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« Ma nuit avec Olivier » : Plongée dans la soirée électorale d’Olivier Maingain

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Même s’il a réussi à percer dans quelques communes wallonnes, DéFI n’a pas remporté la victoire espérée au scrutin communal du 14 octobre. Le Vif/L’Express a suivi son président, Olivier Maingain, tout au long de sa soirée électorale pour quelques heures au coeur du pouvoir à la belge, entre sandwichs mous et grand troc politique.

Derrière le bureau de bourgmestre d’Olivier Maingain, il y a des statuettes africaines en bois précieux et une plaque en verre de la Fête du peuple fouronnais, édition 2008. Les grands stores sont baissés sur les grandes fenêtres en demi-cercle mais il fait quand même très chaud. Il y a son épouse, aussi, qui le suit toujours dans les soirées électorales, parce qu’une fois elle est restée chez elle mais que comme il était toujours au téléphone elle ne parvenait pas à le joindre, ne pouvait rien savoir, et ça l’énervait trop.

Entre boissons gazeuses et sandwichs mous, la longue attente.
Entre boissons gazeuses et sandwichs mous, la longue attente.© NICOLAS DE DECKER

Et puis, il y a une candidate de sa Liste du bourgmestre, plusieurs collaborateurs, une secrétaire, et une télévision allumée sur la RTBF, où François de Brigode entame son zézayant marathon.  » Cette élection renforce la stature de Benoît Lutgen « , dit le journaliste préféré des francophones sans être contredit vers 17 h 45, et le sourcil gauche d’Olivier Maingain se relève très fort pendant qu’il se pince les lèvres.

A la RTBF, pour le débat des présidents. Il y croisera, notamment, Laurette Onkelinx.
A la RTBF, pour le débat des présidents. Il y croisera, notamment, Laurette Onkelinx.© NICOLAS DE DECKER

Les résultats de DéFI ne sont pas mauvais en province de Namur, alors son épouse dit que la Wallonie fait mieux que Bruxelles, et le président lui dit  » attends, Hélène, attends !  » en serrant les dents, on voit bien qu’il est d’accord avec elle mais que cette histoire ne lui plaît déjà pas. Quand son téléphone sonne il regarde si on écoute, et quand il pense qu’on n’écoute pas il dit :  » Ah, si le CDH n’y va pas avec le MR, alors, très bien, feu vert !  » ou  » Ton avis, c’est quoi ? Tu penses pouvoir y aller ? Alors très bien, vas-y, feu vert ! « , mais quand il raccroche et qu’on lui demande avec quelle commune il parlait, il plisse les yeux et il fait avec sa bouche en cul de poule un bruit mouillé qui ne veut rien dire. Il dit quand même en dodelinant que  » oui, bon, Boitsfort c’est mauvais « , et son épouse répond qu’il y a les listes où les gens s’entendent et les gens ne s’entendent pas, juste après avoir donné à son mari les cahiers de résultats qu’il réclamait pendant qu’il dodelinait. Puis son smartphone vibre dans sa main, il se lève, il décroche, il dit  » oui Martine  » avec un air grave, et il va dans la petite pièce à l’arrière de son bureau parler avec Martine Payfa. Mais il est 18 h 25, et le témoin de son parti dans son bureau de dépouillement entre par l’avant de son bureau avec les premiers résultats de Woluwe-Saint-Lambert, et dit que sa Liste du bourgmestre fait 58 %. Tout le monde fait  » Ouais ! « , mais Olivier Maingain, coincé dans sa kitchenette, n’a pas entendu, alors son épouse lui crie de venir, et va vers la kitchenette, mais il entrouvre la porte qui le sépare de son bureau et crie  » Je suis en ligne-e ! « . Puis il revient s’asseoir, dit que  » non, Ixelles, c’est mauvais « , qu’une campagne communale c’est un travail de tous les jours, que ce sont toujours les élections les plus difficiles, qu’elles ne se gagnent pas en quelques semaines, et que peu de monde progressait autant que lui à Bruxelles. Puis la secrétaire ouvre une bouteille de vin rouge, elle dit que c’est un mauvais château migraine, et Olivier Maingain, qui a faim, envoie un camarade acheter des frites. Il est 19 h 45 et il ne pourra pas être à RTL-TVi à 20 heures ni même à 21 heures, parce que le dépouillement n’est pas fini, à Woluwe-Saint-Lambert, que dans le hall de l’hôtel de ville, tous les nouveaux élus et presque tous les candidats sont là, à attendre la proclamation des résultats, et que les frites n’arriveront qu’à 20 h 35. A 20 h 55 le dépouillement est terminé. Dans la salle du conseil il y a des enfants blonds, des pulls noués sur les épaules, et l’épouse d’Olivier Maingain est la première à scander  » on a gagné  » en tapant dans les mains. Puis le président du bureau proclame les résultats des élections, il y a beaucoup de Charles, de Pierre-Alexandre, de Delphine et de Xavier qui sont élus et qui s’applaudissent, Olivier Maingain met une claque à son échevin des sports, caresse l’épaule de son épouse, répond à BX1, sort de son hôtel de ville en soufflant.  » Mais où est Henri ?  » Il est 21 h 45 et il cherche son chauffeur, Henri, qui doit le conduire à la RTBF. Mais Olivier Maingain commence à s’énerver un peu.

