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Le vote sur l’interdiction de la burqa est passé

La chambre des Représentants a voté et approuvé jeudi la proposition de loi visant à interdire les habits masquant le visage dans l’espace public. Le sénat doit à présent se prononcer pour l’officialiser. C’est une première pour un pays européen. Human Right Watch a lancé un appel contre cette solution « où tout le monde est perdant ».

Malgré la crise communautaire que traverse le pays, les députés fédéraux ont voté à l’unanimité une proposition de loi visant l’interdiction totale de tout vêtement cachant l’ensemble du visage à l’exception des yeux. Cette proposition de loi provient d’une initiative conjointe des cinq partis qui étaient au pouvoir. Dans le contexte actuel, la notion d’habit sous-entend les voiles islamiques intégraux notamment la burqa, le voile afghan et le niqab qui laissent paraître les yeux.

La commission parlementaire de l’Intérieur a déjà approuvé à l’unanimité cette proposition le 31 mars dernier. L’interdiction porterait sur l’ensemble de l’espace public à savoir les bâtiments publics, la rue, les magasins, les jardins publics etc. Les réfractaires, qui se présenteraient « le visage masqué ou dissimulé », risqueraient une amende de 15 à 25 euros et une peine de prison d’un à sept jours.

Les promoteurs mettent en avant deux arguments, la sécurité dans l’espace public où chaque personne doit être reconnaissable, et le respect de l’émancipation de la femme.


L’appel de l’ONG Human Right Watch


L’organisation de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) a affirmé son opposition à l’interdiction du port du voile intégral. Cet appel répond aux débats et propositions de loi qui se multiplient en Europe à ce sujet. « Des interdictions de cet ordre créent une situation où tout le monde est perdant », a déclaré Judith Sunderland, une chercheuse de Human Rights Watch. Elle ajoute que c’est une violation « des droits de celles qui ont choisi de le porter et que cela n’aide en rien celles qui sont obligées de le faire ».

Isabelle Praile, la vice-présidente de l’exécutif des musulmans de Belgique est du même avis. « Cette loi est liberticide et porte atteinte aux droits fondamentaux de la constitution ». Elle ajoute que « si cette loi passe, certaines femmes vont quitter le pays, d’autres vont se résigner à appliquer la loi et se sentiront brimées dans leur for intérieur tandis que les femmes dominées par leur mari vont se cacher ».

Néanmoins, l’exécutif musulman de Belgique ne souhaite pas lancer de recours en cas de promulgation officielle de la loi. Isabelle Praile estime que « les quelques dizaines de citoyennes qui sont concernées devront réagir elles-mêmes si elles désirent défendre leurs droits ».


L’argument de la sécurité publique


De toute façon, pour Caroline Sägesser, membre du Centre interdisciplinaire d’étude des religions et de la laïcité à l’ULB, la réussite d’un recours est peu probable. « La Constitution belge et la Convention européenne défendent la liberté de culte, certes, mais la sécurité publique requiert la visibilité des gens. Cet argument justifiera certainement la loi si sa promulgation est avérée ». Des communes appliquent déjà une règlementation qui interdit les masques sauf pendant le carnaval.

Pourtant, Caroline Sägesser regrette un « vote opportuniste ». « Les partis reprennent une proposition de loi du Vlaams Belang de 2004, parce qu’il y a une crainte de l’opinion publique sur une thématique de l’extrême droite. C’est un signal vis-à-vis de l’électorat ». Elle ajoute qu’à part quelques femmes de diplomates saoudiens, ce phénomène reste ultra-minoritaire en Belgique. « Le vrai débat se situe au niveau du port du foulard islamique dans les lieux publics, une question que les partis préfèrent éluder ».


Réactions à l’étranger


Déjà jeudi dernier, la presse internationale s’était massée dans le Palais de la Nation pour assister à cette première mondiale avortée suite au retrait de l’Open VLD et la chute du gouvernement Leterme. Ce sujet préoccupe nombre de médias européens en particuliers en France, pays qui se prépare également à légiférer sur la question. Le projet de loi français prévoit une amende de 150 euros et un stage de citoyenneté si une femme porte un voile intégral. En revanche, un an de prison ferme et 15.000 euros seraient requis contre une personne qui l’impose à une autre.

Guillaume Bur avec Belga.

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