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Les dix réprimandes de la Banque nationale à nos politiciens et partenaires sociaux

Le rapport annuel de la Banque nationale contient des réprimandes que le gouvernement Michel, les gouvernements régionaux, les organisations d’employeurs et de travailleurs ne seront guère ravis de lire. Ewald Pironet, notre confrère de Knack, énumère les dix plus importantes. Il s’agit en même temps d’une to-do list pour les prochains gouvernements.

1. Peu de progrès au niveau de l’assainissement des finances publiques

C’est inscrit noir sur blanc dans le Rapport de la Banque nationale 2018 sur l’évolution économique et financière: l’année dernière, il y a eu peu de progrès dans la mise en ordre des finances publiques. C’est un constat douloureux pour le gouvernement Michel (y compris la N-VA, qui l’année dernière faisait encore partie du gouvernement). Dès son entrée en fonction, elle a fait du redressement des finances publiques son objectif principal.

Quelques chiffres : selon la Banque nationale, le déficit est passé de 0,9 à 0,7 % du PIB (produit intérieur brut) l’année dernière. Le déficit structurel (qui ne tient pas compte de l’évolution de l’économie et des opérations ponctuelles) est passé de 1,3 à 1,5 %.

L’année dernière, les chiffres du budget sont remontés. En raison de l’augmentation des amendes, de nombreuses entreprises ont payé leur impôt sur le revenu des sociétés à l’avance. Cela a fait grimper les recettes de manière unique, car l’an dernier, le Trésor a encaissé des impôts sur les sociétés pour 2017 et 2018. L’année prochaine, cette astuce ne pourra plus être appliquée et cela pèsera sur les revenus et donc sur le budget.

Non, l’année dernière, nos gouvernements n’ont pas été économes

Pire encore, les dépenses dites primaires ont augmenté: toutes les dépenses publiques, sans les taux d’intérêt, s’élevaient à 50% du PIB. Cela s’explique par l’augmentation des prestations sociales (en raison du vieillissement de la population, les retraites et les coûts des soins de santé augmentent) et des investissements publics (en particulier au niveau local, un phénomène normal en une année où il y a des élections communales et provinciales, note la Banque nationale). « La trajectoire baissière des dépenses s’est interrompue », inscrit en gros titres la Banque nationale de Belgique. Non, l’année dernière, nos gouvernements n’ont pas été économes.

2. Réalisez enfin le trajet budgétaire prévu

Ces dernières années, on a beaucoup parlé d’un budget équilibré. On a également élaboré des plans et des procédures à cette fin. Mais l’objectif n’a pas été atteint. « Non seulement il en résulte qu’il n’y a pas d’équilibre budgétaire », déclare le gouverneur Pierre Wunsch lors de la présentation du rapport, « mais aussi que la population pense qu’on a réalisé des économies continues, car c’est ce qu’on lui a toujours dit. En conséquence, la population est lasse de faire des économies, même si les résultats n’ont pas été atteints. » En conséquence, il devient de plus en plus difficile pour les citoyens d’accepter de nouvelles économies.

Néanmoins, selon la Banque nationale, il est urgent de mettre en oeuvre un plan pour atteindre un équilibre budgétaire structurel. Elle estime que c’est nécessaire parce qu’un budget équilibré contribue à la confiance et ainsi à plus de croissance et d’emploi. Grâce à l’équilibre budgétaire, on peut également constituer une réserve pour la prochaine crise économique. Cela nous permettra de réduire la dette publique, qui, à 102 % du PIB, figure toujours parmi les plus élevées d’Europe.

La population est lasse de faire des économies

« Parvenir à un équilibre budgétaire structurel et à des finances publiques plus propices à la croissance requiert à la fois l’implication de tous les niveaux de pouvoir en Belgique et une bonne coopération entre eux », écrivent les auteurs du rapport. D’une part, il y a des recettes, les impôts, mais « s’agissant des recettes, les marges sont quasiment absentes, compte tenu du niveau déjà élevé de la pression fiscale. » D’autre part, il y a les dépenses publiques, et c’est là qu’il faudra agir. Il est également important de veiller à ce que les prestations sociales restent sous contrôle, malgré le vieillissement de la population, qui peut entraîner une hausse des coûts.