A la RTBF, pour le débat des présidents.
A la RTBF, pour le débat des présidents.© NICOLAS DE DECKER

Dans la voiture, il raccroche au nez d’un de ses chefs de file, et dit que ce n’est pas le moment de raconter sa vie au téléphone, ce qu’il peut être long, celui-là alors. A la RTBF, il y a un buffet, une hôtesse, un administrateur général et un directeur de l’information qui accueillent les invités. Il y a Zakia Khattabi qui téléphone dans un coin puis dans un autre avec sa main sur sa bouche pour ne pas qu’on lise sur ses lèvres, comme les joueurs et les entraîneurs pendant la Coupe du monde. Il y a Laurette Onkelinx qui arrive à la place d’Elio Di Rupo qui n’a pas voulu venir. Il y a Benoît Lutgen qui arrive juste après Joëlle Milquet. Et il y a Rudi Vervoort qui tape sur l’épaule de Benoît Lutgen.  » Han, Rudi, ça va ?  » lui demande Lutgen.  » Bien, et toi, fils ?  » lui répond Vervoort.  » Ça va « , dit Benoît Lutgen qui doit entrer dans le studio pour le débat des présidents. Il est à côté d’Olivier Maingain qui est encore énervé mais ça ne se voit pas, parce qu’en débat c’est le meilleur, même quand François de Brigode lui apprend qu’un peu plus tôt à la même place, Bernard Clerfayt avait dit que la tentative d’Olivier Maingain d’implanter son parti en Wallonie était un échec.  » Je ne m’attendais pas à moins de Clerfayt « , il nous dira, après. Mais longtemps après, parce qu’à la fin des quarante minutes de débat des présidents, Benoît Lutgen est parti en vitesse, mais Zakia Khattabi, Laurette Onkelinx et Olivier Maingain sont restés longtemps à s’éloigner pour téléphoner, puis à se rapprocher pour chuchoter, puis à s’asseoir pour grommeler, puis à mettre sa main devant sa bouche pour engueuler son correspondant, mais on a tout de même entendu qu’Olivier Maingain lui disait que non, une campagne communale ça ne se gagnait pas en un mois et que les communales étaient les élections les plus difficiles pendant que Laurette Onkelinx s’accroupissait pour murmurer à l’oreille de Zakia Khattabi, qui s’était assise aussi et qui gardait la main devant sa bouche.

