Pascal De Sutter

Les Diables Rouges gagnent, tout le monde aime le foot !

Pascal De Sutter Psychologue politique à l'UCL

On exprime habituellement, dans les milieux bien-pensants, un mépris à peine voilé à l’encontre des supporters du football. Les amateurs de foot avec leurs écharpes aux couleurs de leur club sont regardés avec condescendance.

Mais maintenant que c’est l’équipe nationale qui joue (et qui gagne surtout !), tout le monde se met à devenir un expert footballistique. Désormais, il est devenu chic et politiquement correct d’aimer le football et d’arborer les couleurs nationales. Je trouve cette ferveur sportive et cet élan patriotique plutôt sympathiques. Mieux vaut se battre avec un ballon pour une Coupe du monde qu’avec des kalachnikovs pour une nouvelle frontière. Les humains ont besoin de pain, de jeux et de sentiment d’appartenance à un groupe social. Je trouve cependant inquiétante la soumission moutonnière au nouveau Dieu Mondial. Ce Mondial représente-t-il vraiment l’esprit du sport ? Les jeunes peuvent-ils prendre en exemple les nouveaux gladiateurs richissimes que sont devenus les footballeurs de haut niveau ? On constate d’ailleurs que par imitation, des gamins de 12 ans commencent à réclamer de l’argent pour s’amuser avec un ballon sur un terrain. Un footballeur moyen d’une modeste 2e Provinciale coûte désormais à son club environ 30 000 euros par an. Même si les sommes sont parfois très symboliques (par exemple, 50 euros pour un goal), cette transformation mercantile du sport me paraît très malsaine. A l’époque où adolescent je jouais au basket, je trouvais normal de verser ma cotisation annuelle au club pour payer la salle, les arbitres et les autres frais. Nous étions une bande de copains qui jouions pour le plaisir, pas pour l’argent. Il y a eu dans notre équipe des Asiatiques, des Africains, des Arabes et même des Yougoslaves serbes et croates, mais nous portions tous le même maillot mauve et blanc. Il y avait des juifs, des catholiques, des musulmans, des bouddhistes, des orthodoxes, des protestants et des athées, mais on ne s’en rendait même pas compte. Car on buvait tous ensemble de la bière avec du saucisson et du soda avec des gaufres de Liège. Nous parlions avec le même accent typiquement bruxellois. Pour nous, l’étranger, c’était le joueur d’une équipe de Wavre ou d’Alost. On oubliait complètement la couleur de peau de nos équipiers et l’origine ethnique n’avait aucune importance. Seules comptaient les prestations sur le terrain et les affinités de personnalités. Voilà ce que permettait l’esprit sportif amateur. Voilà ce que j’ose nommer « la vraie intégration » au risque d’attirer encore insultes et quolibets de ces (soi-disant) antiracistes de salon. Nous, on aimait jouer ensemble et intégrer traditions, usages, coutumes typiques de notre club local. L’argent ne comptait pas. Cet état d’esprit existe encore dans plusieurs sports d’équipes populaires et parmi quelques tout petits clubs de foot amateurs. Hélas, l’argent pourrit de plus en plus le sport. Et les enjeux financiers sont si importants que le dopage envahit également le milieu footballistique (vous souvenez-vous de l’époque où les joueurs de football couraient bien moins vite en fin de seconde mi-temps ?). Le choix du Qatar pour le Mondial 2022 est-il basé sur des considérations vraiment sportives ? Le climat qatari est-il le meilleur pour jouer au foot en été ? Pour toutes ces raisons, je trouve que l’on devrait davantage encourager et subventionner les petits clubs d’amateurs qui travaillent au quotidien avec des joueurs et des volontaires bénévoles. Plutôt que de s’extasier uniquement sur la puissante et richissime multinationale qu’est devenu le Mondial. Mais rien ne vous oblige à penser comme moi…

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