Nicolas De Decker

Magnette: le génie et ceux qui y croient

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

On dit que Paul Magnette est un génie, qu’il regarde ce que les autres ne voient pas, qu’il comprend ce que personne n’avise, que les lumières de son intuition foudroient les faits, et puis que sa pensée terrasse les plus puissants contradicteurs.

On dit que Paul Magnette est un génie, qu’il regarde ce que les autres ne voient pas, qu’il comprend ce que personne n’avise, que les lumières de son intuition foudroient les faits, et puis que sa pensée terrasse les plus puissants contradicteurs. C’est pour sûr un dur métier que celui de génie, surtout quand on est incompris, mais sauf quand vous êtes Paul Magnette, et que vous parlez si bien qu’on n’a pas encore compris que vous n’aviez pas encore montré que vous en étiez un, en tout cas pas ces trois dernières semaines qu’un décret royal vous a installé informateur, et que cette incompréhension est même en fait la condition de votre réussite.

Parce qu’il a tellement l’air d’être un génie, Paul Magnette, qu’une citation de Martin Luther King après une de Churchill et une de Lao-Tseu, de celles que votre Tantine partage sur Facebook et que vous n’osez pas liker, le fait paraître pour un temple d’érudition. Il a tant l’assurance du génie sûr de lui, Paul Magnette, que quand il dit qu’il avait seulement deux ou trois chances sur dix de réussir sa mission d’information, tout le monde croit que c’est vrai, qu’il est sincère, qu’il a tout à perdre et qu’il a beaucoup de courage : il n’avait rien d’autre à perdre que rien du tout puisqu’il disait lui-même qu’il partait perdant mais personne n’a tiqué puisque c’était un génie.

Il a tellement l’assurance d’être vu comme un génie que quand il dit à l’automne qu’il va changer de méthode pour arriver à un objectif secret que tout le monde connaît (une coalition sans nationalistes flamands), tout le monde raconte qu’il est génial d’y avoir pensé, alors que quand Didier Reynders et Johan Vande Lanotte avaient dit à l’été qu’ils allaient changer de méthode pour arriver à un objectif pas secret du tout (une coalition avec les nationalistes flamands), personne ne l’avait remarqué.

Il est tellement sûr que son génie soit compris qu’un jour, il dit que son rapport final n’abordera que six thématiques consensuelles, que la santé n’y est pas et qu’il dit que les questions institutionnelles seront intégrées à chacune des six thématiques, et qu’une semaine après, il dit que son rapport final n’abordera que huit thématiques consensuelles, dont la santé, et qu’il dit que les questions institutionnelles seront une thématique propre, et que personne n’a compris qu’il a changé de méthode mais pas d’objectif.

Il est si à l’aise avec son génie qu’un jour, il dit qu’il n’y a plus que neuf partis qui sont prêts à le suivre et qu’en fait il n’a pas compris qu’il y en avait toujours dix, que c’était DéFi, et qu’il s’est excusé auprès d’eux pour n’avoir pas compris mais que personne ne l’a remarqué.

Il est si tranquille quant à la réception de son génie qu’il se prépare à vendre cet éventuel arc-en-ciel comme une victoire historique de la gauche wallonne, alors que si cet arc-en-ciel s’installe, le prix qu’il devra payer à la droite non séparatiste flamande sera si élevé qu’il devra passer cinq ans à vendre cet éventuel arc-en-ciel comme une victoire historique de la gauche wallonne et que ça lui coûtera cher.

Mais on n’a jamais peur de rien quand on est un génie, qu’on le pense, et qu’on sait que les autres le pensent. Parce que si c’est pour sûr un dur métier que celui de génie, surtout quand on est incompris, c’est beaucoup plus facile de se tromper quand vous avez compris que les autres vous prenaient pour un génie. Et de les tromper aussi.

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