Le gouverneur condamne fermement les politiques en accordéon du (des) gouvernement(s) de notre pays en matière d’assainissement des finances publiques. Il souhaite que le futur gouvernement maintienne le taux d’épargne imposé par l’Europe: moins 0,6% par an. Cela signifierait qu’un budget équilibré serait atteint d’ici 2022. Il a été très clair pour les partis et les politiques qui formeront un gouvernement après les élections du 26 mai : « Élaborez un plan clair et mettez-le en oeuvre ».

3. Il faut un marché du travail plus efficace

Depuis l’entrée en fonctions du gouvernement Michel en 2014, 220.000 nouveaux emplois ont été créés dans notre pays. L’an dernier, pour la quatrième année consécutive, de nombreux emplois nets ont été créés, soit 59.000. Surtout dans le secteur des entreprises, et non plus comme auparavant à l’état ou dans les industries subventionnées par l’état. C’est certainement un mérite que s’attribuera le gouvernement Michel à l’approche des élections – même si la croissance de l’emploi est plus faible que dans de nombreux autres pays européens.

Malgré le fait qu’un grand nombre de personnes ont rejoint le marché du travail (l’année dernière plus 28.000), le nombre de chômeurs (moins 30.000) a diminué. Ces quatre dernières années, la population active a augmenté de 119.000 personnes, tandis que le chômage a diminué de 103.000. Cela montre à quel point la création d’emplois était importante.

L’an dernier, le taux de chômage est passé de 7 à 6 %, un niveau qui n’avait jamais été aussi bas depuis les années 1970. Mais il y a de grandes différences entre les régions : à Bruxelles, c’était plus de 13% ; en Wallonie, environ 9% ; en Flandre, 3%. La Flandre se rapproche de plus en plus de ce que l’on appelle dans le jargon le « chômage de friction » : le taux de chômage correspond au temps qu’il faut à quelqu’un pour trouver un emploi en accord avec ses compétences.

Néanmoins, nous avons encore des problèmes sur le marché du travail. Par exemple, un certain nombre de postes vacants sont difficiles à pourvoir. Pour la Flandre, il s’agit de personnel de nettoyage, de professions techniques, de fonctions commerciales, des professions de la santé et de l’assistance aux personnes. En outre, les femmes sont encore sous-représentées sur le marché du travail et ont moins de chances de se développer. « Ce n’est pas seulement injuste, c’est aussi un gaspillage de talents », dit Wunsch. C’est d’ailleurs une déclaration étonnante après l’agitation qui a suivi le remplacement de la directrice de la Banque nationale, Marcia De Wachter, par Steven Vanackere sur la recommandation du CD&V, de sorte qu’il n’y a plus de femme à la direction de la Banque nationale. Dans notre pays, il y a encore trop peu de personnes âgées de 55 à 64 ans, hommes et femmes confondus, qui travaillent. En revanche, cette catégorie d’âge est bien présente au sommet de la Banque nationale.

Les hommes politiques, les employeurs et les salariés doivent oeuvrer en faveur d’un marché du travail plus efficace

Il y a toujours un groupe important de jeunes vulnérables qui ont du mal à trouver leur place sur le marché du travail. « Il s’agit souvent de personnes peu qualifiées ainsi que des jeunes pour qui la discrimination sur la base de l’origine – ou de celle des parents – constitue souvent un handicap supplémentaire », affirme le rapport. Ce sont des jeunes non européens. Le fait qu’ils soient beaucoup moins actifs sur le marché du travail n’est que « dû dans une faible mesure aux caractéristiques personnelles des individus, telles que l’âge, le sexe, le niveau d’éducation ou la région où ils vivent », déclare le Conseil supérieur de l’emploi.

La Banque nationale conclut donc que le marché du travail en Belgique ne fonctionne pas assez bien : il y a peu de changement d’emploi, les revenus du travail sont lourdement taxés, il existe un lien entre salaire et ancienneté qui rend les travailleurs âgés chers, etc. Aussi les hommes politiques, les employeurs et les salariés doivent-ils oeuvrer en faveur d’un marché du travail plus efficace.

