Thierry Fiorilli

« Le renouveau politique tient plus du mantra que d’une réelle volonté »

Thierry Fiorilli Journaliste

C’était le 8 juin dernier. Onze jours avant que Benoît Lutgen n’annonce que, finalement, la vie de couple avec le PS, pour le CDH, c’était fini. Nous publiions alors un vaste dossier dressant le portrait-robot de l’élu(e) censé(e) incarner cet indispensable « renouveau politique ».

Un renouveau politique que les scandales de cette année ont transformé en incantation répétée jusqu’à perdre haleine par les gouvernants, les élus, les militants, les médias, les électeurs… Tout le monde. Ce portrait-robot suivait les recommandations de politologues, de constitutionnalistes et de philosophes. Verdict : l’homme/la femme politique nouveau/nouvelle aura un contact plus fort avec les citoyens, côtoiera des parlementaires tirés au sort parmi la population (ou en sera issu/e), aura des mandats limités dans le temps et dans le nombre, sera très contrôlé(e) dans son action (peut-être par des assemblées publiques, auxquelles il faudra rendre des comptes, stricts et permanents), sera plutôt bien rémunéré(e) et appartiendra à un parti dont la force de propositions, d’idées, sera réelle et le fonctionnement transparent et démocratique.

Dès après la publication du dossier, nous avons contacté les présidents de partis et parlementaires francophones du pays (Chambre, Sénat, Wallonie, Bruxelles, Fédération Wallonie-Bruxelles) pour leur demander de se positionner : d’accord ou pas avec ces sept grands critères définissant les acteurs/actrices du changement auquel vous appelez de tous vos voeux ? C’est le résultat de cette enquête que nous proposons cette semaine. Résumé, sans mauvaise foi : le renouveau politique tient plus du mantra que d’une réelle volonté. Et donc, si l’on se base sur les réactions des 242 élus et patrons de formations sollicités, il n’est pas pour demain. En tout cas pas avec eux (79 % ont répondu) ni sous la forme dessinée par nos experts.

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On peut discuter évidemment du bien-fondé de ce genre d’initiative. On sait qu’elle sera contestée. Tant dans sa démarche que dans son contenu originel – les critères avancés par les spécialistes qui intervenaient dans le dossier du 8 juin. Mais on pourra difficilement ignorer les enseignements des réponses et le contexte dans lequel elles nous sont parvenues. Ainsi, pour une très grosse majorité de ceux/celles qui siègent actuellement (et parfois depuis longtemps) dans nos parlements, y voir débarquer des collègues tiré(e)s au sort, interdire des mandats privés et limiter dans le temps les mandats, c’est hors de question. Les avis sont plus partagés sur le nombre de mandats, la hauteur des rémunérations et le contrôle de l’action par les citoyens. Mais il ressort de façon assez flagrante que très peu sont prêts à ce qu’on redistribue complètement les cartes, les règles et les rôles dans ce qui ressemble bel et bien à un territoire réservé à une classe, un club privé presque, une coterie. Les coulisses de l’exercice renforcent ce constat, au fond assez désolant : à de très rares exceptions, les élus qui ont répondu l’ont fait soit après avoir demandé l’autorisation à leur direction de parti, soit sous la dictée de celle-ci : des mots d’ordre et des consignes ont été envoyés aux parlementaires. Et nous avons reçu des réponses types voire une même version pour tous les membres d’une formation. Nous faisant comprendre que c’est l’état-major qui décide de tout. Même de ce que les troupes doivent penser. Ou dire qu’elles pensent.

Ceci aussi démontre l’urgence du renouveau politique. Il passera par de nouvelles figures, de nouveaux modèles, de nouvelles pratiques et de nouvelles équipes.

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