Médecins : pénurie ou pas pénurie ?

Avec le dépôt de son projet de décret organisant un filtre aux études de médecine après le 1er BAC et son probable entérinement avant l’été par le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Jean-Claude Marcourt, ministre de l’Enseignement supérieur, met apparemment fin à un triste feuilleton qui dure depuis plus de 15 ans.

Un soap opéra qui a vu passer le filtre après la 3e année de médecine, le moratoire et le drame des reçus-collés, ces étudiants en réussite, mais privés de numéros Inami pour exercer. Durant ces temps amers, on mit l’imagination au pouvoir pour ne rien décider. Pas vraiment de la mal-gouvernance, plutôt pas de gouvernance du tout. Du pain bénit pour les nationalistes flamands, toujours enclins à dénoncer l’incurie francophone.

Cette approche « compassionnelle » du dossier du contingentement des médecins confirme l’existence de deux démocraties dans notre pays. Le sud, une fois n’est pas coutume « libéral », est favorable à des études universitaires ouvertes à tout vent qui donnent, en apparence, une chance à chacun de se frotter à l’université quitte à changer d’orientation ensuite. Elle permet de ne pas s’aliéner notre belle jeunesse. Les politiques flamands ont d’autant moins d’états d’âme que leur désir de planification est soutenu depuis toujours par les étudiants flamands ! C’est ainsi que le nord du pays, plus collectiviste pour cette fois, ne jure que par les quotas de médecins, obsédé par une Wallonie prétendument sur-consommatrice de soins et irresponsable par atavisme.

Pour preuve de ce fossé nord-sud : ce qu’on nous présente comme un épilogue n’est que le reflet d’un « deal » de marchands de tapis entre deux poids lourds de la politique, le Wallon Jean-Claude Marcourt et la Flamande Maggie De Block : tu me donnes un cadastre dynamique des médecins en activité et un numéro Inami pour tous contre un filtre aux études de médecine.

Mais personne n’est dupe : les deux Régions du pays restent sur leurs positions. Le donnant-donnant n’a pas levé la polémique pléthore/pénurie. La ministre De Block, prudente, appelle à ne tirer aucune conclusion du cadastre « dynamique provisoire » présenté la semaine dernière. Les parlementaires ont été avertis qu’il s’agit avant tout d’un document technique qui permettra de déterminer les quotas après 2022.

Jean-Claude Marcourt laisse entendre que la mise en place d’un filtre à l’issue du 1er BAC lui a été extirpée en échange desdits numéros Inami. L’idée ne lui plaît guère : si on importe des centaines de médecins roumains, c’est donc bien qu’une pénurie se profile. Le contingentement, contraire à sa philosophie d’ailleurs, est donc anachronique.

A contre-courant, le principal syndicat de médecins, la très Belgicaine ABSyM, estime qu’aucune pénurie n’est en vue. Pas de raison de paniquer : avec 35.000 médecins actifs (c’est-à-dire qui sont remboursés par l’Inami), 12.000 médecins généralistes en activité et pas moins de 5.000 médecins en formation, la Belgique dispose d’un matelas suffisamment rembourré pour affronter l’hiver.

Justement : faut-il évoquer la Cigale et la Fourmi en se demandant si la Wallonie tient toujours le rôle de la cigale, rappelée à l’ordre par une fourmi flamande laborieuse lui reprochant d’avoir chanté tout l’été ou bien le Lièvre et la Tortue (rien ne sert de courir il faut partir à point) ?

Les mois qui viennent nous le diront. Le FDF, en écho à la N-VA, parle du retour du bras de fer communautaire et exige déjà un cadastre francophone… Le numerus clausus connaîtra-t-il un jour son épilogue ?

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