu’il devient CEO de Xperthis Group S.A et de Xperthis S.A., un groupe qui offre des solutions informatiques pour les hôpitaux et emploie 220 personnes. L’ex-secrétaire d’Etat et actuel député fédéral cdH Melchior Wathelet deviendra officiellement administrateur délégué le 1er juin, mais rejoindra l’entreprise dès la semaine prochaine.

« Aujourd’hui, je clôture un chapitre important et intense de ma carrière », a-t-il indiqué dans un communiqué de cette entreprise. « Je remercie tous ceux qui m’ont accordé leur confiance. Je pense en particulier aux personnes avec lesquelles j’ai collaboré avec plaisir, aux membres de mes différents cabinets, à Benoit Lutgen (le président du cdH, ndlr) à qui je souhaite plein de succès, et bien entendu, à tous les électeurs sans lesquels tout ceci n’aurait pas été possible. »

« Ce nouveau défi constitue une opportunité de mettre mon expérience au service d’une entreprise, de ses collaborateurs et de ses clients. Plus que jamais, le monde politique et celui des entreprises ont besoin de collaboration et de compréhension mutuelle. Et cela est uniquement possible en améliorant la mobilité entre les entrepreneurs et les hommes et femmes politiques. Après douze années d’expérience politique, il est temps pour moi de concrétiser cette mobilité », a-t-il poursuivi.

Melchior Wathelet quitte donc l’ensemble de ses mandats politiques, après une carrière fulgurante, partie en vrille aux premiers mois de 2014 sur le dossier du survol de Bruxelles. Jusque-là, tout avait réussi à ce gendre idéal souriant, centriste jusqu’au bout des poils de barbe et 7e à porter ces nom et prénom dans l’histoire familiale. Fils unique de Jeannine et de Melchior Wathelet père, ex-ministre PSC de la Justice, il voit le jour dans un milieu aisé, catholique et verviétois. De la politique, le fiston en déguste à tous les repas. Il jure d’ailleurs de ne jamais en faire.

En secondaire, sur un pari perdu, il se retrouve parachuté pour un an en Flandre, dans une école de Bilzen. Il en sort bilingue, et réussit son année. A 18 ans, il choisit d’étudier le droit. Comme Papa, qui jure n’avoir pas fait pression. Il sort de l’UCL avec une grande distinction. Direction : Southampton, en Grande-Bretagne, où il étudie le droit européen et l’anglais. Le voilà trilingue. Après un stage à la Commission européenne, il entre, en 2002, dans le cabinet d’avocats liégeois Matray.

A la recherche de jeunes recrues, Joëlle Milquet, présidente du CDH, lui propose d’intégrer la liste à Liège peu avant les élections de 2003. Elu député fédéral à 25 ans, il est chef de groupe un an plus tard. C’est un vrai centriste, animé par le sens de l’intérêt collectif. Vice-président du CDH dès 2004, il seconde habilement Joëlle Milquet lors des négociations fédérales de 2007, 2009 et 2011. Dans les discussions, avec son côté premier de classe, il peut se montrer ferme, mais toujours courtois. Rien ne le déstabilise. Ou il ne le montre pas. Il se charge des dossiers que Milquet n’aime guère, comme les transports ou le budget. Il la vouvoie, elle le tutoie. On le dit plus à droite, ce qu’il nie, elle se dit plus à gauche. Bref, ils sont complémentaires.

Melchior Wathelet grimpe, et vite. Il entre au gouvernement Leterme comme secrétaire d’Etat au Budget et à la Politique des familles en 2008. Jean Hilgers, directeur à la Banque nationale de Belgique, et Jean-Jacques Viseur, ex-ministre des Finances CDH, le mettent au parfum. Plus c’est difficile, plus il est motivé : il aime réussir. Il lui manque un côté mordant. Il obtient un peu plus tard la Politique d’asile et de migration puis, dans le gouvernement Di Rupo, un secrétariat d’Etat aux Réformes institutionnelles, à l’Energie, à l’Environnement et à la Mobilité. Un secrétariat d’Etat seulement, pense-t-il, un brin dépité.

Mais l’homme est pragmatique, il comprend vite et retient tout : comme son père, qui porte sur lui un regard protecteur très fort, il ne supporte pas d’être pris en défaut. Il prend à bras le corps des dossiers dont personne ne veut – les réformes institutionnelles, par exemple – et en sort avec les honneurs. Il assiste souvent au kern (conseil ministériel restreint), la petite cour des grands. Dans tous les partis, on dit du bien de lui, y compris du côté flamand.

« Melchior n’a pas d’ennemis et c’est bien là son problème », murmure un centriste. C’est qu’il déteste les conflits. « D’une manière générale, il y a chez lui une grande naïveté politique, souligne un de ses proches: il croit en l’autre par principe. »

Sa garde rapprochée au cabinet, jugée trop complaisante, a été montrée du doigt pour ne pas lui avoir signifié qu’il faisait fausse route dans le dossier du survol. Chargé de mettre en application le plan de répartition des vols au-dessus de Bruxelles, dans le gouvernement précédent, Melchior Wathelet s’exécute donc. Confiant dans les experts, il ne voit pas venir le tsunami. En février 2014, à trois mois des élections, il se met ainsi à dos des milliers de citoyens de la capitale. Mais aussi le CDH bruxellois dont la campagne tourne au cauchemar, et le CDH tout court, qui tente de sauver les meubles. Les autres partis, en revanche, se frottent les mains. Lui, loyal, têtu, maintient sa feuille de route. Il ne s’excuse pas et ne voit pas pourquoi il devrait le faire.

Lâché publiquement par Milquet le soir des élections de juin dernier, vilipendé par les centristes bruxellois qui réclament sa tête, mais élu avec 4 000 voix de plus qu’au précédent scrutin, Wathelet encaisse mal le choc. « Tu ne m’as pas appris à être assez crapuleux », lance-t-il à son père. Il ne cache pas que la politique ne l’intéresse plus s’il doit lui sacrifier ses valeurs essentielles.

Le voilà qui joint le geste à la parole.

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine :

– « Le plan Wathelet aura coûté près de 2 millions d’euros »

– Ses liens avec les autres politiques

– L’analyse de sa carrière par ses proches et ses rivaux

– La révolution dans sa vie privée

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