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Logement à Bruxelles : un toit à tout prix

A moins d’un bon salaire ou d’un coup de pouce des parents, il devient de plus en plus difficile de se loger décemment à Bruxelles. Gauche et droite avancent leurs idées pour résoudre cette crise.

En Région bruxelloise, les loyers ont augmenté de près de 25 % depuis 1998. Entre 2000 et 2007, le prix des maisons a grimpé de 171,6 % ; les appartements, flats et autres studios, de 99,4 %. La présence à Bruxelles de nombreuses institutions internationales, dont la Commission européenne et l’Otan, explique en partie cette situation. Mais les revenus des Bruxellois ne suivent pas… Au contraire. Le nombre d’allocataires sociaux, de familles monoparentales et de bas salaires ne cesse d’y croître. Face au manque de place dans les logements sociaux, ces personnes éprouvent sans cesse plus de difficultés à se loger décemment.

Quant aux classes moyennes, elles fuient la capitale pour un logement au vert à un prix abordable. Pour tenter de résoudre cette crise du logement, le gouvernement bruxellois précédent avait misé sur la création de 5 000 logements en cinq ans (3 500 logements sociaux, 1 500 moyens), entre 2004 et 2009. Or seuls 211 logements sociaux sont sortis de terre durant cette période. L’Ecolo Christos Doulkeridis, successeur de Françoise Dupuis, admet que l’objectif de l’ancienne législature était un peu ambitieux… L’actuel gouvernement PS-CDH-Ecolo parle désormais en pourcentages : il mise sur 15 % de logements de qualité à gestion publique et à finalité sociale d’ici à 2019. On en serait actuellement à 10 %.

Pour tendre à ses objectifs, la Région bruxelloise a augmenté son budget logement de 13 % en 2011 (156 millions contre 138 millions en 2010). A quoi sera affecté cet argent ? Voici les principales pistes développées par l’olivier pour permettre à davantage de Bruxellois de se loger, couplées aux contre-arguments de l’opposition MR :

> Augmenter l’offre de logements sociaux.
Actuellement, 1 790 logements sociaux (sur 38 000) sont vides, car ils ne correspondent plus aux normes de salubrité. Cette situation entraîne un vide locatif et donc une perte de revenus pour les sociétés qui manquent dès lors d’argent pour les rénover. Ce cercle vicieux pénalise les candidats locataires. Et ils sont nombreux : près de 37 000 Bruxellois occupent les listes d’attente des logements sociaux… Une partie du programme de rénovation 2010-2013 (206 millions d’euros) servira à rénover ces habitations. « Si je veux intervenir dans le privé, via les primes à la rénovation ou les amendes sur les immeubles à l’abandon, je dois montrer l’exemple dans le public », souligne Christos Doulkeridis.

Pour l’opposition MR, il faudrait également supprimer l’octroi à vie d’un même logement social. Elle veut éviter qu’une dame de 80 ans occupe seule un appartement social de 3 chambres, acquis à vie cinquante ans plus tôt. L’opposition souhaiterait limiter les baux de ce type de logement à neuf ans renouvelables.

> Transformation des bureaux vides en logements.
En 2000, les trois derniers étages de l’ancien bâtiment RTT de la rue des Palais, à Schaerbeek, ont été convertis en logements de plus de 100 m2. Ils ont été vendus à des jeunes urbains et à des personnes plus âgées revenant vers la ville. Le week-end et en soirée, ces habitants disposent du jardin en intérieur d’îlot déserté par les employés.

Le budget 2011 inclut une enveloppe de 1,6 million pour favoriser ce genre de projet. La Région bruxelloise compte 1 million de mètres carrés de bureaux vides.

> Amélioration de l’accès à la propriété.
Pour favoriser l’accès à la propriété des personnes à faibles revenus, Christos Doulkeridis espère octroyer 1 000 prêts par an via le Fonds du logement, à des taux très bas. Mais ce système ne touche pas les classes moyennes, ce que critique le MR. « Franchement, sans l’aide de mes parents, jamais nous n’aurions pu acheter », commente Sophie, 28 ans, qui vient de s’installer à Saint-Gilles avec son compagnon enseignant.

L’Ecolo annonce par ailleurs le lancement d’un appel à projets pour la création d’un programme de « Community Land Trust« . Ce système permet d’acquérir un logement pour une certaine durée à un prix réduit, sans devenir propriétaire du terrain. Cette initiative est soutenue par Vincent De Wolf, député bruxellois MR ayant lui-même lancé cette mesure à Etterbeek, commune dont il est le bourgmestre. Le MR souhaite aussi rehausser les conditions d’accès au logement social pour permettre aux bas salaires d’y accéder et favoriser la mixité. Le MR veut encore offrir aux locataires la possibilité d’acquérir un logement public. « Les régies foncières devraient pouvoir vendre aux locataires à des prix plus bas que le marché, avec obligation d’investir l’argent de la vente dans les logements publics », ajoute Vincent De Wolf.

> Encadrement des loyers.
Cette mesure, déjà inscrite dans la prochaine réforme de l’Etat via la régionalisation du bail d’habitation, vise à ralentir la hausse effrénée des loyers qui pénalise surtout les petits revenus. « La majorité des locataires bruxellois (54 %) déboursent, pour pouvoir se loger, une somme équivalente à plus de 40 % de l’ensemble de leurs gains, explique Nicolas Bernard, professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis. Et cette situation va en s’aggravant. » Mais pour le professeur, si les objectifs de cette régulation sont louables, elle pourrait aussi aboutir à un désinvestissement du secteur locatif de la part des propriétaires et donc à un rétrécissement de l’offre. Fidèle à ses principes, le MR s’oppose à toute ingérence des pouvoirs publics dans la fixation du prix des loyers.

> Allocation loyer.
Vincent De Wolf soutient par contre un système d’ « allocation loyer », un complément de revenu accordé au locataire pour se loger. Cette mesure est actuellement en vigueur. « Mais il faudrait revoir les critères d’accessibilité, aujourd’hui très complexes et qui pénalisent les locataires dont les revenus sont juste au-dessus des normes », note le libéral. Pour le MR, cette allocation devrait être allouée au locataire sans que son propriétaire le sache, pour éviter les effets d’aubaine.

> Agences immobilières sociales. Elles gèrent des biens immobiliers pour le compte de propriétaires et sous-louent ces logements à un public qui dispose de revenus limités. Cette formule convient surtout aux personnes qui n’ont plus le temps ou l’énergie pour s’occuper d’une location et entretenir leur bien. Elles percevront toutefois des loyers inférieurs à ceux du marché. Il n’empêche que ce système permet de réduire le vide locatif dans le privé. Sur ce plan, gauche et droite sont sur la même longueur d’onde. Le MR propose même de limiter les droits de succession des héritiers d’un logement si ceux-ci s’engagent à céder leur bien à la gestion d’une agence immobilière sociale.

Une chose est sûre : les pouvoirs publics devront multiplier les initiatives pour loger les 200 000 nouveaux Bruxellois attendus d’ici à 2020, principalement dans les commune pauvres, tout en évitant la fuite des classes moyennes vers la province. Il en va de la viabilité de la Région.

ANNE-CÉCILE HUWART

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