IEB désapprouve l'idée que les recettes d'un péage servent à financer la réfection de tunnels. © BELGA

Les tunnels bruxellois, victimes des hésitations successives des ministres

Les ministres qui se sont succédé dans la gestion des Travaux publics n’ont jamais posé trop de problèmes face aux demandes de réparation urgentes et peu coûteuses dans les tunnels de la capitale. Ils ont par contre toujours « hésité » face à celles de rénovations en profondeur pour des raisons budgétaires et en raison des difficultés de gestion du trafic que ce type d’intervention engendre, a affirmé mercredi après-midi Jean-Claude Moureau, directeur général de Bruxelles Moblité de 1996 à 2013.

Entendu par les membres de la commission spéciale du parlement bruxellois chargée de se pencher sur le dossier de la gestion des 11,5 kms d’infrastructures routières parcourant le sous-sol de Bruxelles, M. Moureau a déploré le manque de visibilité de l’entretien des infrastructures en Belgique. « On fait du curatif et non du préventif » qui coûterait pourtant moins cher, a-t-il déploré. Jean-Claude Moureau a encore souligné que dans le diagnostic établi dans le contexte du Master plan tunnels remis à la ministres des Travaux publics sortante (ndlr: Brigitte Grouwels), en 2013, « nous avons clairement tiré la sonnette d’alarme » sur l’état de dégradation des tunnels. L’ampleur du coût des réparations des tunnels de plus de 300 mètres était de 360 millions d’euros. Selon lui, le refus d’entamer des travaux de rénovation lourde relevait aussi d’un choix politique privilégiant « le transport en commun et les pistes cyclables ».

Il a déploré par ailleurs la grande faiblesse, en nombre, des effectifs affectés à l’entretien des tunnels, au sein de Bruxelles Mobilité, un service pourtant « expérimenté et compétent », « reconnu et labellisé » et « ouvert à l’innovation technologique ». « J’ai adressé plusieurs mises en garde aux ministres face au manque d’ingénieurs et de techniciens spécialisés », a-t-il dit.

Pour M. Moureau, la question qui se pose aujourd’hui est de nature politique: « faut-il maintenir tout ou partie des tunnels bruxellois et à quelles conditions ». Autre propos saillant de son intervention, en réponse à une question de Vincent de Wolf (MR): on est aussi en droit de craindre une dégradation importante des ponts de la capitale, si on poursuit sur la voie actuelle. Ex-directeur du département des ouvrages d’art et voiries, Christian Debuysscher, a quant à lui insisté sur le fait que les services techniques n’avaient selon lui jamais failli. « Malgré l’inquiétude de l’administration, l’intégrité des tunnels n’est jamais apparue comme une priorité… Or différer une intervention a toujours pour effet d’aggraver la situation », a-t-il ajouté, écornant au passage l’ex-secrétaire d’Etat à la Fonction publique Bruno De Lille (Groen) pour avoir empêché, selon lui, un renforcement des effectifs en charge de la gestion des tunnels que « les Verts n’aiment pas ».

Membre de la commission, celui-ci lui a répliqué qu’il ne lui appartenait pas de faire ce choix, contrairement au ministre compétent, à travers son propre budget. Plusieurs membres de la commission ont cherché à savoir si des erreurs de conception ou de construction des tunnels bruxellois avaient été décelées. A ce sujet, Philippe Rombouts, ex-ingénieur en chef du service des ponts et chaussées de l’Administration des Equipements et des Déplacements de 1989 à 2003 et qui a oeuvré auparavant au sein de l’administration nationale des Travaux Publics a notamment jugé qu’il n’y avait pas eu d’erreur de « conception des tunnels bruxellois, mais des habitudes d’exécution ». On a opté pour la technique des murs emboués (on commence par creuser une tranchée pour construire les parois du tunnel; on y coule un mélange d’argile et d’eau pour empêcher les éboulements avant d’y injecter le béton et le ferraillage). Mais on s’est contenté de cette unique parois de béton irrégulière impossible à étanchéiser de l’extérieur comme structure portante du tunnel là où les autorités allemandes ont doublé les parois du métro de Cologne construit selon cette technique, d’une autre parois intérieure, a-t-il expliqué en substance.

La commission entendra mercredi prochain, les deux derniers ministres de la Mobilité en date, Brigitte Grouwels et Pascal Smet.

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