Nicolas De Decker

Le PTB, une certaine idée de l’utile

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

On prête à Lénine quelques qualités, beaucoup de défauts, et de nombreuses expressions apocryphes, parmi lesquelles celle de l’idiot utile. L’idiot utile dont Lénine n’a donc jamais parlé, ce serait cet honnête homme qui défendrait, de bonne foi, la cause de manipulateurs de mauvaise foi. Mais aujourd’hui, même la momie de Vladimir Ilitch ne distinguerait pas l’idiot de l’utile dans la façon dont le plus grand parti léniniste de Belgique, le PTB, affronte les élections communales et leurs effets.

D’abord, tout le monde l’a vu mais personne ne l’a dit, il y est allé à reculons en Wallonie et à Bruxelles, parce que ses patrons sont flamands et qu’ils redoutent bien plus une croissance déséquilibrée qu’une stagnation homogène. Il a ensuite fait croire qu’accéder au pouvoir dans des communes était utile pour lutter contre l’austérité, alors qu’accéder au pouvoir dans les Régions ou au fédéral était inutile pour lutter contre l’austérité. C’est idiot de faire croire qu’un échevin des finances wallon sous tutelle régionale est plus en position de résister à l’imposition de normes comptables qu’un ministre régional ou fédéral représenté au Conseil européen.

C’est encore plus idiot d’y croire, mais ça marche : dans les grises villes wallonnes, le PTB remporte la victoire redoutée par ses patrons. Aux portes du pouvoir, il doit se montrer utile. Et malin. Sinon il devra gouverner, et ses patrons ne le veulent pas parce que si ses cadres wallons le font bien, ils vont encore davantage déséquilibrer le parti, et parce que si ses cadres wallons le font mal, ils vont le ridiculiser. On dit que son programme communal est irréaliste, et ça l’arrange bien.

A Charleroi, le PTB propose la création d’un bureau d’éthique. C’est si chimérique que Jean-Claude Van Cauwenberghe l’avait fait, et qu’il fonctionnait bien jusqu’à 2012. Il veut aussi imposer à chaque projet de promotion immobilière une proportion de 30 % de logements sociaux. C’est si utopique que même s’il ne l’avait pas demandé, il l’aurait obtenu. Il voudrait que les transports en commun soient gratuits. C’est si impayable que ça se fait à Dunkerque et que ça coûterait à peine plus cher que ce que paie la Ville pour le nettoyage du seul centre-ville, qui n’est qu’un des 55 quartiers de Charleroi. Il réclame l’engagement de personnel communal. C’est si irréaliste que c’est dans tous les programmes du PS depuis cinquante ans.

Le PTB exige tout ça, ça n’a rien de léniniste ni de stalinien, c’est, au fond, de la social-démocratie bien maturée, mais comme il n’a pas vraiment envie d’une social-démocratie bien maturée, et encore moins de gouverner, il y met des formes impossibles en ne mettant en avant qu’une unique mesure.

Une mesure ni social-démocrate maturée ni stalinienne, ni même léniniste, parce que Lénine avait eu l’idée et l’avait appliquée mais l’avait très vite abandonnée : diminuer de moitié le salaire des élus, ici communaux. Mais, parce que la moitié d’un salaire de bourgmestre de Charleroi, c’est 0,01 % du budget communal, parce que ça n’est utile qu’à distraire les gens des véritables inégalités, celles qui émargent au secteur privé, et parce que la haine du politique que cette revendication alimente n’est utile qu’à la droite, c’est très inutile. Et, parce que ça va mener tout le monde à chercher comment le PTB gère son propre argent, c’est vraiment très idiot.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire