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Les deux lions flamands ou les deux visages de la N-VA

Stavros Kelepouris
Stavros Kelepouris Journaliste pour Knack.be

La N-VA diffuse gratuitement des drapeaux de lions flamands parmi ses membres. Et il ne s’agit pas de lion flamand officiel, mais de la version utilisée par le Mouvement flamand. L’initiative montre à quel point la N-VA est tiraillée entre les centres de pouvoir belges, et le nationalisme flamand.

La N-VA veut que le lion flamand sorte ses griffes partout. Les membres de la N-VA peuvent commander gratuitement un drapeau à l’effigie du lion flamand auprès du parti, les non-membres doivent débourser cinq euros. « Jouw vlag, jouw thuis » (votre drapeau, votre chez vous) dit-on dans la communication officielle.

Cependant, le drapeau distribué par la N-VA n’est pas le lion flamand officiel représenté par la Communauté flamande, mais une version profondément enracinée dans l’aile radicale du Mouvement flamand. La différence réside dans les griffes et la langue, teintées de rouge sur le lion flamand officiel. Associé au corps noir du lion et au fond jaune, l’accent rouge renvoyait au tricolore de la nation belge tant haïe par les nationalistes flamands.

« Au lieu de cela, ils diffusent un lion tout noir. En teintant la langue et les griffes de noir, ils veulent représenter leur rupture avec la Belgique officielle », précise la Nouvelle Encyclopédie du Mouvement flamand, un ouvrage de référence volumineux sur la lutte pour l’émancipation flamande. « La Seconde Guerre mondiale a encore durci les positions en la matière. (…) Désormais, les nationalistes flamands projettent leur aversion pour la gauche politique sur le peu de rouge présent sur le Lion flamand historique. »

Ce drapeau alternatif au lion complètement noir est la variante diffusée par la N-VA. Pour certains, c’est prohibé, car ce drapeau porte en lui aussi une histoire de la collaboration. La N-VA balaie ces critiques. « C’est le drapeau du Mouvement flamand. C’est une maison qui compte de nombreuses chambres, de gauche à droite, et le flamingantisme d’eau douce reconnaîtra également ce drapeau. Je trouve donc cette association avec la collaboration très étrange », réagit le porte-parole Bram Bombeek. « En tant que parti, nous nous inscrivons dans la tradition du Mouvement flamand, qui aspire à plus d’autonomie et d’émancipation pour la Flandre, et nous avons utilisé le drapeau qui y est associé. »

Professeur en sciences politiques, Dave Sinardet (VUB/Université Saint-Louis) y voit une ambiguïté souvent exprimée par la N-VA. « Ce drapeau présente tout de même un aspect plus radical. Ce n’est pas le drapeau officiel de la Communauté flamande, mais des nationalistes flamands qui ne se reconnaissent pas toujours dans les institutions flamandes et fédérales, et qui se détournent de la Flandre officielle, créée par les compromis. »

La N-VA ne sait sur quel pied danser, dit Sinardet. « Cela symbolise l’attitude de la N-VA. Le parti dirige le gouvernement flamand, et siège au gouvernement de la Belgique fédérale, mais en même temps elle exhibe un drapeau qui en symbolise l’alternative radicale. C’est une manière très innocente, politiquement bon marché de montrer qu’ils sont encore de véritables nationalistes flamands, alors que le 21 juillet, ils trônent joliment à côté du roi. » « Le choix du drapeau est de toute manière délibéré, à la N-VA ils connaissent très certainement la différence entre ces drapeaux. Ils serait tout très bizarre, s’ils n’avaient pas réfléchi à l’avance. »

Le président du Vlaams Belang Tom Van Grieken trouve la polémique autour du drapeau un brin excessive. Il qualifie l’idée que le lion flamand entièrement noir soit un clin d’oeil à la collaboration de « réinterprétation ». « Il est évident que le lion noir a été utilisé pendant la collaboration, mais le passé est le passé, et on use et abuse toujours de symboles. Parfois, il s’agissait aussi de considérations plus pratiques : sur les petits boucliers on ne voyait pas la couleur rouge, et les accents rouges rendaient les drapeaux plus chers, parce qu’il fallait acheter du tissu rouge. »

« La dualité des drapeaux est surtout présente après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, le lion aux griffes rouges représente simplement les bons Belges, celui aux griffes noires les gens qui veulent l’indépendance. »

« À cet égard, je trouve même un peu pathétique de la part de la N-VA de tenter de compenser quatre ans de silence et d’absence d’actes communautaires par des drapeaux gratuits », remarque Van Grieken. Qui plus est, son parti a déjà lancé cette opération en 2018. « Notre but était : un lion flamand par ménage. C’est le produit le plus populaire de notre boutique, car tout le monde peut simplement demander un drapeau à l’effigie du lion flamand. Complètement gratuit, y compris par les non-membres. Ce que fait la N-VA, c’est simplement du copié-collé. »

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