Paul Magnette et Bart De Wever © Belga

Le pouvoir des présidents de partis jure avec la démocratie

Il est difficile de surestimer les élections présidentielles des partis, même si généralement, elles ne promettent pas grand-chose de bon pour les partis concernés – ni pour la société démocratique.

Dans la démocratie parlementaire que la Belgique prétend être, d’importantes élections se tiendront dans les prochains jours : celles des présidents de partis. Elles sont plus cruciales que les élections communales, de district et provinciales et que les élections régionales, fédérales et européennes. Parce que dans ce pays, tout commence et finit avec les présidents des partis qui sont les araignées de la toile politique.

L’analyse a déjà été faite souvent : la démocratie belge est une particratie. Wilfried Dewachter l’a exprimé très clairement dans son livre De truckendoos van de Belgische particratie (La boîte à malice de la particratie belge). Ce ne sont pas les représentants élus du peuple, et encore moins les citoyens eux-mêmes qui prennent les décisions politiques. « Une poignée de présidents de parti à peine légitimes mènent la danse », explique le politologue louvaniste.

Il y a quelques années, Ivan De Vadder partait en quête des personnes les plus puissantes du pays pour son livre The Power People. « Le président du parti est devenu la fonction politique la plus importante », concluait le journaliste politique de la VRT, « et le président de parti est désormais la fonction par excellence qui n’est décrite nulle part dans la Constitution ». Les présidents des partis décident des négociations gouvernementales aux moments essentiels, définissent la politique gouvernementale à long terme, négocient généralement entre eux la réforme de l’État, décident qui figure en tête des listes électorales, choisissent leurs ministres, ont accès à l’argent qui circule en abondance grâce au financement des partis, sont les seuls à avoir un aperçu des différents niveaux politiques, distribuent toutes sortes de postes etc. Et c’est un problème, car « les présidents de parti échappent à tout contrôle, sauf à celui de leurs propres collègues du parti », dit De Vadder.

Les présidents des partis sont souvent élus avec un score stalinien. Comme Paul Magnette, le week-end dernier, devenu président du PS avec 95,4 % des voix. Quiconque espère une nomination lucrative ici ou là dans un avenir proche se gardera de critiquer le président. Ce n’est pas pour rien que les socialistes francophones l’appellent parfois Dieu.

Chez Groen, il y a eu un duel pour la présidence : la présidente actuelle, Meyrem Almaci, l’a emporté de justesse (53,2%) face à Björn Rzoska. Chez Groen, on constate une autre lacune des élections présidentielles : Almaci a été élue à la présidence pour cinq autres années avec 773 voix, tandis que Groen prétend compter 12.000 membres. Les élections présidentielles sont une forme très particulière de démocratie.

Au SP.A et au CD&V, pas un seul ténor n’a le courage de sortir le parti du bourbier. Ils écrivent des « textes de vision » et des oracles pour expliquer ce qu’il faut faire, mais ils évitent la responsabilité de la présidence. De peur de tomber avec le parti, ils optent pour une carrière moins risquée. Chez les socialistes flamands, Meryame Kitir, Yasmine Kherbache, Mohammed Ridouani et Hans Bonte, par exemple, étaient aux abonnés absents, tout comme les Hilde Crevits, Koen Geens, Pieter De Crem et Hendrik Bogaert chez les démocrates chrétiens flamands. Ils ne devront pas gémir quand leur parti ne représentera plus rien.

Au sein des deux partis, on entend que les candidats relativement inconnus et inexpérimentés illustrent à quel point l’appel à l’innovation est pris au sérieux. Cela reste à voir. Au sp.a, trois candidats sont actuellement en compétition pour succéder à John Crombez : Conner Rousseau, Hannes De Reu et Christ’l Van der Paal. Pour le politologue gantois Carl Devos, le grand favori et poulain de Crombez, Rousseau, semble « transformer le parti en mouvement de jeunesse ». Sept d’entre eux veulent suivre les traces de Wouter Beke au CD&V : Katrien Partyka, Vincent Van Peteghem, Raf Terwingen, Sammy Mahdi, Walter De Donder, Joachim Coens et Christophe Vermeulen. Ils sont traités dédaigneusement de « sept nains » et tiennent tous les mêmes propos vagues. Comment ça, un renouvellement ?

Le pouvoir des présidents des partis a toujours juré avec la démocratie parlementaire. Avec ces élections présidentielles, c’est encore plus manifeste.

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