A la RTBF, pour le débat des présidents.
A la RTBF, pour le débat des présidents.© NICOLAS DE DECKER

Puis il est venu nous dire tout rigolard que Damien Thiéry n’avait plus la majorité à Linkebeek, mais il a dû repartir dans le coin des trois présidents parce que Laurette Onkelinx, tout en étant au téléphone, était venue le chercher en le tirant par le creux du bras. Puis la RTBF a rendu l’antenne, François de Brigode a demandé au porte-parole d’Ecolo comment ça se faisait qu’il était encore sobre à cette heure-ci après une victoire pareille, et Olivier Maingain nous a dit qu’il ne fallait pas se mentir, que c’était Zakia Khattabi qui avait le plus de cartes en main ce soir. Il n’était pas encore minuit, son épouse a demandé si on allait faire dodo, alors il a répondu que pas du tout, qu’il fallait aller au siège du parti analyser les résultats et que c’était maintenant que les coalitions se décidaient. Puis, dans la voiture, il a dit que tous les chefs de file de toutes les communes devaient rester éveillés toute la nuit et être prêts à aller signer des accords.

Après le débat ertébéen, Benoît Lutgen est parti en vitesse. Maingain, lui, est resté. Longtemps.
Après le débat ertébéen, Benoît Lutgen est parti en vitesse. Maingain, lui, est resté. Longtemps.© NICOLAS DE DECKER

Il a ouvert l’énorme porte cochère avec son propre jeu de clés, chaussée de Charleroi, au siège du parti. Au premier étage, il y a son chef de cabinet, sa secrétaire, un candidat boitsfortois qui fait du design du bois, voici ma carte, n’hésitez pas à aller jeter un oeil, le président du centre d’études et quelques autres camarades et bien sûr son épouse. Il fait très chaud et il reste quelques sandwichs mous au saumon fumé et des crackers, et tout le monde se tait et transpire quand Olivier Maingain téléphone parce que les élections sont quand même un peu perdues, là. Mais c’est ici que tout se décide, et BX1 lui apprend qu’alors qu’à Forest une coalition MR-Ecolo-CDH était annoncée, le PS, le MR et DéFI s’étaient finalement arrangés entre eux. Olivier Maingain appelle son échevin là-bas et lui dit bravo, que c’est bien joué, qu’il le félicite et qu’il a bien manoeuvré. Puis il raccroche, répond à un appel, dit  » oui, Zakia ? « , raccroche quinze secondes après et s’énerve parce qu’Ecolo se venge de Forest en revenant sur un accord tout frais à Anderlecht entre PS et Ecolo et DéFI. Alors il appelle son chef de file à Anderlecht. Il somnolait, ce qui l’énerve beaucoup. Il lui dit de se lever et d’aller physiquement là où il faut aller et de ne pas en sortir tant qu’il n’a pas la signature du pacte de coalition. Il fait encore plus chaud et il ne reste presque plus personne après une heure du matin : son chef de cabinet, un bénévole qui s’en va en demandant s’il peut revenir demain, et bien sûr son épouse, qui avait trouvé des sandwichs mous encore frais dans un frigo. Alors Olivier Maingain va se faire imprimer tous les résultats dans le bureau de son chef de cabinet, qui est trop petit pour qu’on y entre. Mais on entend quand même qu’au téléphone il hausse la voix pour dire qu’à tout le parti il va rappeler qu’une campagne communale ça ne se gagnait pas en une semaine, que ce sont les élections les plus difficiles, qu’il n’y avait pas beaucoup de bourgmestres qui sortaient de ce dimanche avec une aussi grosse majorité absolue que la sienne, et que quand il a raccroché son correspondant a dû avoir encore plus chaud que les sandwichs mous au saumon fumé.

Au siège du parti où il martèle - à nouveau - qu'
Au siège du parti où il martèle – à nouveau – qu' » une campagne, ça ne se gagne pas en une semaine ! « © NICOLAS DE DECKER

Et à 2 heures du matin il s’est décidé à rentrer faire dodo, parce qu’à 6 h 45 il devait retourner à la RTBF, qu’on verrait bien comment se joueraient Forest et Anderlecht et qu’il réglerait ça depuis la maison s’il le fallait. Son épouse, en descendant le grand escalier, lui demande si, Olivier, on va décaper ici ? Olivier Maingain dit que oui, oui, et monte dans sa voiture pour rentrer se coucher.

Enfin, se coucher : lundi matin, DéFI n’était plus dans la majorité de Forest, mais était encore dans celle d’Anderlecht. Quelqu’un avait dû rester éveillé.

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