4. Il faut modifier la fixation des salaires

Aujourd’hui, la fixation des salaires ne tient pas suffisamment compte des problèmes du marché du travail, estiment les auteurs du rapport. La présence d’un nombre suffisant d’employés varie selon les entreprises, les secteurs, les sous-régions ou les compétences recherchées. La fixation des salaires peut aider à y remédier. Ce faisant, la Banque nationale remet en question un accord national sur les salaires. « En permettant à la pénurie sur le marché du travail de jouer un rôle dans la détermination des conditions d’emploi, les métiers en pénurie peuvent devenir attrayants », selon le rapport. En d’autres termes : afin de rendre plus attrayants les postes vacants difficiles à pourvoir, il devrait être possible de proposer des salaires plus élevés aux employés.

« Il faut créer plus d’espace pour la différenciation dans la fixation des salaires, en particulier en cas de pénurie », a déclaré le gouverneur Wunsch lors de la présentation du rapport. Selon lui, la loi actuelle sur la formation des salaires, qui autorise une augmentation maximale des salaires de 0,8% et contre laquelle il y a eu une grève mercredi dernier, « est peut-être un peu trop rigide ». Aussi, préconise-t-il « plus de flexibilité ».

5. Réformez les allocations de chômage

Le chômage est peut-être très faible, mais pour certains, il est très persistant. Selon la Banque nationale, plus de la moitié des demandeurs d’emploi sont au chômage depuis plus d’un an, un tiers même depuis plus de deux ans. Par conséquent, un chômeur risque de perdre ses compétences et d’être découragé.

La Banque nationale attribue le fait que de nombreux chômeurs éprouvent des difficultés à trouver un emploi pour travailler, entre autres, au « piège du chômage », qui reste élevé en Belgique : le revenu net du travail n’est pas beaucoup plus élevé que les allocations de chômage. Il n’est donc pas suffisamment gratifiant de travailler. De plus, en Belgique, les chômeurs continuent de percevoir des allocations pendant une longue période, contrairement à des pays comme le Danemark, la Suède et les Pays-Bas. Par exemple, « les personnes au chômage depuis une durée allant jusqu’à cinq ans disposent en moyenne d’un revenu de remplacement équivalent à 70 % de leur dernier salaire net. » Au Danemark, en France et en Finlande, ce taux est inférieur à 50%, en Suède à 40%, en Allemagne, à 30% et encore moins aux Pays-Bas, selon le rapport. La Banque nationale ne le dit pas tout haut, mais elle suggère de réformer les allocations de chômage.

La Belgique compte 31% d’inactifs. En Wallonie, 36%, à Bruxelles 35% et en Flandre 28%

Alors que le chômage est très faible, le taux d’inactivité dans notre pays est très élevé : il y a beaucoup de personnes âgées de 15 à 64 ans qui ne travaillent pas et qui ne cherchent pas d’emploi (et qui ne sont donc pas comptées parmi les chômeurs). Il s’agit principalement des plus de 50 ans, des femmes qui choisissent délibérément de rester à la maison et de migrants. La Belgique compte 31% d’inactifs. En Wallonie, c’est 36%, à Bruxelles 35% et en Flandre 28%. En Flandre, ce pourcentage est encore beaucoup plus élevé qu’en Suède, par exemple, où il est d’environ 17%. Il y a donc encore des opportunités en Flandre aussi.

6. Réformez l’impôt sur les personnes

Cela ne surprendra personne : nous payons beaucoup d’impôts sur le travail. C’est toujours le cas, malgré le virage fiscal du gouvernement Michel, qui a réduit les cotisations patronales pour la sécurité sociale et les a partiellement remplacées par des impôts sur la consommation, la pollution et la richesse. Le rapport appelle à « un glissement accru de la pression fiscale vers d’autres formes de taxation, moins dommageables pour la croissance ». Il s’agirait notamment d’une augmentation des taxes à la consommation, en particulier si elles sont nuisibles pour l’environnement, et des taxes sur le capital.

