Frédéric Van Leeuw © BELGA

Le procureur belge antiterrorisme: « Nous allons tous devoir changer nos modes de vie »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

A la tête du parquet fédéral depuis deux ans, Frédéric Van Leeuw prévient : la Belgique n’en est qu’au début de sa croisade contre le terrorisme et la justice doit obtenir d’urgence des moyens nouveaux pour empêcher le pire. Tout en résistant aux pressions politiques.

Frédéric Van Leeuw, 42 ans, procureur fédéral, est un personnage clé du Conseil national de sécurité instauré par le gouvernement Michel. Dans un long entretien au Vif/ L’Express, il évoque l’étendue nouvelle de la menace. Extraits.

« Un risque comparable à l’ETA ou l’IRA »

Depuis sa création, en 2002, le parquet fédéral a pris toute sa place dans le paysage institutionnel belge… qui n’était peut-être pas celle pensée originellement. « Mon plan de gestion initial était surtout orienté sur la lutte contre la criminalité organisée, explique ce parfait bilingue, entré en fonction le 2 avril 2014. Mais un mois et demi après ma prestation de serment est survenu l’attentat contre le Musée juif de Belgique, à Bruxelles. Cela a changé l’ordre des priorités. En matière de terrorisme, nous devons checker toutes les informations venant du monde entier et surveiller tous ceux qui sont susceptibles de passer à l’acte. Il n’y a pas que ceux qui partent en Syrie, il y a aussi ceux qui risquent de basculer par solidarité, à l’intérieur des familles ou des quartiers. »

Devant la commission parlementaire en charge du terrorisme, le procureur fédéral a comparé la menace islamiste radicale à celle vécue en Espagne avec l’ETA et en Irlande du Nord avec l’IRA. « J’en suis convaincu, plaide-t-il. Ce ne sont pas les mêmes causes, ni les mêmes mouvements, mais la volonté de déstabiliser par la terreur est comparable. Ce risque doit nous amener à repenser la façon dont nous appréhendons notre sécurité. Nous avons vécu de façon très insouciante depuis des années avec une sécurité de très bas niveau dans la plupart des bâtiments stratégiques. Vous entrez dans la plupart des ministères ou des tribunaux sans aucun problème. Avant, le Premier ministre se promenait sans protection ; ce n’était plus possible. »

Cette révolution sécuritaire est en cours. « Mais cela devrait s’accélérer, insiste-t-il. Même si je comprends que l’on peine à abandonner cette insouciance. Moi aussi… »

Faire face à la pression des politiques

Le métier de procureur fédéral n’est pas une sinécure en cette ère anxiogène. Il faut prévenir, sans semer un vent de panique dans la population. D’autant plus complexe que les politiques sont en permanence sur le qui-vive. Frédéric Van Leeuw évoque prudemment ces pressions du politique, qui émanent de personnalités aussi contrastées que les bourgmestres d’Anvers, Bart De Wever (N-VA), et de Bruxelles, Yvan Mayeur (PS). « Des bourgmestres nous critiquent parce qu’ils manquent d’informations, mais je ne pense pas qu’il entre dans les compétences d’une autorité administrative de prendre connaissance du contenu d’écoutes téléphoniques ou de renseignements qui viennent de la Sûreté de l’Etat. Je n’attaque personne, je comprends que tout le monde souhaite prouver que tout a été fait pour éviter un attentat. Mais c’est pour nous une grande pression et je ne vais pas commencer à répondre à chaque sortie médiatique. De même, il faut rappeler la base d’un dossier judiciaire : une personne est innocente jusqu’à preuve du contraire. Dans notre démocratie, on n’emprisonne longtemps quelqu’un sans preuve ! Chercher des éléments dans un dossier qui n’est pas terminé, qui n’a pas fait l’objet d’une condamnation, pour prendre une série de mesures administratives, c’est un équilibre difficile à atteindre. Même si j’ai déjà dit à plusieurs reprises que je préfère un mauvais dossier judiciaire à un bel attentat. »

L’intégralité de l’entretien dans Le Vif/L’Express de ce jeudi. Avec :

– les demandes de moyens supplémentaires faites au politique

– le risque de cyberterrorisme

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