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Les réceptions Nouvel An des partis : sous le signe de celui « dont-on-ne-dit-pas-le-nom »

Muriel Lefevre

Lors de la traditionnelle réception de Nouvel An, les partis en profitent généralement pour se lancer des fleurs. Sauf à la N-VA, au CD&V et au MR où on a surtout conspué l' »autre ». Celui dont personne ne dit le nom. De peur de réveiller une malédiction comme dans Harry Potter se demande De Morgen ?

C’est en authentique conquérant que Bart De Wever est apparu devant ses ouailles, ce week-end. Des milliers de militants euphoriques se sont rendus aux Nekkerhallen, de Malines. Dans le premier temps d’un discours taillé au cordeau, on aurait pu croire que le nom maudit était celui de Theo Francken. Mais rien de tel, ce n’était qu’un effet de style pour mieux entretenir le suspense. Qui a droit à l’ovation finale et son nom scandé pratiquement à l’infini ? Theo. Qui d’autre ?

Un selfie avec la star

Les médias se bousculent autour de lui et chacun rêve d’un selfie avec leur nouvelle star. Bart De Wever regarde tout cela avec bienveillance de la tribune et lâche un, on l’espère pas trop prophétique, « si je meurs demain, je serais content que Theo Francken prenne ma place. » Un enthousiasme pourtant pas forcément partagé au sein de plus grand parti flamand, mais qu’importe! Au pire, on pourra rentabiliser autrement l’un des politiques les plus populaires du moment. Au gouvernement flamand, par exemple, ou à l’enseignement, un domaine fort prisé par le parti. Après tout, l’homme a fait ses premiers pas politiques en tant que conseiller pour l’éducation lorsque Geert Bourgeois était ministre et son style pourrait y faire des merveilles murmure-t-on à la N-VA.

En faisant l’éloge de Francken, De Wever en profite pour tacler large au passage. « Certains ne résistent pas à la tentation de laisser toutes les portes et fenêtres ouvertes. Ce sont les mêmes qui se clament d’une supériorité morale, qui n’est en fait rien d’autre qu’une absence de responsabilité pour l’intérêt général », a estimé le président de la N-VA. « Ce sont les mêmes qui s’en prennent à ceux qui essayent justement de mettre en place des règles en pensant à cet intérêt général. »

On ne sait pas exactement qui est visé par la tirade. Un « certain » dont on ne dit pas le nom. Le CD& V, peut-être? Ou l’opposition de gauche ? Un flou maîtrisé puis qu’en s’abstenant de citer qui que ce soit, Bart De Wever renforce l’idée, qu’en ce moment, il n’y a que peu de différence entre les deux.

CD&V plombé par l’ombre de l’ « autre »

A Lint, à moins de 15 kilomètres de là, avait lieu la sauterie du CD&V. Les discours semblent là aussi s’arquer autour du même principe. On tape sur l' »autre », celui dont on ne dit toujours pas le nom. A la différence, qu’ici, point d’euphorie. Malgré une résilience toute chrétienne, le parti semble comme sonné. Si on reste en bloc derrière le président Wouter Beke, après tout cela fait 8 ans qu’il mène plutôt bien sa barque, son aura a été plombée pendant les vacances de Noël par les remous de l’affaire Francken. Son allusion à un éventuel renvoi du secrétaire d’État va lui revenir comme un boomerang. Une sortie qui pouvait donner le signal de l’attaque, mais s’est soldée par un retrait, tête basse. L’ancien parti démocrate-chrétien avait en effet oublié un instant que la N-VA est deux fois plus puissante que lui.

Wouter Beke
Wouter Beke © Belga

« Nous ne permettrons pas que notre identité soit menacée de l’extérieur par des personnes qui remettent en question notre mode de vie. Mais nous ne la laisserons pas non plus l’être de l’intérieur. Etre Flamand, c’est avoir la liberté d’être soi-même en rue, croyant ou pas. Etre Flamand, c’est traiter les hommes et les femmes avec respect », a lancé le président du CD&V. Wouter Beke a ensuite été gratifié d’applaudissements particulièrement nourris pour son analyse de la crise de l’asile. « Nous combattons avec force le terrorisme et la criminalité. Et ceux qui n’obtiennent pas l’asile ou ne le demandent pas ne peuvent pas rester. Cela n’empêche que nous garderons toujours notre humanité », a-t-il lancé.

Ici aussi on ne cite personne nommément. Parle-t-on de la N-VA ou de l’extrême droite ? Là, comme chez les partenaires du gouvernement, on tente le flou qui renforce l’idée qu’en ce moment on a beaucoup de mal à distinguer l’un de l’autre.

Le MR, la nouvelle N-VA Francophone ?

Au MR du Hainaut aussi on tenait ce week-end sa réception de Nouvel An. Lors des discours au Louvexpo de La Louvière, on a encore poussé un peu plus loin l’ambiguïté tacite.

La première salve vient d’Olivier Chastel qui a déclaré, de façon quelque peu surprenante, dans les colonnes de l’Echo ce week-end que la « N-VA est peut-être le plus loyal partenaire gouvernemental de tous. » Pas très sympathique pour le CD&V fait-on remarquer dans De Morgen. Surtout lorsqu’on sait que la relation entre Charles Michel et Wouter Beke est l’axe historique sur lequel la coalition suédoise s’est construite.

Heureusement, à La Louvière, le Premier ministre Michel tient de façon fort opportune un autre discours, tout en prenant garde, là aussi, de ne citer personne. « Un parti politique, même quand il est bruyant, n’est rien sans partenaire ». On pourrait croire que c’est un pique didactique envers la N-VA. Sauf que c’est assez ouvert que pour laisser libre à l’interprétation. Malin.

Ce double discours de deux pontes du MR vise en réalité à contenter tout le monde. D’un côté avec Chastel prenant sur lui de rassurer les militants les plus à droite qui pensent qu’il n’y a rien de mal à cette politique de migration stricte de Theo Francken. Il se pose presque comme une N-VA francophone précise De Morgen. Et de l’autre, on retrouve le Premier ministre Michel qui garde ses distances avec la N-VA, dont la domination mine son leadership. Michel s’est présenté dans son discours comme celui qui est au-dessus de la mêlée. « Le leadership, c’est garder son sang-froid quand d’autres perdent le nord » lance-t-il avant de fustiger « ceux » pour lesquels « la seule alternative est l’ouverture des frontières et une régularisation massive pour ceux qui refusent de demander l’asile ou qui en sont déboutés. (…) Nous ne recevrons pas de leçons de conscience et de morale de la part de ceux qui envoyaient des factures de chambres d’hôtel aux contribuables parce qu’ils n’assumaient pas leurs obligations de fermeté et d’humanité en matière d’asile », précise encore Charles Michel.

Au frigo, on se regarde comme des chiens de faïence

Des élections fédérales ne semblant plus à l’ordre du jour. Chacun ayant réalisé qu’il n’y avait, tout compte fait, pas grand-chose à y gagner, on a remisé les sujets qui fâchent au frigo. Les différents partis du gouvernement se contentent donc, pour l’instant, de se regarder en chiens de faïence en attendant les élections communales de 2018.

Avec tout de même une méfiance tapie dans les esprits. « Celui-dont-on-ne-dit-pas-le-nom » a vu comment il était possible de mettre l’opinion publique en feu et en sang avec quelques sorties sur un sujet sensible. Qui sait si « il » n’utilisera pas ce même redoutable sortilège maléfique dans le dernier sprint de la période électorale ?

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