En ce qui concerne les taxes à la consommation, la Banque nationale constate qu’il existe de nombreuses réductions de taux et d’exonérations sur la TVA en Belgique. Il faudrait se pencher là-dessus. Nos taxes environnementales, quant à elles, semblent parmi les plus faibles de la zone euro. Il y a donc encore de la marge.

Les impôts sur le capital sont une autre paire de manches. « Le capital est assez lourdement taxé en Belgique », lit-on le rapport. « Les prélèvements sur les revenus du patrimoine des particuliers, les autres prélèvements sur le patrimoine et sur les opérations patrimoniales, ainsi que l’impôt des sociétés ont atteint 8,2% du PIB en 2016, soit un niveau largement supérieur à la moyenne de la zone euro, qui est montée à 5,6 % du PIB ». Cela ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire: les droits de succession et d’enregistrement sont élevés, alors que les autres impôts sur le patrimoine sont faibles. Par exemple, il n’y a pratiquement pas d’impôt sur les plus-values pour les particuliers, alors que le système existe dans d’autres pays européens.

« Le financement d’un nouvel allégement ciblé des charges pesant sur le travail requerrait un impôt équitable sur le capital », conclut la Banque nationale. Il convient également d’examiner si les différentes déductions de l’impôt sur l’impôt des personnes sont encore efficaces. Enfin et surtout, une réduction substantielle des charges sur le travail n’est « possible que si les marges sont créées par une réduction des dépenses publiques ».

7. Il faut à nouveau intensifier la productivité

Le gouverneur Wunsch est très préoccupé par le fait que notre productivité ne progresse que lentement. Depuis plusieurs décennies, l’économie belge est l’une des plus productives au monde, mais nous perdons cet atout. Et « une productivité élevée est importante pour notre croissance économique, pour les augmentations de salaire, pour réduire la dette publique, pour payer les pensions et ainsi de suite », déclare le gouverneur. « L’augmentation de la productivité est le principal moteur qui peut générer des revenus de manière durable. »

Ce n’est pas seulement aux entreprises à faire un effort pour augmenter la productivité, il en va de même pour les pouvoirs publics

Il n’est pas facile de relancer rapidement la productivité. Mais notre croissance de productivité se révèle plutôt concentrée dans un nombre limité d’entreprises très performantes. On y voit beaucoup d’innovation ou alors elles s’appuient sur les centres de recherche de renommée mondiale des universités belges. Dans beaucoup d’autres entreprises, la productivité est médiocre, et elles ne parviennent manifestement pas non plus à rattraper leur retard. Le rapport préconise plus d’innovation, plus de recherche et de développement, car dans ces domaines, nous accusons un retard par rapport à des pays comme la Finlande, le Danemark, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Suède et le Royaume-Uni. La Belgique souffre également d’un manque de diplômés techniques et scientifiques. Nous devons encourager davantage les étudiants à étudier les sciences, les mathématiques, les statistiques, l’IT, l’ingénierie, l’industrie et la construction, selon la Banque nationale. Il s’agit d’études tournées vers l’avenir qui peuvent contribuer à une plus grande productivité.

Ce n’est pas seulement aux entreprises à faire un effort pour augmenter la productivité, il en va de même pour les pouvoirs publics. Le rapport souligne l’importance d' »institutions gouvernementales stables et efficaces », car les grandes entreprises examinent la question pour décider dans quel pays elles vont investir. Et selon une analyse de la Banque nationale, la Belgique obtient des résultats très médiocres par rapport à d’autres pays européens en termes d’efficacité du gouvernement dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la sécurité et de la mobilité. Il y a donc du pain sur la planche.

8. Notre infrastructure laisse à désirer

Cela surprend-il encore quelqu’un ? La qualité de nos infrastructures est médiocre et la Banque nationale se limite à deux points noirs pour l’illustrer: le nombre croissant d’embouteillages et l’incertitude quant à l’approvisionnement en électricité. Deux exemples frappants qui ne datent pas d’hier, mais qui ont été peu ou pas corrigés.

