Etienne Dujardin

Lorsque le MRAX affaiblit la démocratie

Etienne Dujardin Juriste et élu conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre

Le week-end dernier, des dirigeants du MRAX ont cosigné une carte blanche dans les colonnes du Soir pour plaider la cause d’Ali Aarrass condamné au Maroc pour terrorisme.

Cosignent également cette tribune : les députés Ikazban et Genot, soit les mêmes députés qui plaidaient, il y a quelques années, la cause d’Oussama Atar, aujourd’hui cerveau présumé des attentats de Bruxelles, avec d’ailleurs certains arguments similaires.

L’appel des signataires dénonce la pratique de la torture, ce que nous ne pouvons évidemment qu’appuyer et soutenir. Par contre, les signataires – dont le MRAX – dénoncent un soi-disant racisme d’État et cela, nous ne pouvons l’accepter. D’une part, c’est totalement faux : les plus hautes autorités belges respectent scrupuleusement la Convention de La Haye et les règles liées à la double nationalité. De plus, la Belgique prend des initiatives : des visites consulaires ont été organisées, des contacts avec la famille et les autorités marocaines ont été pris. Il serait bon de rappeler qu’Ali Aarrass a été suivi par les services de renseignements depuis les années 2000 pour des faits liés au terrorisme. La prudence s’impose donc dans ce dossier surtout dans le contexte actuel. Militer pour la fin de la torture est un combat juste, mais incompatible avec le fait de salir gratuitement l’État belge et ses autorités.

Mais il y a plus grave, à savoir que les dirigeants du MRAX ne voient aucun inconvénient de mêler leurs signatures à celle de Nordine Saïdi, exclu par le même MRAX en 2009 pour des propos « glissant vers l’antisémitisme et le négationnisme« . À l’époque, Monsieur Saïdi était jugé infréquentable… Sept ans plus tard, la situation semble avoir changé. On pourrait également citer d’autres signatures sulfureuses, notamment celle du « parti des indigènes de la république  » dont le discours haineux est dans le collimateur, en France, du délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, Gilles Clavreul, proche de Manuel Valls.

L’incident n’est pas isolé. En octobre 2015, dans le cadre d’une manifestation de soutien à Monsieur Ali Aarrass, le directeur du MRAX, Vincent Cornil, ose déclarer ceci : « C’est vraiment une situation de contact direct avec le racisme d’État dont on parle comme un concept ou alors on le voit à travers les violences policières.  » Il poursuit : « Cela excède et cela pousse à réfléchir à d’autres actions puisque les seules actions légales (envoi de courrier et jouer le jeu démocratique de l’État de droit…) sont tout à fait inutiles, qu’est-ce qu’il reste ? Voilà, il faut y réfléchir, il faut y penser et après il ne faudra pas venir se poser des questions sur pourquoi des actions plus radicales doivent être menées (….) « . Nous voilà donc avec le directeur d’une association subsidiée par de l’argent public qui propose de mener des actions plus radicales que celles possibles dans le cadre de l’État de droit. Ces propos sont affligeants et extrêmement inquiétants en démocratie. Je ne vois pas comment justifier des subsides à une association prônant ce genre d' »actions plus radicales« .

L’histoire n’est pas neuve, le MRAX a une vie plus qu’agitée. Plusieurs anciens membres ou dirigeants du MRAX ont déjà exprimé, par le passé, toute la tristesse qu’ils ressentaient en voyant l’évolution de cette ASBL. On pense à son ancien président, Placide Kalisa, qui avait démissionné à l’époque, car il dénonçait une gestion totalement chaotique et des indignations sélectives du MRAX, cette dernière n’élevant selon lui que trop rarement la voix contre l’antisémitisme. Le MRAX a connu une triste perte de crédibilité depuis plus de 10 ans. Un ancien dirigeant du MRAX, Radouane Bouhlal, militait par exemple ouvertement pour développer les accommodements raisonnables et parlait de sa propre association, avant d’en prendre le contrôle, comme : « d’une clique d’universitaires blancs, athées et de gauche, un beau musée très bien subventionné« . Il a été prié de quitter l’institution suite à différents problèmes de gestion et d’orientation de son projet.

La philosophie du MRAX, au lieu de rassembler, exclut et aboutit à la création de réels ghettos où le vivre ensemble n’existe plus.

Il y a un mois, le MRAX annonçait vouloir instaurer plus d’indépendance en son sein, notamment par rapport à la sphère politique, et assurer plus de pluralisme, ce qui serait en effet fort utile. Le but ne semble cependant pas atteint à ce jour. D’ailleurs, dès le lendemain de cette belle annonce, Ahmed Mouhssin (Ecolo), conseiller communal à Saint-Josse et membre du MRAX, dénonçait dans la presse un favoritisme pro-PS au sein de l’institution.

Une partie des subsides du MRAX a déjà baissé dans le passé au vu de sa gestion et on ne peut pas dire que les polémiques à répétition servent à redorer le blason de l’ASBL et la mission qu’elle porte. En parlant de « racisme d’État » ou « de violence policière », en faisant preuve d’indignations sélectives, l’institution ne sert pas le message universel qu’elle prétend défendre. Le MRAX et les autorités politiques qui les subsidient doivent remettre les choses à plat. Les excès constatés au sein de l’ASBL, depuis des années et aujourd’hui encore, affaiblissent la démocratie au lieu de la renforcer. On ne peut pas s’autoproclamer les défenseurs du vivre ensemble tout en insinuant que l’État est raciste et que des actions plus radicales que celles menées dans un État de droit doivent être menées. La cause que défend le MRAX – à savoir : lutter contre toutes les formes de racisme et d’antisémitisme – est extrêmement importante, mais lorsqu’on soutient une cause si noble, on se doit d’être irréprochables.

La MRAX doit revenir à ses fondamentaux : ne plus faire du communautarisme comme l’ont déjà reproché divers anciens membres historiques, mais travailler à un programme qui prône le respect des valeurs universelles comme l’égalité homme-femme. Comme le signale le ministre socialiste, Jean-Marie le Guen : « Ce séparatisme est porté par une part de la gauche de la gauche, qu’on pourrait être tenté de qualifier – de manière polémique – d’islamo-gauchisme’. Pour des raisons compassionnelles, en ne voyant les personnes d’origine arabo-musulmane que comme des victimes et des opprimés, cette gauche (…) est prête à céder totalement au différentialisme culturel « .

Il faut cesser avec les théories de la victimisation, de l’excuse perpétuelle au refus de l’adoption de nos modes de vie par la défense des accommodements raisonnables… Cette philosophie, au lieu de rassembler, exclut et aboutit à la création de réels ghettos où le vivre ensemble n’existe plus. Il est impératif que le MRAX se ressaisisse, soit réellement pluraliste et n’affaiblisse pas la démocratie avec des propos totalement inappropriés.

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