© Sigfrid Eggers

Maggie De Block : « on peut encore faire beaucoup de choses dans une chaise roulante »

Maggie De Block veut remettre les malades de longue durée au travail. Dans une longue interview accordée au Knack, elle revient aussi sur le désamour des médecins et l’accord autour du Soliris.

Lorsqu’elle était Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration, des gens la suppliaient pour que des émigrés bien intégrés puissent rester en Belgique. Maintenant en tant que ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, elle subit des pressions pour que soient remboursés des médicaments hors de prix pour soigner des enfants malades. Mais dans un cas comme dans l’autre, la ministre ne se laisse pas guider par ses émotions. « Si je prenais les décisions ad hoc, cela causerait la ruine de la sécurité sociale » dit-elle. Extraits d’une longue interview avec Knack.

« Je travaille encore de la même façon que lorsque j’étais médecin » dit Maggie De Block lorsqu’elle nous reçoit chez elle dans sa maison de Merktem. « Lorsque vient un patient, on commence par une anamnèse : on essaye de déterminer quel est précisément le problème. Ce n’est que lorsqu’on sait ce qu’il y a que l’on pose un diagnostic et que l’on prescrit un traitement. C’est encore ce que je fais aujourd’hui.

Dans une tentative pour diminuer la pression sur la sécurité sociale, la ministre avait dégainé avant les fêtes une proposition qui avait fait quelques remous. Si cette idée est momentanément abandonnée à la demande des partenaires sociaux, elle n’est pas totalement reléguée aux oubliettes. En effet il est toujours possible que les malades de longue durée qui refusent de travailler écopent de sanctions. Maggie De Block compte bien aborder à nouveau le sujet :  » dans les prochains mois nous allons discuter avec les partenaires sociaux d’éventuelles sanctions ou des bonus -ce qui est bien entendu aussi possible. » Elle insiste sur le fait que les entreprises seront placées devant leurs responsabilités.  » Nous devons clairement leur faire comprendre que beaucoup trop de savoir-faire est perdu de cette façon. Par exemple on ne trouve pas assez de mains-d’oeuvre dans le bâtiment, alors que beaucoup d’ouvriers expérimentés avec un dos cassé pourraient former des jeunes. »

Il est évident pour la ministre que des choses doivent changer.  » Notre sécurité sociale ne peut continuer à tout supporter. Selon De Block  » si le nombre de malades longue durée continue à grimper de cette façon, ils vont nous coûter 8 milliards d’ici 2018. C’est donc maintenant qu’il faut agir. » Cela ne veut pas forcément dire qu’elle veut obliger les gens gravement malades, ou qui sont depuis très longtemps chez eux, à travailler. Elle souhaite plutôt se concentrer sur les personnes qui sont malades depuis peu et qui pourraient encore travailler si leurs tâches sont adaptées. « Si quelqu’un est dans une chaise roulante, il ne peut plus marcher, mais il peut encore faire beaucoup de choses. Et beaucoup de gens le souhaitent vraiment. Il est ressorti il y a peu d’une étude réalisée par la plateforme flamande des patients que 4 malades longue durée sur cinq aimeraient reprendre le travail. Pas seulement pour des raisons financières, mais aussi parce que le contact social avec leurs collègues leur manquait, qu’ils souhaitaient être occupé et participer à la société. C’est donc positif si on veut les aider à le faire non ? ».

Maggie De Block :
© Sigfrid Eggers

Vous semblez avoir déçu des médecins si l’on en croit les suffrages d’une enquête du journal des médecins…

Oui, c’est vrai, un médecin sur trois n’est pas content de mon travail. Mais leur attente était haute quand j’ai pris mes fonctions. Ce qui me préoccupe en premier ce sont les patients. Que le médecin joue un rôle central dans ce bien-être me paraît évident puisqu’il est la mémoire médicale du patient. Une mémoire précieuse lorsqu’il s’agit de soigner au mieux. C’est pour cela aussi que je suis pour que chaque individu se choisisse un médecin auquel il reste fidèle. Les médecins sont donc très importants, mais ils ne sont pas les seuls et je ne peux bien sûr réformer les soins de santé uniquement en leur faveur. Et comme je l’ai déjà souvent dit, je fais un job de rêve, mais sans en avoir le budget.

Vous ne devez pas seulement négocier avec les médecins, mais aussi le secteur pharmaceutique. Par exemple vous avez trouvé un accord avec la firme Alexion. Un accord grâce auquel le très discuté Soliris est aussi remboursé.

Ha ! Ça, c’est mon plus beau cadeau de Noël. Cela faisait un an que nous travaillions sur le dossier. Cela concerne pour l’instant qu’une vingtaine de patient, mais chaque personne compte. Si on ne révèle rien sur les conditions de cet accord, c’est pour préserver la position concurrentielle de la firme. Il ne faut pas chercher à y voir plus que cela. Lorsqu’une histoire surgit dans les médias, il y a toujours une déferlante de réactions de gens qui au fond ne connaissent rien au dossier. À moi, on me demande de résoudre le dossier. Dans ce genre d’affaires, j’ai beaucoup appris de mon expérience en tant que Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration. En tant que représentant du gouvernement, on ne peut se laisser dominer par les émotions. Je n’en veux à personne de révéler leur histoire aux médias. Dans certains cas, surtout lorsqu’il s’agit d’un enfant malade, il est difficile d’être rationnel, mais moi je dois le rester. D’autant plus qu’avec les avances technologiques ces traitements au cas par cas risquent de se développer. Personne n’a plus la même maladie et l’on se dirige vers une médecine de plus en plus sur mesure. En tout cas, il est primordial de continuer à déployer les ressources d’une manière scientifique sous peine de faire exploser notre sécurité sociale.

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