« Les embouteillages sont un facteur de coût non négligeable pour les entreprises : ils réduisent leur productivité et limitent leur rayon d’action », indique le rapport. Et comme la Belgique est une plaque tournante logistique par sa situation centrale en Europe et le port d’Anvers, nous sommes particulièrement sensibles aux problèmes de mobilité. Et « il devient de plus en plus difficile pour les travailleurs d’arriver à l’heure sur leur lieu de travail, et leur temps libre s’en trouve réduit. (…) Les embouteillages sont par ailleurs une source importante de pollution », une référence aux voitures de société, qui représentent 8 % du parc automobile. La Banque nationale estime qu’une révision en profondeur du système financier des voitures de société est nécessaire.

Les problèmes d’approvisionnement énergétique ont également un impact négatif sur notre pays. La Banque nationale demande d' »élaborer une stratégie à plus long terme. Cela permettrait de gérer la sortie prévue de l’énergie nucléaire ainsi que la transition vers une économie bas carbone et plus durable, et de réduire les coûts du processus. » Le rapport souligne : « L’adaptation et la modernisation des installations de production ne doivent pas faire l’objet de retards importants, compte tenu du temps nécessaire pour décider de l’investissement, de l’installation et de la mise en service des systèmes. » Un reproche évident au gouvernement Michel, qui menait une politique énergétique hésitante, et un message tout aussi clair au prochain gouvernement pour qu’il cesse de perdre son temps.

9. Les investissements publics restent faibles

Par rapport à 2017, les investissements publics, par exemple dans les routes et les bâtiments, ont augmenté de 2,7% l’an dernier. Selon la Banque nationale, ce n’est dû qu’aux élections locales qui se sont tenues en 2018. Si on l’analyse de plus près, « il apparaît que la croissance des investissements publics se situe depuis quelques années en deçà de son rythme habituel », estime le rapport.

« Depuis 30 ans, les nouveaux investissements des administrations publiques permettent à peine de compenser la dépréciation des investissements du passé, de sorte que les investissements nets sont quasiment nuls. » Les investissements publics en Belgique sont relativement faibles par rapport aux autres pays européens. Seuls l’Espagne, l’Italie, le Portugal et l’Irlande investissent encore moins.

Ce n’est pas seulement un problème d’argent, il y a aussi un manque de vision et d’esprit de décision

À la fin de l’année dernière, six domaines avaient déjà été identifiés comme prioritaires pour les investissements publics : le passage au numérique de notre économie, la cybersécurité, l’enseignement, les soins de santé, la transition énergétique et la mobilité. Ce n’est pas pour rien que « les investissements publics doivent constituer une priorité budgétaire » est l’un des titres du rapport. Le gouverneur Wunsch ajoute : « Et ce n’est pas seulement un problème d’argent, il y a aussi un manque de vision et d’esprit de décision. »

10. De plus en plus d’efforts sur le marché du logement

La Banque nationale constate des tensions croissantes sur le marché du logement. La croissance démographique et la tendance à vivre dans de petits centres familiaux continuent d’accroître la demande de logements. Et les terrains à bâtir sont rares. « Ce n’est dès lors pas un hasard si le prix des terrains à bâtir a fortement augmenté au cours des dernières décennies, ce qui explique en grande partie la hausse du prix des logements », écrivent les auteurs du rapport. Depuis le début des années 1970, le prix des terrains s’est multiplié par 19 et le prix des maisons par 11. Les coûts du bâtiment ont moins augmenté, ils ont quintuplé au cours de cette période.

Remarque importante : en Flandre, les prix des terrains ont augmenté beaucoup plus fortement, c’est-à-dire fois 23, par rapport à la Wallonie, où ils se sont multipliés par 11. En effet, les terrains à bâtir sont plus rares dans le nord du pays et la Flandre est plus densément peuplée. La Banque nationale souligne que la hausse rapide des prix de l’immobilier est également un problème social : « la rareté intrinsèque des terrains à bâtir conduit à des hausses de prix importantes, de sorte que l’accessibilité au logement constitue un défi pour de larges groupes de la population ».

