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Lobbying éolien : le cas troublant de Messancy

Le cadre de référence éolien du gouvernement wallon favorise-t-il les intérêts des promoteurs de parcs ? Un futur habitant de Messancy en est persuadé. Il évoque un cas « troublant », cartes à l’appui. Décryptage.

Six éoliennes dans la campagne de Messancy, à la frontière luxembourgeoise. Ce projet de parc, développé par la société WindVision, se heurte à l’opposition des citoyens et du politique, y compris Ecolo. Une ASBL contestataire, l’Alliance des quatre vents, y a même vu le jour.

Notre enquête relative au lobbying éolien (Le Vif/L’Express du 10 mai), a suscité de nombreuses réactions. L’une d’entre elles, copieusement argumentée, vient tout droit de Messancy. Olivier Pettinger construit sa maison à 400 mètres du périmètre susceptible d’accueillir les mâts de WindVision. L’homme ne cache pas son côté Nimby (Not In My Backyard), phénomène qui ne cesse de gagner de l’ampleur. Les éoliennes, oui, mais pas ici.
Lorsqu’il apprend les intentions du développeur éolien en juin 2012, il décide de faire des recherches. Il tombe sur un document réalisé en 2010 par le Gapper, le Groupement d’acteurs provinciaux de planification des énergies renouvelables. Ce travail rigoureux détaille différents scénarios par rapport au potentiel éolien de la province de Luxembourg. Sur la base des contraintes relevées, celui-ci établit cinq cartes. Dans l’approche minimaliste, seul 1,1 % du territoire permet d’accueillir des éoliennes. Dans la maximaliste, ce taux grimpe à un plafond de 8,3 %.

Cette dernière approche définit notamment une zone favorable à Messancy (en bleu sur la carte n°1, ci-dessus). Or, quand WindVision débarque avec son projet éolien, Olivier Pettinger constate que trois des six éoliennes ne rentrent pas dans cette zone (les points rouges, sur la carte n°1). Il pense alors détenir un argument massue pour couler le projet, dès lors que celui-ci ne respecte pas les conditions établies par les scientifiques du Gapper.

Mais, en février dernier, la cartographie du cadre de référence éolien, présentée par le ministre Henry, est rendue publique. Surprise : cette nouvelle carte identifie une zone encore plus large. Elle englobe désormais avec précision les six éoliennes concernées (carte n°2). « La carte du ministre Henry est un calque, ajusté aux intérêts des promoteurs ! », en conclut l’intéressé.
Manipulation ou coïncidence ? La question est posée à Claude Feltz, qui habite à une poignée de kilomètres du projet de WindVision. Ce scientifique a identifié les « zones d’exclusion paysagère », dans lesquelles il est déconseillé d’implanter des éoliennes. Ses conclusions ont largement servi à confectionner l’étude du Gapper… et le cadre de référence éolien. Il balaie ces accusations de connivence. « Le fait de laisser croire qu’il y aurait une quelconque forme de manipulation derrière ces cartographies n’est pas correct. Le Gapper avait confié une partie de sa mission au bureau CSD. Il est logique que ce dernier n’ait pas décliné à l’identique les informations du Gapper. »

De son côté, le cabinet du ministre Henry se justifie en précisant que les objectifs de l’éolien ont été revus à la hausse depuis 2010. « Nous ne prendrions jamais le risque d’élargir une zone favorable en cédant à un promoteur. » Pourquoi, dans ce cas, le cadre de référence définit-il une zone qui épouse à la perfection la forme du projet de WindVision ? « Nos objectifs ont été adoptés fin 2011. Or les promoteurs éoliens ont les moyens de développer leur propre cartographie. Visiblement, WindVision est arrivé aux mêmes conclusions que nous à Messancy. »

Vu l’opposition de la section locale d’Ecolo, il est toutefois peu probable que ce projet aboutisse. « En général, le ministre prend en compte notre avis », commente Isabelle Toussaint-Servais, conseillère communale.

Christophe Leroy

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