Olivier Mouton

Le roi Philippe à la conquête de la Flandre

Olivier Mouton Journaliste

Le couple royal a entamé ses joyeuses entrées à Louvain. La popularité du nouveau souverain est en hausse. Statut oblige. Mais les nationalistes n’ont pas dit leur dernier mot.

Le roi Philippe et la reine Mathilde sont arrivés en fin de matinée à Louvain pour la première de leurs joyeuses entrées dans les provinces du pays. Une tournée traditionnelle qui se prolongera jusqu’au 25 octobre à Bruges. De 1500 à 2000 personnes, selon la police, se sont rassemblées pour les accueillir. Ainsi qu’une poignée de nationalistes flamands parqués dans un coin, troublant la fête par quelques classiques et haineux « België barst ».
Depuis son intronisation, le roi Philippe a toutefois fait taire les sceptiques. Un sondage RTL-TVI/ Ipsos/ Le Soir témoignait même d’une popularité en forte hausse, partout dans le pays, y compris en Flandre. Quand il était prince et roi en devenir, Philippe n’avait jamais un taux de confiance dépassant la majorité au nord du pays. Désormais, 59% sont « très confiant » ou « plutôt confiant ». Loin de la proportion de francophones – 82% – mais l’évolution est significative.

A cela, plusieurs raisons. Sans que cette « lune de miel » ne soit forcément éternelle.

1. Le roi Philippe… se tait. Quand il était prince, on sentait Philippe soucieux d’exister, de s’exprimer, au risque de multiplier les gaffes. La fonction faisant l’homme, il doit désormais garder une réserve qui lui sied mieux, qui l’expose moins. On le sent plus serein aussi, comme si le fait d’avoir enfin accompli ce rêve auquel il se prépare depuis trente ans l’avait soudain apaisé.
2. Toucher le roi, c’est toucher à l’institution. S’en prendre à un prince mal-aimé, c’était du pain béni pour les nationalistes et les républicains. Une façon de déstabiliser la famille royale. S’en prendre directement au roi, ce sont des attaques frontales contre une institution qui, ne leur en déplaise, constitue encore un des ciments de la Belgique.
3. L’effet Mathilde. La reine a joué un rôle majeur dans l’évolution de Philippe ces dernières années. Sous ses allures classiques, la reine exerce une réelle influence sur son comportement. Elle-même a su attirer les sympathies de la population par son bilinguisme et ses actions sociales. Davantage charismatique, elle s’inscrit dans le nouveau profil d’une monarchie « moderne », davantage dans la représentation.
4. L’effet van Daele. La nomination de Frans van Daele en tant que chef de cabinet du nouveau roi joue incontestablement un rôle dans ces débuts harmonieux. L’homme est un des diplomates les plus expérimentés du pays, il est passé par les Etats-Unis, l’Union européennes, les Nations unies et l’OTAN avant d’accompagner Herman Van Rompuy à la présidence du Conseil européen. Un fameux pedigree. Il maîtrise en outre les sensibilités flamandes et sait combien le nouveau roi devra être prudent.
5. Un climat politique pacifié. La multiplication des effets d’annonce du gouvernement Di Rupo entend montrer que la Belgique est « sous contrôle ». Réforme de l’Etat, maîtrise budgétaire, réformes socio-économiques, déminage des pièges comme les nominations des top managers… : le stratégie est rigoureuse. L’arrivée dans ce contexte du nouveau roi est de nature à minimiser les risques qu’un tel passage de témoin aurait pu susciter. Sans parler des Diables rouges, dont on attend encore des prouesses ce vendredi soir en Ecosse, sur le chemin du Brésil.
6. Il ne perd sans doute rien pour attendre. Pour autant, la lune de miel du nouveau roi avec la population connaîtra sans aucun doute des moments plus difficiles. Les nationalistes flamands, singulièrement la N-VA, sont restés jusqu’ici prudents, conscients que le moment de passer à l’attaque n’est pas le mieux choisi. Tout juste ont-ils répété leur credo républicain. Mais les faits et gestes de Philippe seront scrutés à la loupe, la moindre erreur risque de se payer cash. Une refonte des pouvoirs royaux pourrait être mise à l’agenda de la prochaine législature par plusieurs partis flamands. Moment clé : commet Philippe va-t-il gérer l’après-élections de 2014. Si la N-VA sort des urnes en tant que premier parti de Flandre, il devra recevoir Bart De Wever en colloque singulier. Ce n’est qu’au coeur de l’action que l’on verra si Philippe à l’étoffe pour conquérir les coeurs de Flandre.

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