Selon la Banque nationale, les prix des logements seraient en moyenne 6,5 % trop chers en 2018. Cette estimation tient compte du revenu disponible, des taux d’intérêt hypothécaires, de l’évolution démographique et de l’impôt foncier. Le rapport met en garde contre cela : « Si l’une de ces variables se détériorait sensiblement, par exemple en cas de remontée soudaine des taux d’intérêt hypothécaires ou de choc négatif sur les revenus des ménages, les prix pourraient chuter de manière significative. »

Bien sûr, ce n’est pas seulement important pour les gens qui ont des biens immobiliers, mais aussi pour les banques qui accordent des prêts hypothécaires, car le taux d’endettement des ménages belges continue d’augmenter et est supérieur à la moyenne de la zone euro. En 2018, le Belge a également contracté davantage de crédits hypothécaires. La dette hypothécaire des ménages s’élève aujourd’hui à 231 milliards d’euros, soit une hausse de 2,7 % par rapport à l’année précédente. La Banque nationale met en garde : si le taux de chômage augmentait à nouveau et que les revenus des ménages diminuaient, certains ménages auraient des difficultés à rembourser leurs prêts hypothécaires. Les jeunes familles, les familles à faible revenu et les familles monoparentales sont particulièrement à risque.

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La Banque nationale constate également que les banques accordent des crédits hypothécaires beaucoup trop facilement et à moindre coût. Les banques se font une forte concurrence dans ce domaine, ce qui réduit leurs marges bénéficiaires. Mais que se passerait-il si un plus grand nombre de ménages n’arrivaient plus à rembourser leurs prêts ? Les banques peuvent se rabattre sur l’immeuble qui sert de garantie pour un prêt, mais que faire si sa valeur baisse ? « Il n’est pas bon que les banques continuent d’offrir des prêts hypothécaires à taux d’intérêt bas », déclare Wunsch, « car elles jettent ainsi les bases de la prochaine crise financière. » Le gouverneur a promis que la Banque nationale ferait tout pour empêcher cela.

Conclusion

Quelles que soient les coalitions gouvernementales qui arrivent au pouvoir après les élections fédérales et régionales, la Banque nationale estime qu’elles sont confrontées à de sérieux défis, tels que la réduction du déficit budgétaire et de la dette publique, la réforme du marché du travail, la formation des salaires, les allocations de chômage et l’impôt des personnes physiques, etc. Cette évolution devra tenir compte d’une baisse de la croissance, qui a déjà reculé de 0,3 point de pourcentage l’an dernier pour s’établir à 1,4%. Ce chiffre est également nettement inférieur à la moyenne en Europe (1,9%), et aux Pays-Bas (2,5%) par exemple. Et qui sait comment évolueront le Brexit, la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et les problèmes budgétaires en Italie – trois choses que nous ne contrôlons pas.

Le gouvernement Michel nous a également enseigné que la meilleure façon de mettre en oeuvre des réformes importantes est de le faire au cours de la première moitié de la législature, car plus on attend pour prendre des décisions drastiques, plus on s’approche des élections et moins il y a de chances qu’il en résulte autre chose. Si les interventions difficiles sont faites rapidement, il y a aussi plus de chances que les premiers fruits soient récoltés avant que tout le monde n’ait à se rendre aux urnes.

Et il est également clair que ce ne sont pas seulement les politiciens qui doivent assumer leurs responsabilités, mais aussi les employeurs et les employés. Par exemple, dans la réforme du dialogue social et des allocations de chômage, et dans la réduction du nombre élevé de personnes inactives. Du moins si les partenaires sociaux croient toujours en une économie consultative et veulent y jouer un rôle. Cette année, deux régents n’ont pas voulu signer le Rapport de la Banque nationale parce qu’ils n’étaient pas d’accord. Le gouverneur Wunsch n’a pas voulu dévoiler leurs noms, mais il est facile de deviner que c’étaient les représentants des employés. S’ils sont déjà en désaccord avec les nombreuses constatations factuelles, étayées par des centaines de chiffres de la Banque nationale, c’est mauvais signe.

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