© Frederic Pauwels

Les équations impossibles du logement social

Une grave crise du logement s’annonce pour la Wallonie : le nombre de ménages augmente plus vite que celui des habitations. Alors que la situation économique n’est pas au top.

En Wallonie, 8 % seulement des logements sont des logements sociaux. Et 20 % à peine des locataires ont un job. Parler de ghettoïsation du secteur est dès lors une évidence. Une trentaine de directeurs-gérants de sociétés de logement de service public (SLSP) et les cadres de la SWL (Société wallonne du logement) ont rendu visite la semaine dernière à leurs homologues français de Reims, où la situation est tout autre : 43 % des logements y sont gérés par le public.

En Wallonie, le loyer social mensuel moyen, calculé principalement sur la base du revenu, est de 216 euros, ce qui couvre à peine la moitié des dépenses des SLSP. A Reims, ce loyer moyen est de l’ordre de 400 euros, parce que les logements sociaux, plus nombreux, peuvent accueillir des habitants à revenus diversifiés, mais surtout parce que l’Etat compense la différence entre le loyer bas payé par les ménages les plus défavorisés et le loyer demandé. Cette aide personnelle, qui peut varier de 10 à 60 %, sécurise les finances des sociétés et leur permet de construire et de rénover.

Les scandales qui ont touché de nombreuses sociétés de logement social en Wallonie ont achevé d’étrangler le secteur. La réforme qui a suivi a, certes, entraîné une plus grande transparence notamment dans l’attribution des logements, mais elle a privé les sociétés de toute autonomie. Le système est devenu quasi automatique : les logements disponibles sont attribués aux plus précarisés, aux personnes ou aux ménages qui ont les revenus les plus faibles. C’est normal, puisqu’il s’agit de logement social, mais il est impossible, dans ces conditions, pour les sociétés d’équilibrer les comptes. A fortiori d’investir de façon massive pour faire face aux besoins énormes qui sont annoncés.

Selon le Bureau du Plan, la Wallonie devrait compter un million d’habitants de plus en 2050. Tous ces gens, il faudra bien qu’ils puissent se loger. La CCW (Confédération construction wallonne) estime qu’il faudra créer 200 000 logements dans les dix prochaines années, dont une bonne part à charge des pouvoirs publics, au vu de la situation économique. Déjà actuellement, la Wallonie, qui compte 220 000 locataires dans ses quelque 100 000 logements sociaux, enregistre 32 600 ménages demandeurs, la plupart en situation difficile. Et la Région wallonne ne peut financer, sur la période 2010-2014, que 7 000 nouveaux logements publics, entre autres parce qu’elle doit investir dans la nécessaire rénovation du parc existant. Dans l’isolation principalement, pour faire baisser le poids des charges locatives, qui se montent à deux tiers du loyer en moyenne.

« Cette problématique va encore s’intensifier, explique Alain Rosenoer, directeur général de la SWL : le nombre de ménages augmente, et les prix du logement aussi, bien plus vite que l’inflation. L’accès à un logement décent devient difficile pour une partie de plus en plus importante de la population… Le logement public est mal financé, mais les coûts d’une non-politique du logement sont bien supérieurs à ceux d’une politique dynamique. Les investissements dans le logement, surtout en période de crise, ont un effet sur l’emploi et sur la qualité de l’environnement. » Ils doivent aussi permettre, en augmentant l’offre, une régulation du marché, sans laquelle l’avenir sourirait trop aux marchands de sommeil.

MICHEL DELWICHE

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